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Carmen en zarzuela

Madrid
Teatro de La Zarzuela
10/10/2014 -  et 12, 15*, 17, 19, 22, 23, 25, 26, 29, 30, 31 octobre 2014
George Bizet: Carmen

María José Montiel/Jossie Pérez* (Carmen), Sabina Puértolas/Rocío Ignacio* (Micaëla), José Ferrero/Javier Palacios* (Don José), Rubén Amoretti* (Escamillo), Isabel Rodríguez García (Frasquita), Marifé Nogales (Mercedes), Javier Galán (El Donaire), Mikeldi Atxalandabaso*/Néstor Losán (El Remendado), Francisco Tójar (Zúniga), Gerardo Bullón*/David Rubiera (Morales), Alberto Rios/Juan Ignacio Artiles (Andrés), José Vicente Ramos (Curro Flores), Juan Pedro Schwartz (Un guía), Isabel González/Arantxa Urruzola (Vendadora de naranjas)
Coro del Teatro de La Zarzuela, Antonio Fauró (chef de chœur), Pequenos Cantores de la JORCAM, Ana González (chef de chœur)
Orquesta de la Comunidad de Madrid, Yi-Chen Lin (direction musicale)
Ana Zamora (mise en scène), Richard Cenier (décors), Deborah Macías (costumes), Pedro Yagüe, Miguel Angel Camacho (lumières), Javier García Ávila (chorégraphie)


(© Fernando Marcos)


On peut discuter si le mot ou concept d’opéra-comique est plus ou moins équivalent à la zarzuela (Espagne) ou au Singspiel (Allemagne, Autriche), voire à la Masquerade anglaise. Il s’agit d’une pièce de théâtre lyrico-dramatique où l’on chante et où l’on parle. Cela fait longtemps que l’opéra s’est imposé, et on chante tout le temps, même quelques mots sont déclamés ici où là, faisant partie malgré tout d’un ensemble tout à fait musical. Carmen était un opéra-comique, mais le temps, les habitudes, les musiciens plus ou moins respectueux ont changé quelque peu l’original et l’ont fait devenir un opéra.


Mais en Espagne, une décennie après la première pas très heureuse de Carmen en 1875, cet opéra-comique a connu une première en espagnol en forme de zarzuela. L’Espagne, à l’époque, ne faisait pourtant pas comme les autres pays européens: les opéras y étaient chantés en italien, et l’italianisme a exercé une influence insurpassable, même dans les premières décennies du XXe siècle. Mais la zarzuela avait aussi son importance: ainsi, dans la dispute avec le Teatro Real pour accueillir la première de Carmen, c’est le Teatro de La Zarzuela qui a gagné le match et on a donc entendu Carmen en espagnol. Le français est la langue de cet opéra-comique, certainement, mais après tout, Carmen est l’espagnolade d’antan, et l’espagnol est une langue adaptée à l’action, même si les accents de deux langues, la prosodie, sont parfois antagoniques.


De toute façon, ce qu’on a pu entendre en octobre 2014 au Teatro de La Zarzuela, cent vingt-sept ans après la première au XIXe siècle, sonnait de manière habituelle. Mais, attention, on a entendu, quoique en espagnol, a peu près la Carmen de 1875, avec les musiques dans l’ordre original et les dialogues traduits. Et des adaptations vraisemblables. Un exemple: dans la version ancienne d’Eduardo de Bray, l’aubergiste ami de Carmen et de toute la bande s’appelle ici Curro Flores. Mérimée n’était pas très bien informé sur les noms espagnols: impossible imaginer un cabaretier sévillan s’appelant Lillas Pastia. La représentation fut donc assez longue, car il n’y manquait rien de l’original.


Deux distributions différentes ont chanté trois des rôles principaux – Carmen, Don José et Micaëla – et quelques autres. On est allé voir la seconde, toujours injustement négligée dans des cas pareils. Et cette distribution fourmillait de jeunesse. On n’a pas vu ni entendu la formidable María Montiel, mais on a eu la chance de percevoir les nuances de la voix de la jeune mezzo portoricaine Jossie Pérez (Cherubino, Charlotte, Dorabella, Sesto, Rosina...) et d’avoir le plaisir des caresses du velours de son médium. Une belle construction, peut-être in progress; et on ne doit pas oublier l’effort de toute la troupe habituée au chant français de cet opéra, en s’adaptant à l’espagnol. Surtout, certainement, Jossie Pérez et Javier Palacios.


Palacios est un bon ténor, avec une belle voix, mais Don José exige un peu plus que cela. Un peu crispé pour la tessiture, il est arrivé quand même honorablement au moment culminant de son rôle (en français, «La fleur que tu m’avais jetée»). C’est la Sévillane Rocío Ignacio qui joue le rôle de la Navarraise Micaëla; une surprise, la voix et la présence de cette jeune soprano (Gilda, Pamina, Nannetta de Falstaff). Rubén Amoretti est un Escamillo de belle et puissante voix, une présence magnifique, et l’on comprend très bien que Carmen préfère le toréador au brigadier. Les voix et les présences d’Isabel Rodríguez García et Marifé Nogales, avec les contrebandiers interprétés par Javier Galán et Mikeldi Atxalandabaso, complètent une distribution dont l’illusion scénique et le très acceptable ressort musical forment un ensemble d’un très bon niveau


La grande surprise, avec quelques voix, a été la baguette de la chinoise Yi-Chen Lin, très bien adaptée aux exigences, aux possibilités, voire aux limitations des voix sur scène. Un chœur bien dirigé, et un petit chœur d’enfants au même niveau. La mise en scène est plus idéologique qu’efficace: la femme en plusieurs époques, sa servitude, sa libération. Certains moments sont un peu forcés, comme lorsque les filles contrebandières deviennent des miliciennes de la guerre civile espagnole (la Milice, en Espagne, était antifasciste – rien à voir avec celle de Vichy). Un beau dessein de la part d’Ana Zamora, mais avec une direction d’acteurs qu’on dirait inexistante et une rigidité (même dans les mouvements) du genre «je pose devant le public, bien fixe, et je chante sans bouger». Pour ainsi dire. Les décors de Richard Cenier sont très dépouillés, adaptables aux quatre actes, adaptés à un théâtre comme La Zarzuela, dont la scène est moins large et moins profonde que celle du Teatro Real ou du Liceu, par exemple. Les costumes de Deborah Macías sont simples et très beaux dans leurs couleurs vivantes, sans jamais frôler le luxe et l’ostentation: on est dans une zarzuela, pas dans le grand opéra. La robe rouge de Carmen et la robe bleue de Micaëla ont des rôles importants dans l’opposition des deux types de femme devant l’aventure de la servitude, l’ordre, la liberté.


Une belle expérimentation avec des matériaux du temps jadis, quand Carmen fut accueillie à Madrid comme une zarzuela.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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