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Béjart en tailleur gris

Mulhouse
Théâtre de la Filature
03/11/2015 -  et 12, 13 mars (Mulhouse), 5, 6, 7, 9 juin (Strasbourg) 2015
La Chambre noire
Musiques de Johann Sebastian Bach, Hans Zimmer, Javier Naverette, Kronos Quartet, Kimmo Pohjonen, Samuli Kosminen et Felix Mendelssohn
Erika Bouvard, Christelle Daujean, Sarah Hochster, Céline Nunigé (Les filles), Yann Lainé, Renje Ma, Hamilton Nieh, Marwik Schitt (Les garçons), Susie Buisson, Sayoko Hirano (Extras)
Stephan Thoss (chorégraphie, décors, costumes, lumières), Mia Johansson (assistante à la chorégraphie)
Marbre (création)
Musique d’Arvo Pärt
Erika Bouvard, Christelle Daujean, Sayoko Hirano, Renje Ma, Hamilton Nieh, Marwik Schitt (danseurs)
Marcos Morau/Produccion, La Veronal (chorégraphie, décors, costumes), Inma Asensio (assistante à la chorégraphie)
Boléro
Musique de Maurice Ravel
Erika Bouvard, Susie Buisson, Christelle Daujean, Sanra Ehrensperger, Anna Ishii, Wendy Tadrous (danseuses)
Stephen Thoss (chorégraphie, costumes, lumières), Max Raabe (musique), Arne Walther (décors), Mia Johansson (assistante à la chorégraphie)


Boléro (© Jean-Luc Tanghe)


Chaque saison, le Ballet de l’Opéra national du Rhin présente trois grandes productions – cette année, en novembre dernier, La strada en janvier et Silk, prochainement en avril et mai – et, en marge, un spectacle en format réduit, à l’instar de ce spicilège contemporain réunissant Stephan Thoss et Marcos Morau, dans la salle modulable de la Filature à Mulhouse.


C’est par une pièce du premier, La Chambre noire, entrée au répertoire de la compagnie alsacienne, que s’ouvre la soirée. Sur une compilation où le mélomane pourra reconnaître l’Aria des Variations Goldberg ou quelque fragrance mendelssohnienne, au milieu d’un hétérogène mais néanmoins cohérent tissu musical mêlé d’électroacoustique, les dix solistes déploient une gestuelle tantôt fluide, tantôt erratique, teintée d’un soupçon de mystère, au diapason des panneaux mobiles sombres, unique élément de décor, évoquant sans doute le vide et l’obscurité interstellaire. Si le propos peut échapper parfois, on se laisse porter, sans opposer grande résistance, par la consistance visuelle de l’ensemble, jusqu’à une certaine sensation d’apesanteur: l’intention du chorégraphe semble avoir touché son but, et l’on saluera les performances des interprètes, à l’exemple d’Hamilton Nieh, entre égarement et concentration, de retour sur les planches après une blessure en début de saison.


Avec Marbre, donné en création mondiale, Marcos Morau s’essaie à la représentation de l’incommunicabilité, si l’on s’en réfère aux deux cabanes de plexiglas où s’isolent, dans des soliloques radiophoniques muets, Sayoko Hirano et Renjie Ma, sur lesquelles s’écraseront les mains et les poings des deux autres couples quand une blanche fumée fera disparaître les protagonistes. L’écriture chorégraphique, répétant presque obsessionnellement un fragile équilibre entre courbures et heurts affirme d’indéniables qualités expressives, mais achoppe sur une volonté d’explicitation trop manifeste, plus proche du didactisme que de l’évocation.


C’est finalement dans la reprise du Boléro de Stephan Thoss que se concentrent la fraîcheur de l’invention et la vivacité spirituelle, parodie de la célèbre et incantatoire chorégraphie de Béjart, dont il prend génialement le contrepied. Le cercle de torses masculins nus se réduit à six petites vieilles en tailleur gris, qui arrivent une à une avec leurs manies et leurs marottes, dans le salon nimbé d’une ambiance jazzy et cosy où elles se donnent rendez-vous – chacune se montre irrésistible, à l’image du doigt sur la table pour vérifier la poussière, ou des miettes de gâteaux dispersées. Puis Ravel en galette noire prend possession du juke-box et une frénésie s’empare progressivement des six protagonistes. Stephan Thoss détourne d’une manière hilarante et jouissive l’écriture de Béjart, dès les premiers gestes et les cuillers à café, diluant au passage la concentration de la dramaturgie originale sur les six solistes. On reconnaît l’empreinte du Concert de Robbins dans cet exercice de style hautement poétique. Finement construite, la pièce s’achemine vers le climax final sur fond de fumées rougeoyantes s’échappant de l’appareil radiophonique, métamorphosant jusqu’au bout la transe érotico-mystique en son envers humoristique. On ne manquera pas de saluer le jeu des six danseuses – Erika Bouvard, Susie Buisson, Christelle Daujean, Sandra Ehrensperger, Anna Ishii et Wendy Tadrous. Que ceux qui ne connaissent pas encore le chef-d’œuvre de dérision de Stephan Thoss retiennent les dates strasbourgeoises de juin.



Gilles Charlassier

 

 

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