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L’originalité de Sir Simon Rattle

Berlin
Philharmonie
02/25/2016 -  et 26, 27 février 2016
Albert Roussel : Le Festin de l’araignée, opus 17: Fragments symphoniques
Karol Szymanowski : Concerto pour violon n° 2, opus 61
Jean-Philippe Rameau : Les Boréades: Suite

Daniel Stabrawa (violon)
Berliner Philharmoniker, Sir Simon Rattle (direction)


D. Stabrawa


Lorsqu’il s’agira de faire le bilan des deux mandats de Sir Simon Rattle à la tête de l’Orchestre philharmonique de Berlin, nul doute qu’on soulignera avant tout l’originalité de sa programmation, ses choix (au niveau tant des œuvres que des chefs invités, par exemple) ayant permis à l’orchestre de s’aventurer dans des contrées qu’il ne connaissait que peu jusqu’alors. Qu’on en juge avec ce concert qui programmait Le Festin de l’araignée d’Albert Roussel (1869-1937), pièce que l’orchestre n’avait pas jouée depuis un concert donné en janvier 1937 sous la direction d’Albert Wolff, le Second Concerto pour violon de Karol Szymanowski (1882-1937), qui faisait ainsi son entrée au répertoire du Philharmonique, et une suite orchestrale issue des Boréades de Jean-Philippe Rameau (1683-1764), extraits que les Berliner Philharmoniker n’ont joués pour la première fois qu’en novembre 1993 sous la direction d’un certain Sir Simon Rattle, déjà.


Après un concert de la Saint-Sylvestre et un premier concert du mois de janvier déjà entièrement consacrés à la musique française, les Philharmoniker poursuivaient leur voyage dans la musique hexagonale avec donc ces fragments symphoniques du ballet Le Festin de l’araignée (1913) de Roussel. Déjà auteur d’une œuvre remarquée, le compositeur français répondait alors à une commande qui voguait sur la mode des ballets, mode qui, au cours des mois précédents la création du Festin de l’araignée, avait déjà vu celles de Ma Mère l’Oye de Ravel (janvier 1912), de Pupazzi de Schmitt (mai 1912) et de Dolly de Fauré (janvier 1913, dans l’orchestration d’Henri Rabaud). L’influence de l’orchestre de Debussy et de Ravel est évidente avec cette flûte traversière diaphane (tenue ce soir par Mathieu Dufour) et ces interventions millimétrées de la harpe, du cor anglais ou du célesta. Répondant comme il se doit aux images voulues par le compositeur, les épisodes de la suite orchestrale s’intitulant aussi bien «Entrée des fourmis» que «Danse du papillon» ou «Funérailles de l’éphémère», les musiciens du Philharmonique de Berlin, pourtant en terrain inconnu, n’en réalisent pas moins une prestation des plus convaincantes grâce à Simon Rattle, qui dirige l’œuvre avec toute la finesse qu’on lui connaît dans ce type de répertoire.


Au mois de janvier, Marie-Pierre Langlamet, la harpiste solo du Philharmonique de Berlin, avait joué les Danses pour harpe et orchestre à cordes de Debussy; ce soir, c’était au tour d’un autre membre éminent de l’orchestre, le violoniste Daniel Stabrawa (depuis 1986, un des trois Konzertmeister), de s’illustrer avec le redoutable Second Concerto (1933) de Szymanowski. Commande du violoniste Pawel Kochanski, ce Second Concerto abandonne toute trace de poésie ou de luxuriance orchestrale que l’on pouvait entendre dans le Premier, la partition faisant ici place à une clarté du discours des plus objectives. Dès l’introduction aux couleurs quelque peu angoissantes, le violon de Stabrawa (qui avait également joué en 1994 le Premier Concerto avec le Philharmonique et Mariss Jansons) montre toute l’étendue de ses possibilités, tant dans ces sons étirés que dans le jeu de questions/réponses avec la petite clarinette ou le trombone. Au milieu de sonorités grinçantes voire grimaçantes, soliste et orchestre trouvent parfois le chemin vers quelques sonorités tziganes, le jeu de Stabrawa alternant avec beaucoup de force les emballements et les moments de quiétude (le très bel Andante sostenuto) où le discours se révèle tout à coup quelque peu contemplatif. Puis, vient la redoutable cadence écrite par Kochanski lui-même où Strabawa force l’admiration grâce à une technique rompue à toute épreuve. Le second mouvement Allegramente, molto energico laisse une impression un peu moins forte en raison d’une partition peut-être plus classique dans son agencement (la battue de Simon Rattle veillant essentiellement à la bonne mise en place de l’ensemble), des accents folkloriques où certains motifs reviennent tel un leitmotiv avant les derniers accords d’un concerto à n’en pas douter redoutable. C’est à Madeleine Carruzzo, premier violon du rang (et première femme à avoir intégré le prestigieux orchestre, en 1982...), qu’il est revenu de donner un bouquet de fleurs au soliste, vivement applaudi par le public et ses pairs: plus que jamais, on est en famille.


L’entracte permet de reconfigurer la scène, l’estrade du chef disparaissant au profit d’un clavecin, les quatre-vingts musiciens laissant place à seulement quarante instrumentistes pour le troisième compositeur à l’honneur de ce programme, en la personne de Rameau. Peu habitué à jouer ce compositeur, c’est pourtant la troisième fois, toujours sous la direction de Simon Rattle, qu’il donne une suite d’extraits orchestraux des Boréades (1763). Certes, on n’entendra pas ce soir de Concert des Nations ou d’Arts Florissants, le vibrato n’étant pas toujours abandonné chez les cordes, les percussions étant un peu trop sages par rapport à ce que l’on entend parfois dans quelque orchestre «baroqueux» (mais tout le monde n’est pas Pedro Estevan!), le piqué des quatre bassons n’ayant pas toujours la truculence souhaitée... Pour autant, les deux cors (dont le cor solo, tenu ce soir et sauf erreur par le charismatique Eric Terwilliger, cor solo de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, en attendant que le deuxième poste de cor solo des Berliner Philharmoniker soit pourvu aux côtés de Stefan Dohr, absent ce soir) et les deux clarinettes furent tout à leur aise dans l’«Allegro», les cordes jouèrent parfaitement le jeu dans la toujours aussi étrange «Contredanse en rondeau», les hautbois et les bassons affirmèrent sans vergogne toute leur vivacité dans la «Gavotte pour les Heures et les Zéphyrs». Le plus à son affaire fut certainement Rattle qui, dirigeant à mains nues au milieu de ses musiciens, prit un plaisir évident à faire vivre cette musique dans le cadre de la Philharmonie; là aussi, contraste des plus surprenants.



Sébastien Gauthier

 

 

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