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Clermont-Ferrand

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Immortel Bach

Clermont-Ferrand
Herment (Eglise Notre-Dame)
08/12/2015 -  
Knut Nystedt : Immortal Bach
Arvo Pärt : Nunc dimittis – Da pacem Domine
Johann Sebastian Bach : Komm, Jesu, komm, BWV 229 – Jesu, meine Freude, BWV 227
Arvo Pärt : Nunc Dimittis – Da pacem Domine
Pēteris Vasks : The Fruit of Silence
Vytautas Barkauskas : Stabat Mater

Latvijas Radio Koris, Sigvards Klava (direction)




Au nord-ouest de Clermont-Ferrand, les Combrailles sont une région de moyenne montagne traversée par la Sioule, s’étendant sur le Puy-de-Dôme (mais aussi l’Allier et la Creuse), où l’élevage, principale activité économique, a pour cadre des paysages splendides, entre la chaîne des Puys, les monts Dore et le plateau du Limousin. Y installer durablement un festival dédié à Bach n’allait pas de soi, mais de tels défis sont faits pour des passionnés: tel était le cas de Jean-Marc Thiallier (1964-2004), vétérinaire et organiste, qui a créé la manifestation en 1999. Malgré sa disparition aussi tragique que soudaine, son initiative s’est non seulement perpétuée mais a même prospéré, avec le lancement, en 2006, d’une académie d’orgue qui tient cette année sa dixième session, sous la responsabilité de Helga Schauerte. Bach en Combrailles continue aujourd’hui de s’épanouir, dynamisé par l’alliance entre une association dont la présidence a été confiée l’an dernier à Antoine Anquetil (né en 1989) et une direction artistique toujours entre les mains expertes du claviériste et chef Patrick Ayrton (né en 1961). Deux personnalités jouent également un rôle important durant le festival: Gilles Cantagrel, incontournable dans le monde francophone dès qu’il s’agit de Bach, pour des conférences et la présentation de chaque concert, ainsi que, plus discrètement, Rudolf Klemm, représentant pour la France de la Nouvelle société Bach de Leipzig.


L’objectif des organisateurs demeure double: faire découvrir Bach aux habitants des Combrailles... et faire découvrir les Combrailles aux passionnés de Bach. Pour ce qui est du premier objectif, la programmation, du 10 au 15 août, joue la carte de la diversité et évite ainsi toute monochromie stylistique ou temporelle: Bach, de fait, est inépuisable, depuis ses œuvres originales jusqu’à ceux qu’il a inspirés de nos jours, y compris le «Ca-Bach-Ret» tzigane de l’ensemble BrinTzig, en passant par les musiciens qui l’ont influencé mais aussi ses contemporains et ses fils. Et pour ce qui est du second objectif, le festival reste certes ancré à Pontaumur (700 habitants), chef-lieu de canton jusqu’à la récente réforme du scrutin départemental, au premier tiers de la route entre Clermont et Guéret: une «audition d’orgue» à entrée libre, avec des artistes du festival ou de jeunes musiciens, y est proposée tous les jours à 12 heures en l’église Saint-Michel (XIXe). Mais bien loin de se cantonner à cette base arrière, les concerts se déploient tous azimuts dans les édifices religieux de la région: ainsi de l’église (ancienne collégiale) Notre-Dame (XIIe-XIIIe) d’Herment (300 habitants, altitude 830 mètres), située sur le chemin de Saint-Jacques, qui accueille le Chœur de la Radio lettone, «invité d’honneur» de cette dix-septième édition.


Trois jours avant sa participation à la soirée de clôture, consacrée à la Passion selon saint Jean, la formation que dirige Sigvards Klava (né en 1962) depuis 1992, si sa réputation n’est certes plus à faire – c’est l’équivalent, dans le domaine choral, du Philharmonique de Berlin ou du Concertgebouw d’Amsterdam –, n’en a pas moins sidéré le nombreux public venu pour l’occasion. Fidèle à la thématique du festival, le programme fait alterner trois pages de Bach (ou se référant à lui) avec quatre courtes pièces d’inspiration religieuse de trois compositeurs de notre temps représentant chacun l’un des pays baltes. Dans son introduction, Gilles Cantagrel rappelle opportunément que la vie chorale revêt dans ces pays une dimension à la fois religieuse, festive et nationale mais, voulant peut-être rassurer les spectateurs, explique que ces compositeurs écrivent de façon «accessible» parce qu’ils sont «humanistes» – est-ce à dire que les autres compositeurs contemporains ne seraient pas «humanistes»?


Avec Immortal Bach (1987), les Lettons frappent d’emblée très fort, la pureté et la justesse de leurs voix enveloppant les spectateurs grâce à une spatialisation à l’effet saisissant: le chef et quatre chanteurs seulement dans le chœur, les douze autres répartis dans le reste de l’église. Il est vrai que la partition du Norvégien Knut Nystedt (1915-2014) se prête à un tel traitement: le choral Komm, süsser Tod, d’abord énoncé dans sa version originale, y est soumis à de lents décalages suscitant des superpositions suavement dissonantes, qui évoquent Ligeti ou Pärt.


Précisément, deux œuvres de l’Estonien Arvo Pärt (né en 1935) sont au programme, désormais donné dans une configuration traditionnelle, les seize chanteurs faisant face au chef et au public: Nunc dimittis (2001) et, pour conclure, Da pacem Domine (2004), commande de Jordi Savall en hommage aux victimes des attentats de mars 2004 à Madrid. L’appréciation à porter sur cette musique imprégnée des harmonies de la Renaissance est évidemment susceptible d’être débattue, mais force est de constater qu’elle ne peut prendre tout son sens que grâce aux qualités d’un tel ensemble choral: précision des attaques, dégradés de nuances, voix magnifiques mais aux timbres nullement aseptisés – on a envie de saluer par exemple la profondeur inaltérable des basses mais on se dit aussitôt que ce serait faire injustice aux autres pupitres, tout aussi excellents et typés.


De même, dans The Fruit of Silence (2013), sur un texte de mère Teresa, si la simplicité du Letton Pēteris Vasks (né en 1946) ne va en apparence guère au-delà d’une version vocale de l’Adagio de Barber, l’enchantement sonore n’en est pas moins grand. Changement radical de style et de technique vocale avec le Lituanien Vytautas Barkauskas (né en 1931): un Stabat Mater (1990) coup de poing, formidablement virtuose, les vicissitudes de l’Histoire semblant s’inviter, au travers de la violence et des cris, dans ce texte médiéval dont le compositeur ne retient que les tout premiers mots.


Dans deux des six motets de Bach, Viens, Jésus, viens et Jésus, ma joie, la démonstration technique est tout aussi époustouflante, à l’image du caractère miraculeusement aérien de la fugue dans le second de ces motets. Froide perfection? En aucun cas, car Sigvards Klava mène son ensemble de manière théâtrale, vive et animée, tout en conservant les gestes à la précision millimétrée et à la prudence méticuleuse de celui qui manipule une matière fragile et précieuse.


L’accueil est à la mesure du caractère exceptionnel de cette prestation: le Chœur de la Radio lettone remercie en interprétant le chant populaire Je suis né en chantant adapté par Alfrēds Kalnins (1879-1951), un des pères fondateurs de la musique lettone, mais les applaudissements se prolongent encore longuement, alors même que le chef et les choristes ont quitté la scène et remontent les allées latérales vers la sortie de l’église.


Le site du festival Bach en Combrailles
Le site de l’Office de tourisme des Combrailles
Le site du Chœur de la Radio lettone



Simon Corley

 

 

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