About us / Contact

The Classical Music Network

Madrid

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Allégorie du supermarché

Madrid
Teatro Real
01/20/2015 -  et 22, 24, 27*, 30 janvier, 1er, 3, 5, 7 février 2015
Engelbert Humperdinck: Hänsel und Gretel
Alice Coote (Hänsel), Sylvia Schwartz (Gretel), Diane Montague (Gertrud), Bo Skovhus (Peter), José Manuel Zapata (Knusperhexe), Elena Copons (Sandmännchen), Ruth Rosique (Taumännchen)
Pequenos Cantores de la JORCAM, Ana González (chef de chœur), Coro Titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Paul Daniel/Diego García Rodríguez* (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scènes et costumes), Barbara de Limburg (décors), Joël Adam (lumières)


A. Coote, J. M. Zapata, S. Schwartz (© Teatro Real/Javier del Real)


Hänsel et Gretel est un titre qui s’impose, après plus d’un siècle, un peu partout sur le continent. En France, il n’était pas souvent à l’affiche il y a trente ans et en Espagne, c’est à Barcelone qu’on l’a vu le plus souvent. Le public de Madrid ne connaît pas cet opéra, et une mise en scène comme celle-ci est une façon à la fois efficace et très agréable de faire entrer au répertoire cet opéra particulier, différent, un heureux mélange de mélodies et danses populaires, voire du genre nursery rhymes, et de récitatif cantabile permanent appris à l’école wagnérienne, maître adoré par Humperdinck qui, dans sa jeunesse, a travaillé avec le Wagner des dernières années.


On se situe peut-être aujourd’hui dans une phase de transition à l’égard de Humperdinck. On voit souvent en Europe, en dehors de l’Allemagne, son opéra Königskinder, dans lequel Kaufmann a défendu ces derniers temps le rôle du fils du roi: Humperdinck commence à ne plus être perçu comme le «compositeur d’un seul opéra».


On sait que Hansel et Gretel, résultant en tant qu’opéra de plusieurs approches de la part du compositeur – à l’origine, une pièce pour les enfants et par les enfants, et quelques chansons –, est divisé en trois actes ou tableaux, et deux parties tout à fait différentes: l’acte réaliste, pour ainsi dire, où toute la famille vit dans la misère; l’acte poétique, très court, les enfants perdus dans la forêt; et, après l’intermède, l’acte d’action, fantastique et en même temps le plus attirant et le plus intrigant pour le public, particulièrement pour les enfants: la maison-gâteau, la sorcière et son cannibalisme infanticide, l’intrigue pleine de danger et de suspense, la défaite de la sorcière, la libération des autres enfants disparus...


On peut témoigner de l’important travail de Diego García Rodríguez dans la fosse – les autres représentations sont dirigées par Paul Daniel: il a mené l’orchestre avec de la fougue et de l’inspiration, dans un moment ascendant et prometteur de sa carrière. Sous sa baguette, les instants poétiques (la forêt, les rôles éthérés du Marchand de sable et de la Fée rosée...) comme les plus spectaculaires ont très bien fonctionné.


La production vient de Glyndebourne, et divise les trois mondes avec des décors très réussis: la maison des pauvres avec de grands cartons poubelle dont les cloisons tombent facilement sous la pression des jeux espiègles des enfants; la forêt fantomatique et les rêves gourmands des pauvres enfants; finalement, le grand supermarché regorgeant de gourmandises pour les enfants affamés – et le supermarché, précisément, est la maison de la sorcière. Cette idée aurait pu se traduire par un de ces échecs ou abus scéniques qu’on connaît aujourd’hui, mais les décors de Barbara de Limburg correspondent très bien aux exigences de la mise en scène de Laurent Pelly, trois mois seulement après son succès dans La Fille du régiment. On peut certainement voir dans l’abondance de produits du supermarché une façon de se moquer de l’attirance pour la société de consommation, mais cela va au-delà, car c’est aussi une traduction visuelle contemporaine de l’appétence des enfants miséreux sortis de l’imagination du peuple allemand et refaçonnés par les frères Grimm, un peu comme l’enfant mort du finale de la Quatrième Symphonie de Mahler, qui chante les friandises du ciel, un enfant venant aussi de la tradition populaire allemande, cette fois-ci à travers Arnim et Brentano (Des Knaben Wunderhorn). Imaginez deux enfants du Tiers Monde le plus pauvre se trouvant tout à coup devant «l’offre promotionnelle» de la sorcière; le supermarché est au-delà de la critique du monde consommateur: un morceau de supermarché chargé de friandises est la vitrine de l’abondance face à la misère de la vie des pauvres.


La distribution est dominée par Alice Coote et Sylvia Schwartz, bien sûr, qui forment une fratrie très contrastée. Alice Coote a l’aspect d’un garçon venant plutôt du McDonald’s, mais elle fait parfaitement garçon, et cette mezzo possède une voix bien appropriée tant en couleur qu’en envergure pour l’enfant un peu voyou qu’en fait cette production. Sylvia Schwartz, soprano de souche et famille espagnoles malgré son nom (elle-même y insiste), devient pleinement une gamine un peu adolescente. Toutes les deux sont très bien dirigées comme actrices dans cette mise en scène de Pelly reprise par James Bonas. Le bon goût de Schwartz, dont l’émission est contrôlée et limitée, fait bon ménage avec la force autodérisoire de Coote, une bonne solution pour le rôle du «garçon».


Bo Skovhus conserve toute la puissance de sa voix, même si cela apparaît plus ardu dans les graves; Diane Montague toujours formidable, comme si le temps n’avait pas prise sur elle. Deux surprises: l’excellence des voix pour les interventions féeriques, magiques, Elena Copons et Ruth Rosiqué. Mais il manque le personnage et l’interprétation surprise – peut-être pas si imprévue que cela, dans la mesure où la Sorcière est souvent interprétée par un ténor de caractère plus ou moins bouffe. Il s’agit du ténor José Manuel Zapata, qui s’est souvent produit dans le belcanto tarif. Il incarne ici une Sorcière burlesque, comique, mais aussi menaçante, aux nuances sadiques, toute une ambigüité jouant un rôle important devant le jeune public. Et le chœur d’enfants dirigé par Ana González offre la magie finale de l’histoire. Une belle soirée.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com