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Cinq ans après

Strasbourg
Opéra national du Rhin
02/07/2016 -  et 9*, 13, 16, 18 (Strasbourg), 27 (Mulhouse) février 2016
Leos Janácek : Věc Makropulos
Angeles Blancas Gulin (Elina Makropoulos), Raymond Very (Albert Gregor), Martin Bárta (Jaroslav Prus), Enric Martinez-Castignani (Dr Kolenatý), Guy de Mey (Vitek), Sophie Marilley (Krista), Enrico Casari (Janek), Andreas Jaeggi (Hauk-Sendorf), Peter Longauer (Le machiniste), Nadia Bieber (La femme de ménage, La femme de chambre)
Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)
Robert Carsen, Laurie Feldman (mise en scène, reprise par Laurie Feldman), Radu Boruzescu (décors), Miruna Boruzescu (costumes), Robert Carsen et Peter Van Praet (lumières)


(© Alain Kaiser)


Des cinq productions du cycle Janácek de Robert Carsen présentées à l’Opéra national du Rhin de 2010 à 2013 (Jenůfa, Kát’a Kabanová, La Petite Renarde rusée, De la maison des morts), L’Affaire Makropoulos est le seul titre à s’être vu pour l’instant offrir une reprise, cinq ans après son élaboration initiale, ici même à Strasbourg. Entre temps le spectacle a été montré ailleurs, à Nuremberg et à Venise, avant de revenir sur son plateau d’origine, confié à la vigilance d’un(e) assistant(e) pour en reconstituer l’essentiel. C’est là sans doute un inconvénient du système Carsen que ces remises en état systématiquement confiées à des sous-traitants, chargés de restituer des travaux anciens qu’ils ne sont pas autorisés à modifier. Le temps passe, les interprètes changent, et là où il faudrait peut-être repenser et réviser, l’absence du maître d’œuvre initial fige tout dans une immuabilité gênante, ce qui peut rendre plus dérangeants certains défauts initialement véniels.


Dans L’Affaire Makropoulos, le magnétisme de la chanteuse principale joue un rôle prépondérant et il paraît quand même difficile de passer de Cheryl Barker à Angeles Blancas Gulin en pensant qu’exactement les mêmes robes et attitudes pourront fonctionner pour les deux. Une morphologie de liane anorexique n'est pas obligatoire pour jouer les femmes fatales, mais il aurait mieux valu épargner à Angeles Blancas Gulin quelques déshabillés qui vraiment ne l’avantagent pas, alors que reprendre tout un travail sur les costumes voire sur des attitudes de diva plus conformes à son physique, aurait pu l’aider à donner davantage de relief à son personnage. Certes c’est la loi des reprises, encore rigidifiée ici par la disparition de la costumière Miruna Boruzescu il y a deux ans, mais la production ne trouve plus, faute des adaptations nécessaires, son centre de gravité. Entre un début et une fin qui restent brillantes, sur une grande scène vide ouverte des deux côtés, nième avatar du théâtre dans le théâtre carsenien, la trame érotico-judiciaire de l’ouvrage se traîne, avec à partir de l’acte II des passages à vide ou du moins des facilités qui passent encore moins bien quand on revoit la production quelques années plus tard. Médiocre milieu d’acte III surtout : Emilia Marty en poivrote pathétique, une bouteille à la main, affairée à lancer en tous sens des papiers, du mobilier, des robes... des stratagèmes de remplissage davantage que des bonnes idées.


On aurait peut-être trouvé le temps moins long si la chanteuse venait nous empoigner en force par son incarnation musicale. Mais une réelle fatigue se fait vite sentir chez Angeles Blancas Gulin, vilaines traces d’usure sur le timbre et intonations parfois très peu justes. Certes ce rôle peut s'accommoder d'une voix ruinée, mais n'est pas Anja Silja qui veut. Il manque à la chanteuse espagnole une force de conviction qui pourrait nous faire oublier ses errements, quand même fatigants à la longue, surtout dans la scène finale où un vrai lyrisme, quasi straussien, devient indispensable.


Dommage, car en fosse c’est l’Orchestre philharmonique de Strasbourg qui officie, nettement mieux à même de triompher des difficultés de la partition que l’Orchestre de Mulhouse, douloureusement dépassé il y a cinq ans. Marko Letonja obtient un beau travail de synchronisation et de précision, dont on peut toutefois déplorer qu’il reste cantonné à la fosse, sans parvenir à inclure le plateau. L’acoustique problématique de la salle en est aussi responsable, mais manque une réelle interaction entre instruments et voix, comme si le théâtre vocal et la combinatoire orchestrale restaient deux mondes simultanés, un peu étrangers l’un à l’autre. Un écueil à vrai dire très difficile à éviter dans L’Affaire Makropoulos : dans nos souvenirs, seul Tomás Hanus, à Munich l’an dernier, avait pu récemment le relativiser...


Autour du rôle-titre, beaucoup de titulaires sont restés les mêmes que lors des représentations initiales. Et les nouveaux venus s’intègrent globalement bien, notamment l’Albert Gregor de Raymond Very, aux aigus plus stables que ceux de son prédécesseur. Une reprise honorable vu les difficultés de l’ouvrage, mais d’un spectacle qui ne s’est pas bonifié en vieillissant.



Laurent Barthel

 

 

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