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Folies parisiennes

Strasbourg
Opéra national du Rhin
12/13/2014 -  et 15, 21, 23, 26, 27, 30* décembre 2014 (Strasbourg), 11 (Colmar), 17, 18 (Mulhouse) janvier 2015
Jacques Offenbach : La Vie parisienne
Thomas Morris (Bobinet), Guillaume Andrieux (Raoul de Gardefeu), Delphine Haidan (Métella), Mélanie Boisvert (Gabrielle), Christian Tréguier (Le baron de Gondremarck), Agnieszka Slawinska (La baronne de Gondremarck), Mark Van Arsdale (Le Brésilien), Guy de Mey (Frick, Prosper), Jean-Gabriel Saint-Martin (Urbain), Anaïs Mahikian (Pauline), Benjamin Prins (Alphonse, Joseph)
Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse, Claude Schnitzler (direction)
Waut Koeken (mise en scène), Bruno de Lavenère (décors), Carmen Van Nyvelseel (costumes), Nathalie Perrier (lumières), Philippe Giraudeau (chorégraphie), Etienne Guiol (vidéo)


(© Alain Kaiser)


Une opérette pour les fêtes de fin d’année ? Oui mais... La tradition reste usuelle, pendant une période où légèreté et divertissement sont de mise, mais davantage que l’opéra le genre a vieilli et mieux vaut ne pas essayer de trop masquer ses rides, sous peine de le vider de toute signification. S’approprier de tels ouvrages nécessite de se montrer doublement subtil là où en principe il ne faudrait pas craindre d’être parfois appuyé. Et à beaucoup louvoyer, amuser, toucher, créer, bref se donner tous les outils pour convaincre, on débouche en principe sur des productions préméditées, construites, coûteuses...


Rien d’étonnant dès lors qu'Offenbach tienne lieu de valeur refuge. Au moins la substance musicale y est, et la farce s’y conjugue avec un plaisir mélodique voire une frénésie contagieuse qui peuvent continuer à faire nos délices. En sachant toutefois que La Vie parisienne est peut-être dans ce corpus de chefs-d’œuvre non prétentieux l’ouvrage le plus mixte, celui où théâtre et musique sont le plus imbriqués voire émiettés, avec à la clé des moments de bonheur auditif plus fugaces, ce qui ne rend pas moins explosifs ces instants-là, cela dit, quand la sauce prend bien.


A difficultés majeures, solutions brillantes : pour l’occasion l’Opéra national du Rhin a fait confiance à des valeurs confirmées. Le metteur en scène Waut Koeken a déjà signé ici une jubilatoire Chauve-Souris, le décorateur Bruno de Lavenère, autre habitué de la maison, n’a pas son pareil pour construire sur scène de grandes architectures du plus bel effet... Sur le papier la production promet beaucoup et effectivement elle ne déçoit jamais. Le décor, hall à entrées multiples inspiré de la gare d’Orsay, est à la fois pratique, riche en possibilités d’accès, plastiquement superbe, d’un gigantisme qui n’exclut pas une grande flexibilité, avec des ouvertures sur des fonds de scène variables voire des vidéo qui font sens, échappées sur une Ville lumière poétiquement représentée, empreinte parfois d’une agitation délirante (jusqu’à une tour Eiffel esquissant des pas de danse aux moments les plus fous). Visuellement c’est superbe, mais surtout la massivité de ce dispositif se fait oublier grâce à une constante occupation par une intelligente et remuante mêlée de danseurs, choristes, figurants, chanteurs-acteurs, sans que jamais tout ce monde ne semble se marcher sur les pieds ou s’agiter pour le simple plaisir de brasser de l’air.


Pour donner davantage de présence à l’ensemble, on a joué la carte de la transposition d’époque, avec beaucoup d’allusions à notre quotidien, celui de nos gares SNCF en particulier : jingles exécrables pour annoncer des retards délirants, composteurs dans lesquels on n’engage jamais son billet dans le bon sens, et même rondes militaires avec fusils d’assaut... Quant au Baron de Gondremark, il se rend à ses rendez-vous polissons... en scooter ! Des clins d’œil qui réussissent à ne jamais paraître appuyés parce que furtifs, charriés par un incessant mouvement d’ensemble. On apprécie aussi quelques moment plus poétiques, dont cette pantomime de buveurs au petit matin, murés dans leur ébriété pathétique, échoués sur les marches d’une butte Montmartre qui en a vu tant d’autres. Et quelle virtuosité dans le final, où jusqu’au dernier choriste se prend au jeu d’une chorégraphie qui toutefois évite prudemment les poncifs, dont un cancan tout juste esquissé et largement suffisant.


Dommage que le théâtre parlé ne suive pas. Ici l’opérette des spécialistes, inévitablement franchouillarde, efficace au demeurant, reprend ses droits. Une expression boulevardière voire criarde dont on ne discutera pas la pertinence mais qui alourdit l’ensemble. Une certaine vie parisienne certes, mais que l’on apprécierait plus fluide. A l’image de cette tenue d’amiral suisse qui vient de « craquer dans le dos », immense moment de comique musical dynamité par l’apparition d’une paire de fesses qu’il aurait suffi de montrer une fois. A quoi bon s’y attarder? Heureusement quand la fosse se réveille le spectacle retrouve immédiatement de l’oxygène, et à ces moments-là quel plaisir ! Le sommet restant à notre avis une tyrolienne complètement folle et décalée, irrésistiblement stimulante pour le diaphragme et les zygomatiques.


La Vie parisienne n’a pas été écrite pour de grandes voix, et même de simples comédiens ont pu y tenir honorablement certains rôles. Mais parfois l'Opéra du Rhin a prévu un peu juste. Le peu de projection de Mark Van Arsdale ne lui suffit vraiment pas pour camper un Brésilien qui mette le feu aux poudres, même si physiquement la composition est parfaite. Les voix graves n’ont pas non plus de grand rayonnement et laissent la vedette à la gantière de Mélanie Boisvert, sans surprises mais adéquate, et à la Métella au timbre un peu trop sombre de Delphine Haidan. En tout cas en termes de travail d‘équipe c’est parfait, et c’est finalement ce qui compte, sous la direction d‘un Claude Schnitzler qui connaît ce répertoire comme sa poche et mène au succès un Orchestre symphonique de Mulhouse sans moelleux, mais dont les fusées partent au quart de tour.



Laurent Barthel

 

 

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