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Faites sonner les cloches !

Paris
Salle Gaveau
02/09/2016 -  
Franz Liszt : Ave Maria-Die Glocken von Rom, S. 182
Sergueï Rachmaninov : Prélude, opus 3 n° 2 – Etude-tableau, opus 39 n° 9
César Franck : Les Cloches du soir, FWV 87 (arrangement Gengembre)
Camille Saint-Saëns : Les Cloches du soir, opus 85 (arrangement Gengembre)
Claude Debussy : Les Cloches (arrangement Gengembre) – Images (Seconde Série): 1. «Cloches à travers les feuilles»
Jean-Claude Gengembre : Fenêtres sur Egaré!
Boris Tishchenko : Sonate n° 7 pour piano et cloches, opus 85

Nicolas Stavy (piano), Jean-Claude Gengembre (percussions)


N. Stavy (© Guy Vivien)


En écho à son disque monographique consacré à Boris Tishchenko (Bis), Nicolas Stavy, flanqué du percussionniste Jean-Claude Gengembre, offrait un récital atypique placé sous le signe des cloches.


Dès la pièce de Liszt Les Cloches de Rome choisie en ouverture, notre pianiste apparie son jeu à la thématique du concert: nimbé de résonances, les graves comme coulés dans le bronze, le Yamaha de la salle Gaveau atteint le maximum de son intensité durant le crescendo central, admirablement ménagé. Sépulcrales, les basses du célèbre Prélude en ut dièse mineur de Rachmaninov se détachent du choral, semblant venir du lointain. Nicolas Stavy n’hésite pas à pétrir son clavier, à nimber les contours mélodiques au moyen d’un legato légèrement collant et d’une pédale généreuse. Même les vibrations les plus infimes («Cloches à travers les feuilles» de Debussy) trouvent, sous ses doigts de sourcier, une plénitude à leur mesure.


Les arrangements pour piano et percussions des pièces de Saint-Saëns, Franck et Debussy n’ont pas d’autre ambition que d’enrichir, le temps d’une soirée, la complicité des deux partenaires, mais ils vont à l’encontre des virtualités expressives du piano. Il y a en effet quelque chose de redondant à marier le vibraphone et les cloches tubulaires avec le «roi des instruments» par le biais de pièces dont l’enjeu est, sinon d’en donner l’illusion, du moins de les suggérer (à quand «Asturias» d’Albéniz pour piano et guitare?). Au mieux habile lorsqu’elle ventile la mélodie à l’un ou l’autre des exécutants quand elle n’encourage pas le colla parte, la transcription cosmétique du percussionniste ne possède pas les mêmes vertus que celles, pour orchestre, signées Colin Matthews (d’après les Préludes de Debussy), voire Percy Grainger. On en sera quitte pour une parenthèse inaboutie avant les oniriques Fenêtres sur Egaré! pour percussions, dans lesquelles Jean-Claude Gengembre tire, pour le coup, remarquablement profit de l’arsenal de poche mis à sa disposition: rhapsodique, sa pièce cultive les «sonorités opposées», les timbres mouillés propices à se laisser glisser sur la pente de la rêverie. Réveil assuré avec la roborative Etude-tableau de Rachmaninov qui referme cette première partie: on retrouve le piano de Nicolas Stavy, dont le potentiel orchestral doit certainement beaucoup à son commerce de longue date avec la musique de Liszt.


Une seule œuvre, mais non des moindres, nous attend après l’entracte: la Septième Sonate pour piano et cloches (1982) de Boris Tishchenko (1939-2010). Difficile de qualifier cet «objet musical non identifié» sans le trahir: disons qu’il se situe entre Chostakovitch (développement dramatique, ironie grinçante), Prokofiev (franchise des rythmes de marche d’un optimisme conquérant) et Oustvolskaïa (rage percussive). Au piano sont associés des instruments à percussion résonants: deux grandes cloches, un jeu de cloches tubulaires et un glockenspiel. Mais le compositeur leur confère moins un rôle concertant qu’un geste inaugural chargé de fournir au piano le matériau rythmique et/ou motivique à partir duquel la section s’élaborera. L’écriture pour clavier couvre une large gamme expressive, passant d’une débonnaire invention à deux voix à des agrégats massifs sollicitant tous les registres. Le Lento évolue dans une ambiance plombée, non sans évoquer «Le Gibet» ravélien avec son glas menaçant. Mais voici un faux rythme de valse, où s’invitent la tonalité et son petit cortège de notes étrangères. Après un passage d’une rare violence et de virtuoses cascades d’accords alternés, le glockenspiel conclut sur une naïve mélodie semblant sortir d’une boîte à musique. Au terme de ce voyage musical atypique, Nicolas Stavy aura montré un puissant sens architectural et une virtuosité sans faille; certainement l’un des pianistes les plus passionnants du moment.


Le site de Nicolas Stavy



Jérémie Bigorie

 

 

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