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L’anti-héros norvégien

Vienna
Konzerthaus
02/27/2016 -  et 28* février 2016
Edvard Grieg: Peer Gynt, opus 23
Miah Persson (Solveig), Marianne Beate Kielland (Anitra), Johannes Weisser (Peer Gynt), Sunnyi Melles, Sven-Eric Bechtolf (récitants), Alain Perroux (adaptation)
Wiener Singakademie, Wiener Symphoniker, Marc Minkowski (direction)


M. Minkowski (© Marco Borggreve)


C’est une œuvre paradoxale sous bien des aspects: si quelques mélodies extraites de Peer Gynt comptent parmi les plus populaires du compositeur, les suites orchestrales sont somme toute rarement jouées (et ne parlons pas des versions plus complètes); d’autre part, la scène la plus emblématique «Au matin» d’une œuvre pleinement associée à la culture norvégienne se déroule dans le désert marocain, bien loin de la Scandinavie; finalement, si la musique de Grieg a sans nul doute été un facteur déterminant du succès de la pièce de Henrik Ibsen, il convient de constater la prédominance du texte sur la musique, cette dernière ne contribuant pour une grande part qu’à peindre l’atmosphère en toile de fond à l’action dramatique.


Cela dit, ce sont là d’excellentes raisons pour aller au concert redécouvrir l’intégralité d’une œuvre qui passe difficilement au disque. En fait d’intégrale, la version présentée au Konzerthaus est une adaptation par Alain Perroux, réduite à deux (très généreuses) heures et où deux comédiens prennent en charge la totalité des protagonistes de la pièce. Si le rôle masculin (Sven-Eric Bechtolf) incarne Peer Gynt, en revanche son interlocutrice (Sunnyi Melles) jongle entre une kyrielle de personnages: féminins (la mère de Peer, sa fiancée, etc.), fantastiques (trolls et autres génies), et parfois même masculins (le Roi de la montagne)! Pour rendre la clarté au texte, on comprend qu’un certain nombre d’adaptations ont été nécessaires. Le texte étant de plus récité en langue allemande (mais chanté en norvégien), certaines astuces permettent de rendre les divers accents et jeux de mots de la version originale. C’est sans aucun doute une belle réussite de la part du dramaturge suisse, déjà remarqué pour ses ouvrages consacrés à Frank Martin, à Franz Schreker à la comédie musicale et à l’opéra.


Les solistes sont assez peu sollicités mais généralement brillants. Marianne Beate Kielland est une mezzo-soprano absolument rayonnante, combinant naturel et pureté stylistique. Son incarnation d’Anitra en princesse aguicheuse et insaisissable est certainement l’un des moments les plus parfaits de la représentation. Johannes Weisser pose avec assurance un Peer Gynt émotionnel et excessif, bien à l’image de l’aventurier romanesque de la pièce. Le timbre cristallin de Miah Persson (Solveig) convainc pleinement dans les aigus, mais manque parfois d’homogénéité et de justesse dans le bas de la tessiture. Et à l’exception des rythmes de la scène nocturne, qui manquent de précision, les chœurs sont impeccables.


Marc Minkowski impulse, à grand renfort de gestes et de sautillements endiablés, vivacité et fraîcheur à la musique, parvenant à conserver une pointe de verdeur aux timbres malgré un effectif conséquent. L’esprit n’est jamais loin de la musique traditionnelle, la subtilité des timbres et nuances en plus; on admire par exemple le grain orchestral dans la scène de la mort d’Ase, et les accents de la petite harmonie dans l’ouverture du quatrième acte.


Le public était venu en nombre: le chef français, qui a déjà produit à plusieurs reprises la pièce de Grieg, parvient à lui transmettre l’enthousiasme qui l’habite et illumine avec une douce ironie ce dimanche d’hiver.



Dimitri Finker

 

 

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