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Encore un must à Brno

Brno
Théatre Janácek
11/21/2014 -  et 24, 30* novembre, 6, 20 décembre 2014
Leos Janácek: Vec Makropulos
Gitta-Maria Sjöberg (Emilia Marty), Eva Sterbová (Kristina), Ales Briscein (Albert Gregor), Petr Levícek (Vítek), Svatopluk Sem (Jaroslav Prus), Peter Racko (Janek), Frantisek Duriac (Dr. Kolenatý), Jirí Klecker (Un machiniste de théâtre), Jitka Zerhauová (Une femme de ménage), Josef Skrobánek (Hauk-Sendorf), Jana Wallingerová (Une femme de chambre)
Sbor Janáckovy opery, Pavel Konárek (chef de chœur), Orchestr Janáckovy opery, Marko Ivanovic (direction musicale)
David Radok (mise en scène), Zuzana Jezková, Ondrej Nekvasil (décors), Zuzana Jezková (costumes), Petr Kozumplik (lumières), Pavel Petráněk (dramaturgie)


(© Patrik Borecky)


Fondé en 2008, le festival Janácek en est parvenu à sa quatrième édition, à raison d’un rendez-vous tous les deux ans. On aura l’occasion de revenir sur les changements dans l’administration artistique et technique du festival, sur les soucis pour son avenir, etc., mais pour l’heure, il est encore temps de voir, même après le festival, une des mises en scène les plus importantes de ces derniers temps, la production de David Radok de L’Affaire Makropoulos, coproduction du Théâtre national Janácek de Brno et de l’Opéra de Göteborg.


Il faut d’abord saleur dans le rôle difficile d’Emilia Marty (ou Elina Makropoulos), manifestement hors norme au regard du répertoire, l’insurpassable Gitta-Maria Sjöberg (Mimi, Liù, Tosca, Elisabetta de Don Carlos, Sieglinde, Octavian, Katia Ismaïlova et même Hanna, la Veuve). Elle est la seule Suédoise d’une distribution complètement tchèque, semblant se situer dans la tradition des voix suédoises séduites par Janácek, comme Söderström. Mais Gitta-Maria Sjöberg a déjà chanté en 2011 une Kostelnicka formidable à l’Opéra de Malmö, représentations de Jenůfa dont on conserve en DVD un beau témoignage (avec Erika Sunnegardh, dans une mise en scène d’Orpha Phelan et, tout comme ici, sous la direction musicale de Marko Ivanovic). Sjöberg possède une voix de soprano avec des qualités dramatiques indubitables, frôlant le mezzo, et se meut avec une extrême facilité d’une extrémité à l’autre de la tessiture. Mais elle est très bien dirigée du point de vue musical, par son fidèle Ivanovic, et aussi dans la conception théâtrale, par David Radok. Le metteur en scène a creusé au plus profond de la vie longue et apparemment guère heureuse d’Elina Makropoulos, de sa vie intérieure – Emilia/Elina a-t-elle une psychologie, a-t-on une psychologie quand on est âgé de 350 ans? –, de ses propos et déclarations blasées. Ivanovic, pointilleux, objectiviste, d’un élan symphonique volontairement prudent, mais néanmoins expressif, est un chef idéal pour une cantatrice/actrice qui a plus de voix et d’armes dramatiques ici que de présence théâtrale – on a l’impression qu’elle en déployait davantage en Kostelnicka.


Sjöberg a donc clairement dominé, mais elle n’est pas toute seule, car il y a au moins quatre rôles importants. Tout d’abord, le ténor, représentant de la famille Gregor, une des parties au procès. La voix d’Ales Briscein possède le pouvoir d’exaltation lyrique tout à fait nécessaire au rôle d’Albert Gregor, mais il a aussi une très belle couleur et une émission élégante. Dans cette formidable distribution, il peut-être a été le grand triomphateur – après Sjöberg, bien sûr. Petr Levícek a rendu Vitek plus visible que d’habitude, Svatoplus Sem et Frantisek Duriac ont été tout à fait à leur place dans les rôles de Prus et Kolenatý, des forces vivantes, piliers de la société – dans un sens ironique mais aussi exact, une société d’hommes mûrs et pourris devant une femme pour eux inclassable. Eva Stěrbová interprète le rôle de Kristina, la soubrette, l’ingénue, peut-être un jour diva elle-même, Emilia Marty elle-même: superbe prestation de cette jeune chanteuse qui a aussi, tout comme son personnage, un bel avenir. On ne peut pas oublier le contrepoint impeccable du point de vue théâtral de Josef Skrobánek en Hauk-Sendorf, dans un opéra ou les opposants de Marty, les miroirs de Marty, les projections sur Marty sont permanentes, et où Hauk-Sendorf est le marginal (vieillesse, fortune, mémoire, manque de vision de la réalité...).


Revenons-en à Radok: il a approfondi, il n’a pas créé «son» histoire, il n’a pas refait son Emilia Marty. Il en aurait eu le droit, bien sûr, si le résultat avait été convaincant, mais il a préféré enrichir de détails significatifs le rôle principal, une bonne distribution de voix et de seconds rôles, et une vision de l’histoire qui se déroule – incroyable, de nos jours! – à peu de choses près à l’époque du compositeur et de l’auteur de la pièce l’ayant inspiré, Karel Capek, c’est à dire les années 1920. Il a bénéficié de l’aide très importante de Zuzana Jezková et Ondrej Nekvasil avec des décors réalistes en même temps que séduisants, qui changent devant nous, devenant bureau, théâtre, coulisses, dortoir, pendant l’action, pendant l’entretien interminable et extraordinairement mis en musique par notre compositeur.


Après le très beau Makropoulos en 2012, ici même, au Théâtre Janácek de Brno, dans la mise en scène de Carsen, on se demande si ce festival veut être l’avant-garde de cet opéra incroyable, composé peu après après la publication des théories de Busoni traitant, entre autres, de l’impossibilité d’un opéra tel que celui-ci. La prouesse de l’orchestre est considérable, supérieure même, surtout quand on sait qu’ils ont donné la veille des versions émouvantes de la Messe glagolitique et de L’Evangile éternel, mais avec un autre chef: à suivre sur notre site!


Le site du festival Janácek



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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