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La Fille bien gardée

Madrid
Teatro Real
10/20/2014 -  21, 23, 26, 29, 31 octobre, 1er, 2, 4, 5, 7, 9, 10 novembre 2014
Gaetano Donizetti: La Fille du régiment
Aleksandra Kurzak*/Desirée Rancatore (Marie), Ewa Podles*/Rebecca de Pont Davies (La marquise de Berkenfield), Javier Camarena*/Antonino Siragusa (Tonio), Pietro Spagnoli*/Luis Cansino (Le sergent Sulpice), Isaac Galán (Hortensius), Angela Molina (La duchesse de Crakentorp)
Coro titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta titular del Teatro Real (Orquesta sinfónica de Madrid), Bruno Campanella*/Jean-Luc Tingaud (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène et costumes), Chantal Thomas (décors), Joël Adam (lumières)


A. Kurzak, J. Camarena, P. Spagnoli (© Javier del Real/Teatro Real)


La mise en scène de La Fille du régiment par Laurent Pelly est bien connue, et sa création en 2007 à Londres, avec Natalie Dessay et Juan Diego Flórez sous la direction musicale de Bruno Campanella, a été publiée en DVD (voir ici). C’est dire qu’il n’est pas nécessaire d’insister sur les atouts et les qualités de cette véritable leçon de théâtre lyrique: le comique irrésistible, la direction d’acteurs, le mouvement continu mais jamais accablant conçu comme progression dramatique (il n’y a jamais de temps morts, de musique sans théâtre, de chant sans clin d’œil de situation, d’action). Ce n’est pas mal pour débuter au Teatro Real de Madrid, après une carrière aussi belle que la sienne.


La Fille du régiment est un opéra-comique comprenant beaucoup de dialogues sans musique. On entend ici une adaptation très appropriée d’Agathe Mélinand. Le comique soutien la musique, et surtout le texte parlé. Le comique était plus net à Londres, à en juger par le film, et moins clair à Madrid, peut-être parce que la formidable soprano polonaise Aleksandra Kurzak a moins le sens de la farce que Natalie Dessay, mais surtout, sans doute, parce que le public du Teatro Real, en général, était plus froid, participant moins – il est vrai que pour certains, les dialogues en français étaient comme du chinois. Aleksandra Kurzak, plus jeune que Dessay (et, surtout, avec une apparence, une allure et un minois de jeune fille), est une véritable belcantiste (Lucia, Rosina, Norina, Donna Anna, Juliette...), et elle a excellé dans le très original duo d’amour plein de comique (avec Camarena), dans les airs mélancoliques («Il faut partir», «Par le rang et l’opulence») et, de façon plus spectaculaire, dans le chant patriotique à la France. Ce rôle difficile n’a toutefois pas de moment aussi spectaculaire et connu que celui de Tonio, dont on reparlera. Il faut signaler la scène où elle chante faux avec l’accompagnement de la Marquise: il faut dominer son art pour chanter faux aussi bien que cela, sans trop de comique, un peu pince-sans-rire.


Le Mexicain de Veracruz Javier Camarena a chanté un Tonio avec un succès apparemment insurpassable. Le public du Teatro Real s’est réveillé complètement «du fond de sa torpeur» – pardon pour la citation de Brassens – pour ce moment toujours attendu avec impatience, «Ah, mes amis»/«Pour mon âme», avec les incroyables bonds d’intervalles vers l’ut suraigu en plusieurs occasions, un moment difficile, diabolique, mais aussi un cadeau pour un bon ténor léger. La difficulté est grande, surtout si l’on pense que Tonio a chanté beaucoup pendant ce premier acte avant d’arriver avec son air de nouveau camarade dans les rangs du régiment français (le duo d’amour plein d’humour, avec Marie, entre autres). Mais au second acte, Camarena a eu aussi des moments exceptionnels, comme, bien entendu, «Pour me rapprocher de Marie».


Hormis quelques répliques du notaire ou de l’un des soldats dialoguant avec Tonio, cet opéra-comique ne compte que cinq personnages solistes qui chantent. A côté du jeune couple d’amoureux, tout en conservant un parfum des arguments de la vieille comédie italienne, la commedia dell’arte, il y a les trois personnages comiques: le vétéran bon enfant (le sergent Sulpice), la sympathique intrigante (la Marquise) et, moins important, le bouffe ridicule pas méchant (Hortensius, le majordome). Pietro Spagnoli chante un Sulpice très mesuré, riche en comique lui aussi; le public du Teatro Real a déjà pu apprécier ce baryton italien en Figaro du Barbier de Seville (voir ici), ainsi que dans d’autres Rossini et plusieurs Mozart. La Polonaise Ewa Podles, contralto de voix profonde et de couleur épaisse, en quelque sorte dans la tradition russe (ses Chants et danses de la mort de Moussorgski sont déjà légendaires), est aussi éventuellement belcantiste (mais pas par hasard), et son Tancredi du Teatro Real nous l’a appris largement. Elle excelle dans le rôle de la Marquise, rôle, il faut le dire, trop petit pour une voix comme la sienne. Isaac Galán, avec ses très bonnes interventions en Hortensius, complète une belle distribution.


Mais il manque la Duchesse, un rôle pour comédienne, sans musique, interprété ici par l’actrice bienaimée du public espagnol au cinéma comme au théâtre, Angela Molina, vedette de films comme Cet obscur objet de désir (Bunuel). Le Chœur et l’Orchestre du Teatro Real ont été à leur meilleur sous la direction d’Andres Máspero et, tous, sous la baguette de Bruno Campanella, le même maestro que dans l’enregistrement de Covent Garden, grand accompagnateur, connaisseur de ce chef-d’œuvre sans prétention, léger, riche en moments réclamant de vrais artistes pour les ensembles, le chant et la comédie. Une très belle soirée.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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