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Troïka

Bruxelles
Théâtre National
06/16/2015 -  et 18, 19, 21, 23, 24, 26*, 27, 30 juin 2015
Serge Rachmaninov: Aleko
Kostas Smoriginas (Aleko), Sergey Semishkur (Le jeune tzigane), Alexander Vassiliev (Le vieux tzigane), Anna Nechaeva (Zemfira), Yaroslava Kozina (La vieille tzigane)
Serge Rachmaninov: Skupoj Rytsar’, opus 24
Sergei Leiferkus (Baron), Dmitry Golovnin (Albert), Ilya Silchukov (Le Duc), Alexander Kravets (L’usurier juif), Alexander Vassiliev (Le serviteur)
Serge Rachmaninov: Francesca da Rimini, opus 25
Dimitris Tiliakos (Lanceotto Malatesta), Anna Nechaeva (Francesca), Sergey Semishkur (Paolo), Alexander Vassiliev (L’ombre de Virgile), Dmitry Golovnin (Dante)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Mikhail Tatarnikov (direction)
Kirsten Dehlholm (mise en scène), Maja Ziska (décor), Jesper Kongshaug (éclairages), Manon Kündig (costumes), Magnus Pind Bjerre (vidéo)


Aleko (© Sébastien Forthomme)


La Monnaie ferme ses portes au public durant un an pour réaliser des travaux de rénovation. Les représentations se dérouleront ailleurs en ville : au Cirque Royal, aux Halles de Schaerbeek, dans la salle Malibran, au Palais des Beaux-Arts, à Flagey, dans le même chapiteau que l’Opéra royal de Wallonie a utilisé durant sa propre rénovation (et qui sera monté à Tour & Taxis) ou encore au Théâtre National, qui accueille le premier spectacle extra muros de cette période de transition qui s’annonce originale. La dernière production de la saison en apporte déjà la preuve : représenter le même soir les trois opéras de Rachmaninov, initiative probablement unique à ce jour.


Directrice d’Hôtel Pro Forma, société de production danoise, Kirsten Dehlholm se focalise sur l’image au détriment du théâtre et conçoit un triptyque dont chaque volet présente un aspect différent, malgré l’unicité du décor : un immense escalier («métaphore des enfers», selon elle) occupé, dans sa partie inférieure, par l’orchestre, privé de fosse, et, dans sa partie supérieure, par les chanteurs, sauf dans Le Chevalier avare (1906) dans lequel ces derniers apparaissent au-devant de la scène. Dans le volet central, l’impact dramatique s’avère, par conséquent, plus immédiat que dans Aleko (1893) et Francesca da Rimini (1906) car les personnages, placés à une plus grande distance des spectateurs, demeurent souvent immobiles. Comme la scénographie limite de facto les possibilités de mouvement, incarner un personnage devient difficile et peu de chanteurs y parviennent.



Le Chevalier avare (© Clärchen & Matthias Baus)


Mais l’intérêt de ce spectacle hors du commun réside ailleurs : dans les fabuleux jeux de lumière de Jesper Kongshaug (de multiples couleurs dans Aleko, du noir et du blanc dans Francesca da Rimini) et dans les splendides costumes de Manon Kündig, qui a notamment imaginé d’étrange sabots de forme parallélépipédique pour Le Chevalier avare. Ce travail exceptionnel rappelle celui que l’atelier de couture de la Monnaie a livré dans Jenůfa en janvier 2014, un spectacle qui a également été conçu comme un triptyque au volet central sensiblement différent des autres. Durant la pause, pour faire admirer de plus près les costumes kaléidoscopiques qu’ils portent dans Aleko, les choristes déambulent lentement, ou posent dans une étrange immobilité, dans le foyer, les escaliers, les couloirs et même les toilettes.



Francesca da Rimini (© Sébastien Forthomme)


Autre aspect fondamental de la scénographie : la vidéo, utilisée surtout dans Le Chevalier avare. Les images projetées sur un écran semi-transparent placé devant l’orchestre montrent le bâtiment délabré du cinéma Marivaux, situé à proximité du Théâtre National et où le spectacle devait à l’origine se tenir. Dans Aleko, des cartes qui ressemblent à celles du jeu de tarot descendent des cintres tandis que dans Francesca da Rimini, deux personnages, l’un en blanc, l’autre en noir, lévitent, comme le moine Foudre bénie dans Tintin au Tibet. L’esthétique prime donc sur le théâtre mais ces œuvres se prêtent bien à cette approche, leur potentiel dramatique demeurant de toute façon ténu. De plus, elles comportent de longs passages dans lesquels l’orchestre intervient seul.


Collaborant pour la première fois avec la Monnaie, Mikhail Tatarnikov rend justice à la beauté de l’orchestration et à la valeur musicale de ces trois opéras, de surcroît remarquablement servis par des musiciens rigoureux et expressifs, en particulier les vents (cor anglais, hautbois, flûte, cor). La Monnaie ne doit pas hésiter à réitérer sa confiance à ce chef dans le répertoire russe – à propos, il serait opportun qu’un opéra de Rimski-Korsakov soit représenté dans le théâtre après la rénovation. La plupart russophones, les chanteurs forment, quant à eux, un ensemble soudé et idiomatique, même si la pauvreté de la direction d’acteur les empêche d’incarner de mémorables personnages. Parmi les meilleurs prestations figurent celles de Kostas Smoriginas (Aleko), Sergey Semishkur (Le jeune tzigane, Paolo), Anna Nechaeva (Zemfira, Francesca), Dmitry Golovnin (Albert, Dante), Alexander Kravets (L’usurier juif), Dimitris Tiliakos (Lanceotto) et de l’immense Sergei Leiferkus, inoubliable d’obstination et de violence intériorisée dans le monologue du Baron du Chevalier avare. Préparés par Martino Faggiani, toujours aussi soucieux de cohésion et d’éloquence, les chœurs se hissent à leur niveau habituel.



Sébastien Foucart

 

 

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