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L’Europe au sanatorium

Zurich
Opernhaus
12/06/2015 -  et 11, 13, 16, 18, 23, 27 décembre 2015, 1er, 3, 5, 7, 9 janvier 2016
Gioachino Rossini : Il viaggio a Reims
Rosa Feola (Corinna), Anna Goryachova (La Marchesa Melibea), Julie Fuchs (La Contessa di Folleville), Serena Farnocchia (Madama Cortese), Edgardo Rocha (Il Cavaliere Belfiore), Javier Camarena (Il Conte di Libenskof), Nahuel Di Pierro (Lord Sidney), Scott Conner (Don Profondo), Yuriy Tsiple (Il Barone di Trombonok), Pavol Kuban (Don Alvaro), Roberto Lorenzi (Don Prudenzio), Spencer Lang (Don Luigino), Liliana Nikiteanu (Maddalena), Rebeca Olvera (Modestina), Estelle Poscio (Delia), Iain Milne (Zefirino), Ildo Song (Antonio), Christopher William Hux (Gelsomino), Marc Bodnar (Günter Bröhl), Raphael Clamer (Carlo Enzio Scrittore), Altea Garrido (Madama Diedenhofer), Evelyn Angela Gugolz (Signora Gemello-Fraterno), Ilona Kannewurf (Signora Gemello-Identico), Sebastian Zuber (Barone Tensione del Collo)
Chor der Oper Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Philharmonia Zürich, Daniele Rustioni (direction musicale)
Christoph Marthaler (mise en scène), Joachim Rathke (collaboration à la mise en scène), Anna Viebrock (décors et costumes), Martin Gebhardt (lumières), Altea Garrido (chorégraphie), Malte Ubenauf, Kathrin Brunner (dramaturgie)


(© Monika Rittershaus)


Dans Le Voyage à Reims (1825), Rossini fait se côtoyer des voyageurs de différentes nationalités, qui se retrouvent dans un hôtel d’une petite station thermale française. Ils doivent poursuivre leur périple jusqu’à Reims pour assister au couronnement de Charles X. Malheureusement, faute de chevaux, le projet tombe à l’eau, les clients décidant finalement de fêter l’événement entre eux. Dans cette œuvre alliant fantaisie et parodie, les personnages ne font rien d’autre qu’attendre, passant leur temps à converser entre eux, à se quereller et à se lancer dans des joutes oratoires, tout étant prétexte à des airs plus virtuoses les uns que les autres. Pour sa nouvelle production lyrique zurichoise, le metteur en scène Christoph Marthaler a pris quelques libertés avec le livret : l’hôtel a été transformé en sanatorium retranché, surveillé par des gardes du corps, où des représentants des hautes sphères du pouvoir européen viennent soigner leurs maux. Et il faut bien dire que tous les personnages sont terriblement mal en point : hagards, figés, dépressifs, bourrés de tics, se grattant constamment... L’Europe vue par Marthaler ne se présente pas sous son meilleur jour, c’est le moins qu’on puisse dire ! L’établissement et ses hôtes illustres sont par ailleurs épiés en permanence, des espions ayant posé des micros au-dessus de la pièce principale. On assiste aussi à des scènes de cascades rocambolesques avec l’intervention de James Bond girls plus vraies que nature. Dans cet univers délirant, on rit beaucoup, tant le spectacle fourmille de gags. Un seul exemple : la comtesse de Folleville, « fashion victim » avant l’heure, qui ne pense qu’à ses chapeaux, est au bord du désespoir lorsqu’elle apprend que ses malles ont été perdues. Elle sort de son sac à main un pistolet qu’elle pointe contre sa tempe, avant de l’utiliser... comme peigne ! Au rideau final, la salle est cependant clairement divisée : une moitié applaudit chaleureusement le metteur en scène et son équipe, alors que l’autre moitié n’hésite pas à faire entendre des huées désapprobatrices.


L’Opernhaus de Zurich a réussi à rassembler un plateau vocal de qualité et parfaitement homogène, composé en grande partie de jeunes chanteurs fidèles à l’institution. On retiendra notamment la Corinna intense et passionnée de Rosa Feola, à la voix diaphane. Affublée d’une perruque blonde, Julie Fuchs incarne une comtesse de Folleville BCBG, maniérée et dépressive, aux vocalises aussi précises que virtuoses. Edgardo Rocha est un chevalier Belfiore ardent et distingué, au chant fin et nuancé. Anna Goryachova prête ses graves sonores et ambrés à la marquise Melibea, dont le duo avec le comte de Libenskof est l’un des grands moments du spectacle. Un comte qui a les traits de Javier Camarena, qui lance des aigus triomphants, quoique parfois un peu tendus. Nahuel Di Pierro campe un Lord Sydney nonchalant et flegmatique, comme il sied à un Anglais, et à la voix bien timbrée. En propriétaire d’hôtel rigide, intransigeante sur les bonnes manières et sur le bien-être de ses hôtes, Serena Farnocchia cisèle ses vocalises de sa voix ample et puissante. Le seul point faible (relatif) du spectacle est la direction musicale de Daniele Rustioni. Si le jeune chef italien tient fermement l’orchestre en main et est très attentif à l’équilibre scène-fosse, sa lecture manque quelque peu de finesse et de nuances, se laissant trop facilement emporter par le tourbillon rossinien. Malgré ces réserves, ce spectacle jubilatoire se laisse savourer sans modération !



Claudio Poloni

 

 

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