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Sur les pas de Cervantès

Avignon
Opéra
11/29/2015 -  et 1er* décembre 2015
Mitch Leigh : L’Homme de la Mancha
Amaya Dominguez (Aldonza, Dulcinea), Ludivine Gombert (Antonia), Christine Solhosse (La gouvernante), Estelle Danière (Maria, Fermina), Nicolas Cavallier (Cervantès, Don Quichotte), Rodolphe Briand (Sancho Pança), Frank T’Hézan (Le gouverneur, L’aubergiste), Jean-François Vinciguerra (Un duc, Le docteur Carrasco, Le chevalier aux miroirs), Philippe Ermelier (Le barbier, Un muletier), Jean-Philippe Corre (Le padre, Un muletier), Pierre Doyen (Pedro), Raphaël Brémard (Anselmo), Bernard Imbert (Juan), Jean-Marie Delpas (José), Alain Gabriel (Tenorio), Jean-François Baron (Le capitaine de l’Inquisition), Ballet de l’Opéra Grand Avignon
Orchestre régional Avignon-Provence, Didier Benetti (direction musicale)
Jean-Louis Grinda (mise en scène), Jean-Philippe Corre (assistant à la mise en scène), Eugénie Andrin (chorégraphie), Bruno de Lavenère (décors), David Belugou (costumes), Jacques Chatelet (lumières), Cyril Slama (réalisation lumières)


La comédie musicale est souvent tenue à l’écart des arènes opératiques, pour maintes raisons que nous n’énumérerons ni ne tenterons d’élucider. A cette aune, L’Homme de la Mancha de Mitch Leigh constitue un exemplaire contre-exemple, et l’on ne saurait manquer de saluer l’initiative d’Avignon de présenter la production de Jean-Louis Grinda importée de Toulouse et Monte-Carlo. Créée à New York en 1965, l’œuvre, qui joue avec une habileté remarquable la mise en abyme théâtrale et entrelace le destin de Cervantès face à l’Inquisition et les tribulations de son héros légendaire, Don Quichotte, a connu le succès en France grâce à l’adaptation française réalisée par Jacques Brel trois ans plus tard, prêtant corps et voix au double personnage principal. C’est cette version justement célèbre que l’on retrouve près de cinquante ans plus tard, avec une distribution éminemment lyrique, sans adjuvant microphonique – et il convient de le souligner, à l’heure où l’homogénéisation acoustique gangrène le répertoire léger, et dont plus d’une opérette fait désormais les frais.


Avec Nicolas Cavallier à la tête de l’affiche, l’accessoire s’avère en effet inutile. L’aura naturelle de la basse française s’affirme sans réserve dans l’habit du poète et gentilhomme espagnol convoqué par l’Inquisition, autant que dans la défroque du chevalier errant. L’aisance vocale, aux ressources évidentes, soutient une incarnation qui fait vibrer l’intonation juste des mots, avec des élans d’emphase calibrés loin de toute grandiloquence déplacée. Indéniablement la parole devient chair et, pas davantage que l’auditoire de fortune dans la geôle, sur scène, le spectateur dans la salle n’y résiste. Si le sort de l’écrivain face au tribunal religieux reste en suspens à la fin de la pièce, le verdict esthétique ne laisse aucun doute.


Cette présence admirable entre toutes porte plus qu’elle ne fait ombrage à ses partenaires. Rodolphe Briand livre un Sancho Pança qui respire les planches, sans sacrifier le gosier. Amaya Dominguez dévoile, sous la rudesse presque vulgaire d’Aldonza, la sensibilité écorchée de Dulcinea. Le trombinoscope de caractères dans la prison n’oublie pas la gouaille de circonstance. Frank T’Hézan la résume en gouverneur comme en aubergiste. La composition d’effroi du chevalier aux miroirs de Jean-François Vinciguerra confirme le savoir-faire du baryton-basse en duc et docteur Carrasco. Ludivine Gombert ne démérite aucunement en Antonia. Philippe Ermelier et Jean-Philippe Corre connaissent la trivialité des muletiers, à l’enseigne de leur chef, Pedro, dévolu à Pierre Doyen, quand le premier apparaît aussi en barbier, et le second en padre, en sus d’assister Jean-Louis Grinda pour une mise en scène bien réglée. Mentionnons encore, côté dames, la gouvernante de Christine Solhosse et Estelle Danière, Maria et Fermina. Versant messieurs, on retiendra l’Anselmo de Raphaël Brémard, Bernard Imbert en Juan, sans oublier Jean-Marie Delpas et Alain Gabriel, respectivement José et Tenorio, ni Jean-François Baron, à qui incombe le capitaine de l’Inquisition.


Le tout s’anime dans le décor évocateur, mais sans folklore déplacé, dû à Bruno de Lavenère. Ses tons de terre, de fer, et de misère, comme les bigarrures des costumes de David Belugou, sont rehaussés par le métier et la poésie de Jacques Chatelet aux lumières, quand les mouvements chorégraphiques d’Eugénie Andrin distillent un dynamisme au diapason de la direction de Didier Benetti, à la tête d’un Orchestre régional Avignon-Provence qui goûte une partition haute en rythmes et en couleurs.



Gilles Charlassier

 

 

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