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Salle Pleyel
10/24/2014 -  et 26 octobre 2014 (Köln)
Robert Schumann : Frauenliebe und -leben, opus 42 – Dichterliebe, opus 48 – Zwölf Gedichte von Justinus Kerner, opus 35
Matthias Goerne (baryton), Christoph Eschenbach (piano)


M. Goerne (© Marco Borggreve)


Les Liederabende se font rares à Paris. Ceux de cette envergure sont des perles rarissimes. Au programme: des Lieder de Robert Schumann de l’année 1840. Trois grands blocs que sont L’Amour et la Vie d’une femme, Les Amours du poète et les Douze Poèmes de Justinus Kerner, dits Kerner-Lieder. Sur scène le tandem le plus recherché dans cet exercice si élitiste car il demande, pour l’apprécier pleinement, une bonne connaissance de la langue allemande et de sa poésie, deux artistes allemands le baryton Matthias Goerne et le pianiste et chef d’orchestre Christoph Eschenbach, qui ont déjà fait entendre sur la même scène des programmes inoubliables (voir ici et ici). Aujourd’hui, la salle Pleyel est en cela un précurseur: on ajoute un surtitrage aux soirées de lieder, permettant à la fois compréhension simultanée et distraction. Dans le cas de Matthias Goerne il n’est pas toujours inutile d’être distrait car ce chanteur bouge beaucoup trop dans l’aile du piano et cet effet de girouette est aussi préjudiciable à la concentration qu’à la projection de sa voix. Il semble qu’avec Christoph Eschenbach ce défaut (ainsi que d’autres tenant à un trop fort expressionnisme de son chant) aient tendance à s’atténuer. C’est dire la confiance réciproque qui unit ces deux musiciens.


La première partie était proprement inouïe. On ne se souvient pas d’avoir entendu chanter un baryton chanter Frauenliebe und –leben, dont les poèmes de Chamisso narrent les états d’âme d’une femme tout au long de sa vie sentimentale de fiancée, d’épouse et de mère. Et encore moins de l’enchaîner sans pause au douloureux Dichterliebe d’après Heine. Goerne maîtrise ce grand écart avec plus ou moins de bonheur, d’égalité dans la conviction. Mais la tentative force le respect et l’admiration. Certains lieder de Dichterliebe sont désormais un peu trop tendus dans les aigus pour ses moyens, mais la théâtralité qu’il met dans «Im Rhein, im heiligen Strome» et dans «Aus alten Märchen winkt» est remarquable, le climat halluciné de «Ich hab’ im Traum geweinet» et le souci constant de timbrer chaque mot, de nuancer chaque phrase font que l’on avait l’impression d’entendre ce cycle pour la première fois.


Les Douze Poèmes de Kerner, immortalisés au disque par Dietrich Fischer-Dieskau et le même Christoph Eschenbach, encore plus sombres de propos, ne demandent pas la même unité. Goerne a réussi à faire croire à leur complémentarité en en réalisant une suite réglée comme une promenade dans un paysage sombre, certes, mais cohérent. La fin, avec un «Alte Laute» murmuré, a été sans conteste le plus beau moment de ce récital exceptionnel, suivi en silence par un public médusé.



Olivier Brunel

 

 

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