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La Flûte de la jeunesse

Geneva
Grand Théâtre
12/23/2015 -  et 26, 27, 28*, 29, 30, 31 décembre 2015, 3, 5, 6, 7, 8 janvier 2016
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte, K. 620
Jeremy Milner (Sarastro), Mandy Fredrich/Svetlana Moskalenko* (La Reine de la nuit), Joachim Bäckström/Stanislas de Barbeyrac* (Tamino), Urska Arlic Gololicic/Pretty Yende* (Pamina), Tom Fox (L’Officiant), Andreas Wolf*/André Morsch (Papageno), Mary Feminear/Amelia Scicolone* (Papagena), Emalie Savoy (1re Dame), Inès Berlet (2e Dame), Lindsay Ammann (3e Dame), Loïc Félix (Monostatos), Wolfgang Barta (1er Prêtre, 2e Esclave), Michael Austin (2e Prêtre, 1er Homme en armure), Alexander Milev (2e Homme en armure), Omar Garrido (1er Esclave), Phillip Casperd (3e Esclave)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (préparation), Zürcher Sängerknaben, Alphons et Konrad von Aarburg (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Gergely Madaras (direction musicale)
Jürgen Rose (mise en scène, décors et costumes), Mark Daniel Hirsch (reprise de la mise en scène), Manfred Voss (lumières)


(© Carole Parodi)


Le Grand Théâtre de Genève a eu chaud. Très chaud. Trois semaines avant la première représentation d’une nouvelle production de La Flûte enchantée, la direction de l’institution lyrique décidait d’annuler le spectacle en train de se mettre en place et de le remplacer par une version du chef-d’œuvre de Mozart étrennée à Bonn en 1996. Une décision motivée par des considérations artistiques, le spectacle imaginé par Daniel Kramer se révélant, aux yeux de la direction, trop provocateur pour les fêtes de fin d’année. In extremis, le Grand Théâtre est parvenu à louer un spectacle de substitution conçu par le vétéran Jürgen Rose. Un Jürgen Rose qui se pose une nouvelle fois en sauveur de la Genève lyrique, après le Ring qu’il a monté en 2013-2014 à la place de Christof Loy, initialement prévu. Si le renvoi d’un Daniel Kramer peut sembler une bonne chose, en ce sens qu’il peut être interprété comme sonnant le glas du diktat des metteurs en scène, il pose néanmoins la question de la gouvernance du Grand Théâtre : y a-t-il un capitaine à la barre de la prestigieuse maison ? Lorsqu’un metteur en scène est chargé d’une réalisation, un dialogue permanent s’instaure normalement avec la direction du théâtre, dans le but de corriger le tir, si nécessaire, avant le début des répétitions. Apparemment, ce dialogue a fait défaut à Genève, ce qui expliquerait qu’on se soit rendu compte trois semaines seulement avant la première, donc en plein milieu des répétitions, que le spectacle posait problème. Et on ne parle même pas ici des frais supplémentaires qui seront à la charge du théâtre, quand bien même la direction assure que les décors et les costumes initialement prévus pourront être utilisés ultérieurement.


Quoi qu’il en soit, ce changement ne lèse pas le public, et c’est bien là le principal. Si La Flûte enchantée conçue par Jürgen Rose il y a vingt ans est l’exemple même du spectacle traditionnel, « à l’ancienne » serait-on tenté de dire, tant la mise en scène, très premier degré, se borne à suivre fidèlement le livret, la production se révèle néanmoins une réussite esthétique : l’action est concentrée dans un décor unique, un grand rectangle incliné aux perspectives infinies, qui se pare de couleurs différentes au gré de l’avancement de l’intrigue, tentures rouges, murs jaunes, fond noir, étoiles rouges et nuit bleutée. Les costumes bariolés sont, eux aussi, un régal pour les yeux. Mais plus encore que les yeux, ce sont les oreilles qui sont à la fête, grâce à une équipe vocale et musicale qui brille par sa jeunesse et son talent. On retient tout d’abord le superbe Tamino de Stanislas de Barbeyrac. Le nez et les joues rougis du ténor français laissent supposer qu’il a dû souffrir d’un refroidissement, de même que ses sonorités parfois nasales et son extrême aigu un peu tendu. Néanmoins, sa voix puissante et bien timbrée, ses aigus solaires et son incarnation héroïque en font un prince idéal. Sa Pamina, qui a les traits de Pretty Yende, séduit par son chant délicat et raffiné ainsi que par son timbre généreux et lumineux. On admire en outre la belle tenue vocale et l’excellente diction d’Andreas Wolf, lequel, malgré son interprétation enjouée, incarne un Papageno plus songeur et mélancolique qu’à l’accoutumée. Amelia Scicolone campe une Papagena espiègle et délicate. Malgré quelques imprécisions, la Reine de la Nuit de Svetlana Moskalenko affûte ses vocalises comme la lame de son couteau et se taille un joli succès personnel. Le Monostatos de Loïc Félix est une belle surprise, car pour une fois le personnage a de l’allure et n’est pas une caricature de vilain. Le reste de la distribution est clairement un cran en dessous, avec le Sarastro à la voix engorgée de Jeremy Milner, l’Officiant aux sonorités nasales de Tom Fox et les problèmes d’intonation des Trois Dames. L’Orchestre de la Suisse Romande est dirigé par un jeune chef prometteur de 31 ans, Gergely Madaras, qui livre une lecture fine et nuancée, qu’on pourrait toutefois souhaiter plus dynamique et vive. La jeunesse sublime La Flûte enchantée du Grand Théâtre de Genève.



Claudio Poloni

 

 

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