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07/30/2025
Dominique Arot : L’univers sonore de François Mauriac. La musique, la nature et les hommes
L’Harmattan – 476 pages – 48 euros





Associer François Mauriac (1885-1970) et la musique ne va pas de soi. Une fois écartée la musicalité propre à son style – apanage de tout écrivain digne de ce nom –, celui qui se définissait comme un « illettré de la musique » n’aura pas entretenu, avec le plus immatériel des arts, un commerce aussi intime que ses contemporains Romain Rolland, André Gide ou André Suarès – tous déchiffreurs de partitions.


Dominique Arot, docteur ès lettres et membre de la Société internationale des études mauriaciennes, comble un manque avec ce travail de longue haleine (476 pages !) qui s’emploie à consigner les nombreuses incidences de la musique (et ses corrélats : la nature, le bruit, le silence) dans la vie et l’œuvre du Prix Nobel de littérature 1952, de son enfance bordelaise baignée dans les airs d’opéra en vogue à sa passion tardive pour Mozart (auquel il consacra des pages magnifiques) en passant par les nombreux spectacles que prodiguait la Ville Lumière. S’il fait très tôt l’acquisition d’un appareil lui permettant d’écouter occasionnellement des vinyles (dès 1927, si l’on en croit le témoignage de son fils Claude), Mauriac devra l’approfondissement de son compagnonnage avec le compositeur de Don Giovanni (« l’enfant venu d’une autre étoile ») essentiellement au tourne‑disque, hochet d’une modernité dont il fustige par ailleurs les mœurs et la fuite en avant, mais outil bien utile à l’académicien vieillissant et de plus en plus étranger au rituel social du concert.


Certes, Mauriac n’aura pas manifesté la même curiosité que Jean Cocteau envers la musique de son temps : résolument étranger à l’avant‑garde incarnée par un Boulez ou un Xenakis, il détestait de surcroît Richard Strauss et n’appréciait pas sans réserve Debussy et Satie. Mais il savait reconnaître le génie des grands interprètes, comme Wilhelm Furtwängler ou Yves Nat, et le talent de certains artistes de variété, telles Edith Piaf ou Colette Renard ; il cédait volontiers aux blandices des mélodies de Francis Poulenc, lequel demanda, lors de sa nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur, à ce que Mauriac lui remît sa décoration.


L’étude de Dominique Arot se structure en cinq chapitres : 1/ La Société de Mauriac, le décors quotidien ; 2/ Un Patrimoine sonore singulier ; 3/ La Voix ; 4/ Mauriac et Mozart ; 5/ La Musique comme art de vivre : une esthétique musicale mauricienne.


Autant d’occasions de puiser dans romans et journaux, sans oublier le fameux bloc‑notes : les allusions musicales y abondent, contrairement aux idées reçues. A la réserve de l’introduction, de la conclusion et des débuts de chapitre, où Dominique Arot caractérise et contextualise son propos, l’essentiel du livre consiste en une longue couture de citations (moyennant quelques redites) serpentant à travers le vaste corpus de l’écrivain à la voix d’outre‑gorge. Le mélomane ne s’en plaindra pas, qui glanera de pénétrantes réflexions sur la musique, ni le mauriacien, qui relira son auteur de prédilection avec d’autres oreilles.


Jérémie Bigorie

 

 

 

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