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Bouffe sans complexe

Paris
Massy (Opéra)
12/05/2015 -  et 22, 23, 25, 26, 27 novembre (Bordeaux), 9 (Saint-Louis), 11 (Reims), 13 (Argenteuil), 17, 18 (Toulon) décembre 2015, 9, 10, 12, 13, 14 (Nantes), 16, 17, 19* (Angers), 21, 22 (Bourges), 26 (Charleroi), 28 (Le-Perreux-sur-Marne), 30 (Chelles) janvier, 2, 3 (La Rochelle), 7, 9, 11, 12, 13 (Venise) février, 18, 20, 21, 22 mars (Rennes) 2016
Hervé : Les Chevaliers de la Table ronde (arrangement Thibault Perrine)
Chantal Santon Jeffery (Mélusine), Lara Neumann (Angélique), Ingrid Perruche (Totoche), Clémentine Bourgoin (Fleur-de-Neige), Arnaud Marzorati (Merlin), Manuel Nunez Camelino/Mathias Vidal (Médor), Damien Bigourdan (Rodomont), Antoine Philippot (Sacripant), Rémy Mathieu (Roland), David Ghilardi (Amadis des Gaules), Théophile Alexandre (Lancelot du Lac), Jérémie Delvert (Renaud de Montauban), Pierre Lebon (Ogier le Danois)
Compagnie Les Brigands, Christophe Grapperon (direction musicale)
Pierre-André Weitz (mise en scène, costumes, scénographie), Bertrand Killy (lumières)


(© Guillaume Bonnaud)


Dans la galerie des amuseurs de Second Empire, toutes les étoiles n’ont pas connu les mêmes faveurs qu’Offenbach, et que la postérité, souvent courtisane des réputations du vivant, n’a pas rééquilibrées. Ainsi en est-il de Louis-Auguste-Florimond Ronger (1825-1892), plus aisément identifiable sous son raccourci pseudonymique Hervé. Concurrents dans le contournement des contraintes qui pèsent alors sur le privilège lyrique – la législation en vigueur alors garde la trace pas si lointaine des décrets royaux du Grand Siècle – et dans l’émergence subséquente de l’opéra-bouffe, les deux musiciens n’ont pas connu les mêmes déboires avec la gloire. Quand le célèbre Jacques finit par rapidement se faire une place enviée, Hervé mène une vie de labeur, qu’une sombre histoire de mœurs – un détournement de mineur – ne vient pas favoriser, en le faisant passer par la case prison.


C’est d’ailleurs peut-être à cet épisode autant qu’aux ambivalences pulsionnelles du musicien, feu organiste à Saint-Eustache avant que les vers et les notes – et sa vie familiale avec femme et enfants à nourrir – n’accaparent ses forces, que la mise en scène des Chevaliers de la Table ronde réglée par Pierre-André Weitz fait un clin d’œil, tant dans la chorégraphie des combattants empruntant sans doute au souvenir d’un groupe de disco dont les préférences sexuelles n’ont jamais été un secret, que dans la scénographie de bandes noires et blanches façon faux Buren qui ne jureraient pas avec les Dalton, et contaminent les costumes avec un sens perceptible de l’efficacité visuelle et comique, que les lumières de Bertrand Killy soulignent avec non moins de pertinence. Au demeurant, une pancarte, comme le spectacle en use au fil de la soirée, jouant de la complicité avec le public, avertit que le concours à l’issue duquel Angélique, la fille du duc Rodomont, recevra mari pour, enfin connaître les plaisirs de l’amour, sinon de la chair, couronnera la vaillance de la «chevalier hétérosexuelle». Les gags et calembours, pas seulement onomastiques, qui émaillent l’intrigue, se révèlent au diapason d’une fantaisie irrésistiblement irrévérencieuse et point bégueule, jusqu’à une simulation de partie fine où les preux soldats finissent par tirer parti de leur nombre supérieur à la disponibilité féminine réduite à un seul exemplaire.


Soutenue par l’incontournable Centre de musique romantique française à Venise, le Palazzetto Bru Zane, cette résurrection, portée sur les fonts baptismaux en novembre à Bordeaux, fait une première escale à Massy en décembre avant une tournée hexagonale – et au-delà, puisqu’elle passera notamment par Venise en février. Elle trouve un partenaire de choix en la réduction que Thibault Perrine, l’arrangeur attitré, a réalisé pour les douze pupitres de l’ensemble Les Brigands, placé sous la houlette de Christophe Grapperon. Répondant à verve communicative de la fosse, le plateau vocal propose un réjouissant éventail de caractères. Chantal Santon Jeffery incarne une Mélusine aussi redoutable de ruse et de jalousie que d’hispanisation caricaturale dans l’intonation. Lara Neumann livre une Angélique à la niaiserie retorse, quand sa mère, Totoche, revient à une Ingrid Perruche qui n’économise pas les vapeurs théâtrales. Damien Bigourdan et Antoine Philippot forment en Rodomont et Sacripant un duo parfaitement réglé. Rémy Mathieu réserve à un Roland grimant la diction syncopée des banlieues des accents éclatants qui confirment la prometteuse destinée lyrique du jeune ténor français. Le quatuor de chevaliers ne manque d’aucun à-propos, de l’Amadis de David Ghilardi à l’Ogier de Pierre Lebon, en passant par Théophile Alexandre en Lancelot et Jérémie Delvert en Renaud. Manuel Nuñez Camelino pétille en Médor. Mentionnons encore le Merlin d’Arnaud Marzorati et Clémentine Bourgoin en Fleur-de-Neige, complétant une remarquable collégialité au contagieux enthousiasme bouffe.


La tournée nantaise et angevine en janvier offre une alternative au rôle de Médor, en Mathias Vidal, dont la vigueur ne suscite plus chez Angélique certaine réserve positionnelle manifestée avec son «premier» faux époux – qui deviendra ensuite le véritable à la place de celui initialement programmé. Pour rassembler une équipe presque identique, la production ne manque pas par ailleurs de gagner une patine au fil des dates, et s’adapter aux contraintes singulières des salles successives comme aux variantes de cast, à l’instar de celles de la taille du précepteur. En somme, un bel avatar de spectacle vivant.



Gilles Charlassier

 

 

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