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Sérénades inavouées

Salon-de-Provence
Château de l’Emperi
08/06/2015 -  
Heinrich Hofmann : Octuor, opus 80 (*)
Georges Enesco : Dixtuor, opus 14 (&)
Thierry Escaich : Mecanic Song (+)
Charles Gounod : Petite Symphonie (#)

Emmanuel Pahud (* +), Silvia Careddu (#) (flûte), Andrey Godik (hautbois), François Meyer (+) (hautbois, cor anglais), Paul Meyer (* +), Calogero Palermo (clarinette), Gilbert Audin (+), Julien Hardy (*) (basson), Bruno Schneider (* #), Benoît de Barsony (& #), Jimmy Charitas (& +) (cor), Maja Avramovic, Deborah Nemtanu (violon), Lise Berthaud (alto), Raphaël Perraud (violoncelle), Eric Le Sage (piano)


P. Meyer, B. Schneider, F. Meyer, B. de Barsony, C. Palermo, A. Godik, S. Careddu, G. Audin, J. Hardy
(© Dominique Coccitto/Musique à l’Emperi)



Devant des rangs toujours aussi excessivement clairsemés, Musique à l’Emperi propose quatre œuvres allant du sextuor au dixtuor – il ne manquait que le septuor pour que la série fût complète. Mais ce jeudi soir au château marque également le grand retour de Harry Bos, dont les interventions liminaires manquaient indéniablement à l’ambiance de Salon-de-Provence – il est d’ailleurs accueilli par des applaudissements prolongés. Spécialiste des annonces décalées et des changements de programme, le régisseur du plateau est dans son emploi de prédilection pour annoncer que le Sextuor avec piano de Martinů, initialement prévu, est reporté au concert final du lendemain.


En guise de remplacement, les musiciens reprennent en début de seconde partie le sextuor Mecanic Song (2006) d’Escaich, qu’ils ont déjà donné trois jours plus tôt. Commande du festival, où elle fut jouée durant l’édition 2007, la partition, écrite pour quintette à vent et piano comme le Sextuor de Poulenc, montre le compositeur français sous un jour inhabituellement audacieux, voire agressif – l’harmonie est tendue, les instruments sont sollicités jusque dans l’extrême de leur tessiture et de leurs modes de jeu – mais la structure en reste simple: un mouvement perpétuel engagé par le piano et poursuivi par les gammes ascendantes des vents, s’acheminant par paliers successifs vers une conclusion vive et emportée.


Le concert avait débuté sous de tout autres auspices: plus encore que pour Joachim Raff la veille, Emmanuel Pahud fait bien de présenter au public Heinrich Hofmann (1842-1902), compositeur berlinois tombé dans un oubli aussi profond que sa notoriété fut grande de son vivant. Au sein d’un vaste catalogue comprenant par ailleurs des opéras, des œuvres symphoniques, concertantes et chorales, de la musique instrumentale et des lieder, les musiciens s’étaient déjà intéressés l’an dernier à sa Sérénade pour flûte et cordes. Ils ont choisi cette année son Octuor (1883) en fa, destiné à une formation ad hoc sensiblement différente de celle de l’Octuor de Schubert (flûte, clarinette, cor, basson et quatuor à cordes). Au demeurant, c’est plus à Mendelssohn qu’on pense parfois, aussi bien dans le thème de l’Allegro molto initial, qui s’élance en généreux arpèges comme le début de l’Octuor à cordes, que dans celui de l’Andante sostenuto (en si bémol), dont le cor évoque le Nocturne du Songe d’une nuit d’été. Si l’inspiration n’est guère frappante, la grâce l’emporte toutefois sur l’académisme, la Gavotte (en mineur, avec section centrale en majeur) et le finale haydnien confirmant le caractère de sérénade de l’œuvre, idéale pour une soirée entre amis (virtuoses).


Enesco a lui aussi composé un (immense) Octuor, mais pour cordes: c’est son Dixtuor (1906) en qui met en valeur les vents, substituant au second hautbois un cor anglais. L’instrument contribue d’ailleurs à l’atmosphère pastorale de ces trois mouvements où la densité brahmsienne du contrepoint héritée et le chromatisme wagnérien du langage n’empêchent pas les racines populaires de s’exprimer, de manière moins attendue que dans les deux Rhapsodies roumaines mais pas encore aussi libre que dans la Troisième Sonate pour violon et piano «Dans le caractère populaire roumain». En raison notamment des difficultés de mise en place, il n’est pas rare de faire appel à un chef dans cette œuvre, comme dans la beaucoup plus tardive Symphonie de chambre pour douze instruments, mais il en faut davantage pour effrayer les musiciens de l’Emperi, qui investissent ces pages avec autant de bonheur que de précision.


Et, pour conclure, c’est encore une sérénade qui ne dit pas son nom. Dans son jeune âge, Gounod a composé deux Symphonies, au moment même où Bizet écrivait sa Symphonie en ut, dont elles partagent la fraîcheur néoclassique. Trente ans plus tard, la Petite Symphonie (1885) en si bémol aspire aussi à un XVIIIe idéalisé mais, dédiée à la «Société de musique de chambre pour instruments à vent» fondée en 1879 par le grand flûtiste Paul Taffanel, elle se restreint à un nonette de vents – bois par deux (mais une seule flûte) et deux cors. C’est un véritable petit bijou d’équilibre et de concision, d’espièglerie et de tendresse, de finesse et de poésie – quel merveilleux Andante cantabile (quasi Adagio) en mi bémol, quasi mozartien, avec son solo de flûte parfaitement réalisé par Silvia Careddu! Car les fondateurs de l’Emperi ont courtoisement laissé les premiers rôles à leurs invités de marque: les Italiens sont ainsi à la manœuvre, puisqu’il y a en outre Calogero Palermo à la première clarinette, tandis qu’Andrey Godik a pris le premier hautbois et que Bruno Schneider, au premier cor, paraît en meilleure forme que dans l’Octuor de Hofmann.



Simon Corley

 

 

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