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Le baroque à la fête

Toulouse
Théâtre du Capitole
02/23/2016 -  et 26, 27, 29, 30 janvier, 1er, 2 février (Paris), 1er, 2 avril (Caen) 2015, 25, 26, 28* février (Toulouse), 14, 16, 17 avril (New York) 2016
André Campra : Les Fêtes vénitiennes
Emmanuelle de Negri (La Raison, Lucile, Lucie), Elodie Fonnard (Iphise, La Fortune), Rachel Redmont (Irène, Léontine, Flore), Emilie Renard (La Folie, Isabelle), Cyril Auvity (Le Maître de danse, un Suivant de la Fortune, Adolphe), Reinoud Van Mechelen (Thémir, Un masque, Zéphyr), Marcel Beekman (Le Maître de musique), Jonathan McGovern (Alamir, Damire, Borée), François Lis (Le Carnaval, Léandre, Rodolphe), Sean Clayton (Démocrite), Geoffroy Buffière (Héraclite), Compagnie Scapino Ballet Rotterdam
Les Arts Florissants, William Christie (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène, lumières), Ed Wubbe (chorégraphie), Radu Boruzescu (décors), Petra Reinhardt (costumes), Peter van Praet (lumières)


E. Renard (© Patrice Nin)


Longtemps demeuré dans l’ombre de la postérité de Lully et Rameau, Campra comptait pourtant parmi les compositeurs les plus en vue de son époque. Au demeurant, Les Fêtes vénitiennes de ce chaînon essentiel entre les deux figures tutélaires de l’opéra français connurent un succès considérable jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, au gré de versions renouvelées de l’ouvrage, jouant des combinaisons offertes par les neuf entrées écrites au fil des révisions successives. Dans la production créée à Paris en janvier 2015 présentée le Capitole de Toulouse, trois ont été retenues, outre le Prologue consacrant le triomphe de la Folie sur la Raison: «Le Bal», «Les Sérénades et les Joueurs» et «L’Opéra».


Pour n’entretenir aucun rapport dramaturgique direct les unes avec les autres, la diversité des séquences choisies n’empêche aucunement Robert Carsen de proposer une mise en scène les reliant entre elles par un dispositif modulable. Autour des praticables peints en façades de Saint-Marc par Radu Boruzescu qui délimitent une place où la Basilique serait côté public, s’agitent, pendant le Prologue, une foule de touristes partis à l’assaut de la Sérénissime et qui puisent dans leurs bagages pour se déguiser en rouge vénitien, au diapason du Carnaval sur échasses: le virtuose jeu de théâtre dans le théâtre peut commencer. Grâce à réversibilité des panneaux, on passe d’un intérieur pompeux ducal aux nocturnes canaux peuplés de gondoles sur pattes avant de revenir aux loges d’un opéra à quelques minutes de la représentation. L’humour ne manque pas dans cette évocation naviguant entre les siècles et les fantasmes, ce dont la compagnie Scapino Ballet Rotterdam se fait l’écho par la chorégraphie inventive réglée par Ed Wubbe. La grande cohérence visuelle de l’ensemble se reflète dans les costumes dessinés par Petra Reinhardt, et la maîtrise poétique des lumières conçues de concert par le metteur en scène avec Peter van Praet confirme un évident métier qui trouve ici une de ses expressions les plus inspirées.


La distribution vocale participe de ces effets de parenté entre les tableaux. Après la sévérité impérieuse de la Raison, Emmanuelle de Negri déploie son éclat et sa musicalité dans la vindicte de Lucile autant que la duplicité de Lucie. Rachel Redmond ne dissimule pas la séduction fruitée d’Irène, que l’on retrouve dans les protestations de sincérité de Léontine avant qu’elle n’endosse le rôle de Flore. Elodie Fonnard, d’abord Fortune, distille une frémissante Iphise, tandis que l’exubérance de la Folie n’empêche point Emilie Renard de manifester le pragmatisme vengeur d’Isabelle sous la lumière des sérénades. Côté messieurs, Marcel Beekman rivalise en Maître de Musique face au Maître de danse de Cyril Auvity pour convaincre Thémir déguisé en prince de la supériorité de son art. On retrouve le ténor néerlandais dans un emploi homonyme dans la troisième entrée où son sens de la fatuité comique fait également merveille. Son concurrent emprunte avec non moins d’à-propos le vêtement d’un suivant de la Fortune et celui d’Adolphe. Reinoud Van Mechelen irradie de sa juvénilité lumineuse et légère les accents de Thémir, autant que le passage de Zéphyr ou d’un masque. Jonathan McGovern condense la ferveur amoureuse d’Alamir et de Damire, ce dernier profitant de son costume de Borée pour enlever son amante. Carnaval aux répercussions caverneuses dans son géant d’effigie, François Lis résume aussi solidement le donjuanisme de Léandre que la déception de Rodolphe. Mentionnons encore les deux sages aux défroques monacales, Démocrite et Héraclite, confiés respectivement à Sean Clayton et Geoffroy Buffière. Quant aux Arts Florissants, chœur et orchestre, ils libèrent la saveur de la partition, sous la direction généreuse de William Christie, lequel fait ici ses premiers pas dans la fosse du Capitole.



Gilles Charlassier

 

 

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