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Prise de sérieux

Aix-en-Provence
Théâtre de l’Archevêché
07/03/2015 -  et 6, 8*, 11, 13, 17, 21 juillet 2015
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Entführung aus dem Serail, K. 384
Tobias Moretti (Selim Bassa), Jane Archibald (Konstanze), Rachele Gilmore (Blondchen), Daniel Behle (Belmonte), David Portillo (Pedrillo), Franz-Josef Selig*/Mischa Schelomianski (Osmin), Philippe Araud, Marouane Chaouch, Karim Cherni, Tony Cortes, Gaël Fulconis, Hagop Kalfayan, Nicolas Rochette (figurants)
MusicAeterna, Vitaly Polonsky (chef de chœur), Freiburger Barockorchester, Jérémie Rhorer (direction musicale)
Martin Kusej (mise en scène), Annette Murschetz (décors), Heide Kastler (costumes), Reinhard Traub (lumières), Albert Ostermaier (dramaturgie)


(© Pascal Victor/ArtcomArt)


Ainsi que cela s’avère souvent le cas, la rumeur de la polémique avait précédé la première, au point que le directeur du festival a pris la parole au début de la soirée, afin d’expliquer au public qu’au vu des événements récents, deux éléments de la scénographie avaient dû être censurés – les inscriptions islamiques sur le drapeau noir et les têtes coupées de l’ultime tableau.


Pour autant, à l’issue d’un spectacle allongé de près d’une heure par rapport aux standards de L’Enlèvement au sérail, pour cause de dialogues réécrits de façon passablement prolixe, la transposition de Martin Kusej au pays de l’or noir dans les années vingt, où les terroristes ont remplacé Tintin, comme miroir de notre monde contemporain, prend avant tout l’allure d’une direction d’acteurs aussi vide que le désert en panorama de décor. Les didascalies temporelles du troisième acte pour ponctuer les jours d’errance des protagonistes manifestent plus de redondance que de réelle pertinence pseudo-cinématographique, quand bien même elles participent de la rupture de dynamique dramatique entre les deux parties, la seconde étant nettement plus allusive. Quant au parti pris de prendre au sérieux la soif de sang d’Osmin, qui se solde par des torchons teintés d’hémoglobine, au mépris du lieto finale, son didactisme présente essentiellement le mérite de la cohérence avec la pesanteur de textes parlés d’une versatilité linguistique – entre anglais et allemand – à l’élucidation parfois difficultueuse. Et l’on ne s’arrêtera pas sur la prétendue nécessité de la prétérition: en imaginant mettre dans les intentions de Mozart celles qu’il aurait eu aujourd’hui, on finit surtout par faire parler des squelettes fantasmatiques et prêter au sang une loquacité que l’on pourrait s’épargner sans injurier l’intelligence.


A suivre la baguette nerveuse de Jérémie Rhorer, la convergence entre fosse et scène n’apparaît pas des plus évidentes. A la tête d’un Orchestre baroque de Fribourg d’une souplesse que l’on pressent sans limites, le chef français allège au maximum les textures, pour mieux faire ressortir des ténuités inouïes où l’harmonie se veut au moins l’égale des cordes, quand elle ne la domine pas çà et là. L’énergie irrésistible qui s’en dégage pâtit cependant de la dramaturgie d’ensemble, et l’on sent au fil du deuxième acte une difficulté à se renouveler confinant presqu’à la recette, signe que l’ouvrage gagne à sa condensation originelle.



Le plateau vocal se montre au diapason de cette juvénilité. On saluera la vaillance virtuose de Jane Archibald en Constance, quand le babil de Rachele Gilmore en Blonde flirte ici où là avec le stéréotype. Daniel Behle impose à Belmonte une personnalité qui s’épanouirait peut-être davantage sous d’autres lectures, tandis que David Portillo contiendrait mieux la fougue vindicative de son Pedrillo. Auréolée de l’humanité que Franz-Josef Selig a imprimée à tant de rôles, wagnériens entre autres, l’onctuosité de son Osmin frôle l’exotisme. Mentionnons encore la performance un rien monolithique de Tobias Moretti en Selim, ainsi que les chœurs MusicAeterna, venus de Perm sous la houlette de Vitaly Polonsky.



Gilles Charlassier

 

 

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