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07/14/2021
Nicolas Bacri : Notes étrangères et autres écrits sur la musique
L’Harmattan, collection «Musiques en question(s)» – 392 pages – 39 euros





Nicolas Bacri (né en 1961) réunit en un seul volume ses Notes étrangères, des entretiens donnés au fil des ans, des articles publiés depuis les années 1990 et de brefs textes présentant certains compositeurs qu’il apprécie, textes qui expriment à l’occasion le pourquoi de son admiration pour leur œuvre ou pour certains aspects de leur travail. Il fait suivre ce principal d’une courte biographie, des repères chronologiques marquants de sa vie et du catalogue de ses compositions et commandes de 1978 à 2020. L’ensemble dresse un portrait sensible de l’auteur tout en esquissant les épreuves traversées et en révélant sa pensée profonde sur l’acte créateur, sur la musique et sur ce qui est musique.


La première édition de Notes étrangères paraît en 2004, une deuxième, portant le sous-titre «Crise», en 2016. L’édition présente propose une synthèse enrichie des deux premières. Le thème se divise et se subdivise mais s’articule autour de trois points essentiels: la tabula dite rasa souhaitée après la Seconde Guerre mondiale qui, surtout en France et en Allemagne, promeut et, finalement, impose la musique sérielle tout en tournant le dos à tout compositeur qui ne s’y conforme pas; les conséquences de cet état de fait et les effets directs sur la formation et les premières aspirations des musiciens nés après 1950; la réalité de voies alternatives possibles, illustrée par l’œuvre de nombreux compositeurs, souvent encore méconnus aujourd’hui, dont il dresse une liste prodigieuse. Les exigences du compositeur vis-à-vis de la création musicale l’amènent à écarter les voies qui tombent dans une facilité condamnable, tels certains styles «néo-».


Les références musicales et les évocations et citations littéraires et artistiques représentent une impressionnante invitation à la découverte ou aux retrouvailles. Les mélomanes seront heureux d’y retrouver d’élégants hommages à Debussy, Dutilleux et Boulez ou, de la génération Debussy, à Sibelius, Mahler et Stravinsky. L’ouvrage devient un guide précieux vers les voies alternatives préexistantes, guide qui permet de découvrir, si on ne les connaît pas encore, des compositeurs longtemps négligés qui commencent à émerger enfin: Robert Simpson, Viktor Kalabis ou Peter Sculthorpe, par exemple.


Les constants des thèses de Nicolas Bacri reviennent sans cesse dans les différentes parties de l’ouvrage mais les contextes très variés les colorent différemment et en révèlent d’autres facettes. Il multiplie les aspects d’une même observation, chaque point s’intégrant, ainsi, à une argumentation devenue prismatique. Son expression écrite est le miroir de sa pensée articulée et son style en est très vivant, comme autant de répliques au cours de débats où il adresserait, sans les nommer, d’éventuelles critiques de ses idées et de son œuvre. Il prend par l’oblique sa propre défense. Il se montre d’une largeur d’esprit louable mais, malgré la tolérance affichée, plus le livre progresse plus on sent poindre une certaine amertume, justifiée et bien tempérée, qui lui permet d’envoyer de discrètes piques, souvent dans les notes en bas de page.


L’importance de l’acception dans laquelle Bacri emploie des termes courants lui est de première importance. En général, il définit ces termes pour éviter toute confusion quant au sens précis qu’il leur attribue, sans quoi «contemporain», «moderne», «avant-garde» ou «orthodoxe», par exemple, pourraient fausser la donne. Ces définitions approfondies captivent. Par ailleurs, et encore par exemple, il insiste sur la différence qu’il fait entre «système tonal», «phénomène tonal et «sentiment tonal» ou encore entre «modernité» et «modernisme». «Post-moderne» (défini) lui semble tout à fait acceptable pour caractériser ses propres créations bien qu’il fût un temps un «post-sériel» (défini). Toutefois, il revendique un «classicisme atemporel», termes qu’il définit également.


Notes étrangères et autres écrits sur la musique est un ouvrage riche, enrichissant, mais extrêmement personnel. Si Bacri y devient le chantre de l’altérité, s’il prône la liberté de choix qui n’existait plus à une certaine époque, le profond souhait universel qui s’en dégage, c’est que l’innovation ne perde jamais de vue la tradition et qu’ensemble, elles provoquent des œuvres qui transcendent leur époque à la lumière des célèbres paroles de Mahler: La tradition, c’est entretenir la flamme et non adorer les cendres.


Le site de Nicolas Bacri


Christine Labroche

 

 

 

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