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10/31/2021
Jérôme Bastianelli : Federico Mompou. A la recherche d’une musique perdue
Actes Sud – 176 pages – 18,90 euros


Sélectionné par la rédaction





Jérôme Bastianelli est polytechnicien et ingénieur de l’aviation civile. Après une carrière au ministère des transports, il rejoint le musée du Quai Branly où il est actuellement directeur général délégué. Il a néanmoins le temps de beaucoup écrire, heureux homme; des critiques musicales et littéraires, des romans ou nouvelles et des textes sur des compositeurs. Il a ainsi participé à des ouvrages collectifs sur Mozart, Bach et Verdi et, après avoir publié des synthèses sur Mendelssohn, Tchaïkovski et Bizet, il vient de faire paraître chez Actes Sud une biographie du compositeur catalan Federico Mompou (1893-1987). Malgré cette frénésie d’écriture, ce petit livre n’est pourtant en rien bâclé, au contraire.


En trente-trois très courts chapitres, bien écrits, il retrace la vie de ce compositeur singulier, largement autodidacte, de ses origines françaises, sa jeunesse à Barcelone où il fréquente une fabrique de cloches familiale, ce qui n’a pas été sans influence sur ses recherches autour des résonances, à sa découverte de la musique française, notamment celle de Gabriel Fauré et du Groupe des Six; de sa (modeste) reconnaissance parisienne dans les années vingt puis locale à Saint-Jacques-de-Compostelle ou Barcelone dans les années soixante à son silence à partir de 1978 (hémorragie cérébrale) et son décès, vingt ans avant sa femme, la pianiste Carmen Bravo. Cette vie n’a pas été aventureuse au point de passionner le lecteur et l’homme reste finalement assez secret. Et on s’interroge quand même à l’issue de la lecture de l’ouvrage sur l’attitude du compositeur face à la guerre civile espagnole puis à la dictature franquiste – près de quarante ans – même s’il est noté en bas de page que le régime a su honorer Mompou et que celui-ci ne se compromit jamais avec lui. On se demande aussi de quoi vivait le compositeur, dont la production a été au total fort réduite, dont le sens commercial semble avoir été lacunaire au vu de l’échec de sa tentative d’introduire en Espagne les chocolats glacés de la marque Esquimau et dont les concerts paraissent avoir été particulièrement espacés, l’interprétation publique de ses œuvres pour piano ayant été plutôt confiée à Carmen Bravo.


Mais l’ouvrage analyse finement, sans excès musicologiques, la création de Mompou, limitée principalement du fait de son indolence et de son perfectionnisme selon Jérôme Bastianelli, et surtout consacrée au piano. Il essaye de la caractériser. Au-delà des annotations mystérieuses sur les partitions, il écarte l’influence de Satie puis, à juste titre, celle du Groupe des Six et retient plutôt une filiation avec Debussy, l’enfance et la nature ayant été des sources d’inspiration, et Chopin pour, à l’inverse, son abstraction. Il est étonnant que Jérôme Bastianelli n’évoque pas plus Schumann, au corpus pianistique composé aussi de courtes pièces, souvent intimes, touchant aussi aux tréfonds de l’âme. Mompou a écrit également des chansons, des arabesques, des variations, des romances et des Scènes d’enfants même si la passion ne fait pas partie de son univers.


L’œuvre de Mompou n’est-elle pas aussi au fond une sorte de traduction sonore du Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien de Vladimir Jankélévitch, un philosophe qui l’admirait sans en avoir suffisamment parlé, l’auteur de La Musique et l’Ineffable s’étant sans doute trop attardé sur la musique de l’oubliable Gabriel Dupont? L’ultime chef-d’œuvre de Mompou, Musica callada – titre intraduisible, «Musique tue» étant sans doute moins bien que «Musique murmurée» – reste en effet une œuvre fascinante, unique, désolée, loin de toute école ou mode sérielle ou post-sérielle, sans être folkloriste ou traditionnelle pour autant, où la pudeur, l’économie de moyens, sont au service justement de l’ineffable, à tel point d’ailleurs qu’on se demande si le concert public ne risque pas de la dénaturer.


L’étude de Jérôme Bastianelli est complétée par de précieux éléments discographiques, à jour et commentés, ainsi que par une bibliographie en français, espagnol, catalan et anglais et un catalogue des œuvres du compositeur qui constituent autant de guides pour ceux qui voudraient aller plus loin. Le livre y invite. C’est sa principale qualité au-delà de son extrême clarté. On entend de plus en plus souvent du Federico Mompou au concert même si les pianistes se contentent plus de l’exhumer pour des bis que pour le programmer officiellement, et les enregistrements se multiplient, timidement, comme il se doit pour Mompou, mais il reste manifestement beaucoup à découvrir.


Belle et sensible préface de Jean-François Heisser, un pianiste s’étant passionné pour la musique espagnole et singulièrement celle de Federico Mompou, et index.


Stéphane Guy

 

 

 

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