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L’or au bout des doigts

Paris
Théâtre des Bouffes du Nord
11/16/2015 -  et 5 (Coulommiers), 7 (Béziers) novembre 2015, 10 janvier 2016 (Arles)
Maurice Ravel : Rapsodie espagnole
Igor Stravinsky : Concerto pour deux pianos solo
Bruno Mantovani : Tourbillon pour deux pianos
Paul Dukas : L’Apprenti sorcier

Jean-François Heisser, Jean-Frédéric Neuburger (piano)


J.-F. Neuburger (© Carole Bellaïche)


Ces deux-là se connaissent bien puisque l’un (Heisser) fut le professeur de l’autre (Neuburger) au Conservatoire de Paris. Une complicité qu’attestait déjà leur remarquable exécution de Mantra de Stockhausen donnée au CENTQUATRE lors du festival Manifeste 2013.


Proposé dans le cadre de «La Belle Saison», ce concert débutait par la célèbre Rapsodie espagnole de Ravel dans sa version pour quatre mains écrite en parallèle à la version orchestrale (1907). A Jean-Frédéric Neuburger l’aigu, à Jean-François Heisser le grave... et le contrôle des pédales; aux deux, l’or au bout des doigts pour orchestrer un piano sollicité par ce compositeur-magicien dans toutes ses virtualités secrètes. Dans la fameuse «Habanera», on observe le ballet des mains qui se chevauchent autour d’un lancinant do dièse tandis que pour la «Feria» finale, peut-être la seule pièce où l’orchestre nous manque vraiment, les deux interprètes rivalisent d’indolence dans l’intermède central, véritable «musique de chat», avant l’explosion finale.


Suit le rare Concerto pour deux pianos solo composé en 1935 par un Stravinsky qui avait depuis longtemps opéré sa mue néoclassique. Le Con moto initial dispense son joyeux babille dont le motorisme conquérant, s’il s’autorise un discret cantabile dans la section centrale, bannit toute inflexion romantique. Heisser et Neuburger s’amusent à faire ressortir, au détour d’un trille, les clins d’œil au XVIIIe siècle (Notturno) comme l’insolence du thème de la fugue finale, tricoté jusqu’à l’épuisement.


En préambule à la création parisienne de sa pièce Tourbillon, Bruno Mantovani, non sans remercier Olivier Mantei d’avoir maintenu le concert en dépit des circonstances, donna quelques clés d’écoute en insistant sur la dimension «nihiliste» de sa pièce, «métaphore du rien qui n’existe que par la vitesse». Plus précisément, l’enjeu consiste à tirer le maximum de «l’arabesque initiale, lointaine référence de Gretchen am Spinnrade de Schubert». Le parcours tourne certes volontairement sur lui-même, mais il n’en recèle pas moins sa propre dramaturgie: les deux instruments font assaut de formules obsessionnelles jusqu’à ces unissons inlassablement martelés qui gangrènent le discours à l’instar des trilles chez le dernier Scriabine. L’œuvre se referme dans un geste rappelant certaines études de Ligeti (L’Escalier du diable notamment) avec une course vertigineuse sur l’aigu du clavier interrompue par un saut dans le registre extrême grave.


Avant un bis consacré à la transcription pour deux pianos des «Nuages» de Debussy par Ravel, L’Apprenti sorcier aura déployé ses sortilèges, permettant au jeu à la fois intègre et flamboyant de notre duo de rendre pleinement justice à l’écriture finement ouvragée de Paul Dukas que les chefs sacrifient trop souvent sur l’autel de la virtuosité orchestrale.



Jérémie Bigorie

 

 

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