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Mariss Jansons (1943-2019)
12/23/2019



M. Jansons (© Marco Borggreve)


Mariss Jansons: un monstre sacré s’en va


L’héritage discographique de Mariss Jansons




Zubin Mehta, que l’on croyait définitivement hors des podiums, ne cesse de diriger... Herbert Blomstedt, qui a passé les 92 ans, entre toujours sur scène avec une allégresse de jeune homme... Riccardo Muti porte encore beau alors qu’il vient de passer les 78 ans... Bref, à force de les voir, les uns et les autres, parcourir le monde, on finit par penser qu’un chef d’orchestre qui a dans les 70 ans a encore de bien belles années devant lui et qu’on va donc avoir le temps de l’admirer à encore de nombreuses reprises, au concert comme au disque. La disparition de Mariss Jansons, dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2019, aura apporté un cruel démenti à ce que l’on pensait encore il y a peu être une véritable loi d’airain.


Mariss Arvidovitch Jansons est né le 14 janvier 1943 à Riga, en Lettonie, alors sous le contrôle étroit de l’URSS. Les débuts non pas de son enfance mais de sa vie même sont extrêmement difficiles. Sa mère est juive: le père de celle-ci a été fusillé et son frère a été gazé dans le ghetto de Riga. Plus tard, sa sœur sera déportée en Sibérie par le KGB. Le jeune garçon est donc caché et baptisé protestant. Si le climat de ce début d’enfance est donc on ne peut plus douloureux, il est également pleinement musical. Car son père n’est pas un inconnu. Arvīds Jansons (1914-1984) est chef d’orchestre et, en 1946, il remporte le deuxième prix d’un concours de direction organisé par l’URSS, ce qui lui permet de devenir à Leningrad (qui ne redeviendra Saint-Pétersbourg qu’en 1991), l’assistant du charismatique Evgueny Mravinski à partir de 1952. Sa mère, Irida (parfois également orthographiée «Erhaida»), est quant à elle chanteuse d’opéra: aussi, comme il le raconta à Christian Merlin au cours de la tournée qu’il fit au Japon à l’automne 2012 pour une intégrale des symphonies de Beethoven (voir ici), ses parents l’emmenèrent partout où ils travaillaient et donc la musique a fait office d’environnement sonore quotidien. Enfant, alors que d’autres jouaient avec des petites voitures, Mariss se confectionnait un orchestre imaginaire de boutons et d’épingles, qu’il dirigeait déjà de tête, sa mémoire épongeant tout ce qu’il entendait. Ses parents lui donnent rapidement l’occasion d’apprendre le violon, le piano, l’alto et la direction d’orchestre, son premier enseignant en la matière ayant été Nikolai Rabinovitch (1908-1972), au Conservatoire de Saint-Pétersbourg. Comme il l’avoua à Christian Merlin, compte tenu de la position de son père au Conservatoire, il doit alors travailler d’arrache-pied pour se faire un prénom mais il n’en sort pas moins diplômé en 1969.


1969, justement, est l’année qui voit le Philharmonique de Berlin jouer la Dixième Symphonie de Chostakovitch dans la grande salle du Conservatoire de Moscou sous la direction de Herbert von Karajan (le 29 mai pour être précis): le grand chef autrichien en profite pour faire quelques masterclasses de direction d’orchestre à Saint-Pétersbourg avec quelques élèves triés sur le volet. Aux côtés notamment de Dimitri Kitajenko figure Mariss Jansons. Il part ensuite se perfectionner avec l’irremplaçable Hans Swarowsky à Vienne et de nouveau avec Karajan comme assistant, pour le Festival d’été à Salzbourg. Lors du concours international de direction d’orchestre Karajan organisé à Berlin en 1971, Mariss Jansons remporte le deuxième prix, ex æquo avec Antoni Wit (le premier prix revenant à Gabriel Chmura, par ailleurs médaille d’or au concours Guido Cantelli de Milan): une photo a permis de garder la mémoire de la remise des prix sur la scène de la Philharmonie... Alors que le patron de Berlin souhaite l’avoir comme assistant, les autorités russes s’opposent au départ de Mariss Jansons hors de Russie et il devient donc, à partir de 1972, l’assistant de Mravinsky, comme l’avait été son père.


C’est seulement quelques années plus tard, au mois de juillet 1976, que Mariss Jansons enregistre son premier disque consacré à... Bach avec un jeune soliste appelé, lui aussi, à une brillante carrière, en la personne de Gidon Kremer! A la tête de l’Academic Symphony Orchestra of the Leningrad State Philharmonia, Maris Yansons (puisque telle est l’orthographe de son nom sur le disque lors de sa commercialisation hors d’URSS) dirige alors le Concerto BWV 1042, le reste du disque étant consacré à des œuvres pour violon seul. Mais c’est surtout avec son premier engagement de directeur musical que son envol va véritablement s’accomplir. Il prend donc les rênes du modeste Orchestre symphonique d’Oslo en 1979 sans savoir qu’il allait y rester vingt et un ans et qu’à la faveur d’un contrat avec Chandos et EMI notamment, il allait en faire un orchestre de premier plan, invité aux quatre coins du monde. Les enregistrements se succèdent... Musique nordique et russe bien sûr avec aussi bien la Suite lyrique et le Concerto pour piano de Grieg sous les doigts de Jens Harald Bratlie que la Cinquième Symphonie du compositeur norvégien Finn Mortensen (1922-1983), des concertos pour hautbois des Norvégiens Harald Sæverud (1897-1992) et Johan Kvandal (1919-1999) avec Erik Niord Larsen en soliste. Ses débuts discographiques le voient également diriger d’autres phalanges à l’instar de l’Orchestre d’Etat de l’URSS, qu’il conduit dans des concertos pour violon de Mozart (le Quatrième) et de Prokofiev (le Premier) avec Valery Klimov en soliste.


Mais le coup de tonnerre vient surtout de son intégrale des Symphonies de Tchaïkovski qu’il grave au milieu des années 1980, en commençant paradoxalement par la Pathétique (enregistrée les 26 et 27 janvier 1984 à la salle de concerts philharmonique d’Oslo) et qu’il achève avec Manfred du 26 novembre au 5 décembre 1986. Le coffret, réédité depuis, ne cesse de séduire par son côté sans concession, l’absence de tout pathos (suivant en cela le modèle paternel, son père lui ayant dit qu’il n’était pas nécessaire, dans Tchaïkovski, d’ajouter du sucre au miel) et la vivacité d’un orchestre qui tient tête sans aucune difficulté à des phalanges peut-être plus prestigieuses sur le papier; à titre personnel, réécouter notamment la Polonaise aura été une vraie redécouverte… L’appétence de Jansons pour le répertoire russe s’affirme d’année en année avec, par exemple, de luxueuses versions des Cinquièmes Symphonies de Chostakovitch (avec Oslo chez EMI), compositeur qu’il aura toujours ardemment défendu au fil de sa carrière, ou de Prokofiev (avec Leningrad cette fois-ci, chez Chandos), sans pour autant perdre de vue les compositeurs nordiques à l’image de Johan Svendsen, dont il grave les deux symphonies en 1988, toujours avec Oslo. Premier chef invité du l’Orchestre symphonique gallois de la BBC de 1985 à 1988 (il laisse après lui un enregistrement de la Symphonie alpestre de Richard Strauss, captée en concert le 21 septembre 1991 à Cardiff), Mariss Jansons recommence à nouer des liens avec le Philharmonique de Berlin qu’il n’avait plus dirigé depuis 1976: en avril 1988, il dirige donc un concert associant Grieg, Dvorák et une fois encore Chostakovitch (la Cinquième Symphonie) avant un nouveau concert en mars 1990 (Moussorgski et Tchaïkovski notamment) puis un concert de juin 1994 (Weber, Szymanowski et Dvorák), quelques jours avant qu’il ne dirige le fameux concert de la Waldbühne.


Epoque bénie des dieux pour Jansons qui devient également premier chef invité de l’Orchestre philharmonique de Londres à partir de 1992, l’année même où il débute avec le Philharmonique de Vienne. Or, force est de constater que ce concert n’aura pas été facile, comme le rapporte Clemens Hellsberg, ancien intendant et premier violon de l’orchestre: alors que les Wiener Philharmoniker étaient éreintés par les festivités du cent cinquantième anniversaire de l’orchestre, ils donnèrent au Konzerthaus de Vienne la Musique pour cordes, percussion et célesta de Bartók mais la faible fréquentation de cette musique, les débuts d’un nouveau chef et la fatigue conduisirent à un concert à la dérive où les cordes «d’ordinaire si fiables, perdirent de leur assurance, et pour faire bonne mesure, dans la Pathétique de Tchaïkovski, certains groupes d’instruments "savonnèrent" quelque peu» (Les Grandes Heures du Philharmonique de Vienne, Du May, octobre 1993, p. 420). Et pourtant, là encore, quelle collaboration avec un des plus grands orchestres du monde qui culmina dans les trois invitations, faites en 2006, 2012 et 2016, à diriger le célébrissime Concert du Nouvel An!


Le 24 avril 1996, Mariss Jansons est victime d’une attaque cardiaque alors qu’il dirige le quatrième acte de La Bohème à la tête du Philharmonique d’Oslo; sauvé in extremis, il subit une deuxième attaque cinq semaines plus tard. Peu s’en faut pour qu’il connaisse la même fin tragique que son père, qui décéda d’une crise cardiaque en plein concert à la fin du mois de novembre 1984, à Manchester, alors qu’il dirigeait l’Orchestre Hallé dont il était le premier chef invité. La pose d’un pacemaker et plusieurs semaines de repos lui permettent néanmoins de reprendre ses activités. Dès 1997, il prend la tête de l’Orchestre symphonique de Pittsburgh, qu’il hisse à des niveaux comparables aux meilleurs orchestres américains, sortant la phalange de la routine dans laquelle Lorin Maazel l’avait quelque peu laissée. S’il démissionne de son poste en 2000, c’est à la fois en raison d’un conflit avec les autorités politiques de la ville (qui refusaient d’investir dans une meilleure salle de concert à l’acoustique plus performante) et pour se ménager, sa santé demeurant fragile. Pourtant, en 2003, il prend les rênes de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise avant, en 2004, de cumuler son poste avec celui de directeur musical de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam: le voici à la tête des deux phalanges avec lesquelles il écrira ses plus belles heures de direction d’orchestre.


La collaboration avec Amsterdam a donné lieu, depuis leur premier disque commun (une Symphonie du Nouveau Monde captée en concert le 9 juin 2003 et éditée dans la collection RCO Live), à nombre de gravures de premier plan où les noms de Mahler, Chostakovitch, les grands poèmes symphoniques de Strauss sans oublier la musique française et Stravinsky s’écrivent en lettres d’or. Son premier concert avec l’Orchestre de la Radio bavaroise au Festival de Lucerne, qui eut lieu en avril 2004, permit à tout un chacun d’être impressionné par la direction aérienne de Mariss Jansons, lui permettant de laisser jouer l’orchestre sans le brider comme le font souvent trop de ses collègues, au prix d’un travail méticuleux en amont et de répétitions où les moindres détails sont explorés (la répétition de l’Héroïque avec la Radio bavaroise est à ce titre ô combien instructive) avant, ensuite, de ne porter l’attention qu’à l’architecture générale de l’œuvre. Il faut d’ailleurs l’avoir vu diriger: souvent, il délaisse la baguette pour, certes la tenir, mais surtout diriger avec les mains, le regard perdu dans le ciel (en tout cas dans le plafond de la salle de concert) et témoignant ainsi une confiance totale à l’orchestre qu’il a sous son autorité. Les grands moments que nous avons pu vivre en le voyant diriger Amsterdam (voir par exemple ici, ici et ici) nous ont souvent fait dire que nous tenions là une des plus belles baguettes du monde, «Un chef parfait» comme le titrait Christian Merlin dans son article hommage paru dans Le Figaro le 2 décembre.


Qu’il s’agisse du répertoire russe ou du grand répertoire germanique (Mahler, Strauss et Bruckner en priorité), Jansons ne délaisse pas non plus le monde de l’opéra même s’il ne s’agit pas là de son répertoire de prédilection. C’est ainsi qu’il triomphe en 2017 à Salzbourg dans Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch, dans la mise en scène d’Andreas Kriegenburg (Nina Stemme chantant le rôle de Katerina), le Philharmonique de Vienne déployant pour l’occasion une palette sonore qui fit l’admiration de tous ceux qui eurent la chance d’assister à une représentation.


Le 22 avril 2014, Jansons annonce qu’il ne renouvellera pas son mandat amstellodamois au-delà de la saison 2014-2015, se concentrant sur son orchestre bavarois et ses apparitions régulières à la tête des Wiener et Berliner Philharmoniker. Son image d’homme affable et humble se trouve quelque peu écornée par l’entretien qu’il accorde à Ivan Hewett pour The Telegraph au mois de novembre 2017 où, à la question de la féminisation progressive (bien qu’encore balbutiante de la direction d’orchestre), il répond: «J’ai grandi à une époque totalement différente et pour moi, j’avoue que voir une femme diriger... Disons que ce n’est pas ma tasse de thé». Le tollé soulevé à travers le monde le conduit à revenir sur ses propos mais son image est atteinte. Le 25 janvier 2018, il est nommé membre honoraire du Philharmonique de Berlin et reçoit, le 19 avril 2019, le prix Herbert von Karajan alors qu’il répète au Festival de Pâques. Ses problèmes de santé le conduisent à annuler de plus en plus souvent ses apparitions, les concerts que l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise devaient donner aux Proms et au Festival de Salzbourg en août 2019 l’ayant vu renoncer au profit de Yannick Nézet-Séguin.


C’est pourtant avec sa dernière apparition que le sommet de son art fut atteint aux dires de tous les commentaires lus ou entendus avec un programme où culmina une Dixième Symphonie de Chostakovitch devenue à tous égards légendaire, ses deux derniers concerts avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise ayant été programmés à New York, le second finalement dirigé par Vasily Petrenko, la faiblesse de Jansons étant alors parvenue à un stade critique (voir ici et ici). C’est donc dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre que Mariss Jansons s’est éteint à Saint-Pétersbourg d’une insuffisance cardiaque, son décès ayant été annoncé par un communiqué du Philharmonique de Vienne qui devait donner un concert sous sa direction, Jakub Hrůsa le remplaçant au pied levé pour ce concert du dimanche matin (voir ici).



L’héritage discographique de Mariss Jansons


Disques


Dans l’entretien déjà mentionné avec Christian Merlin, Mariss Jansons avouait sans qu’il soit nécessaire de traduire: «Music is my life, I live for music». Et le fait est qu’il dirigea toujours avec passion les œuvres qui lui tenaient à cœur, n’ayant pas un champ d’exploration aussi étendu que certains autres chefs (l’a-t-on déjà vraiment entendu dans Mozart, hormis une Trente-troisième Symphonie avec Vienne et un Requiem amstellodamois, Mendelssohn ou même Wagner?), mais revenant en revanche avec constance à quelques piliers de son jardin fétiche au sein duquel la musique russe et le grand répertoire germanique tiennent la première place. S’il n’a guère persévéré, hormis dans ses années norvégiennes, dans la musique contemporaine, force est de constater qu’il a parfois programmé des concerts on ne peut plus audacieux: car, pour diriger en une même soirée, à Lucerne, la Symphonie de psaumes de Stravinsky, Un survivant à Varsovie de Schönberg, l’Adagio pour cordes de Barber et Amériques de Varèse, il fallait quand même un sacré culot. La discographie de Jansons peut certes se résumer à quelques anthologies dont celle, à la tête de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam, luxueux coffret de treize disques et d’un DVD où l’amateur trouvera des références enregistrées en concert, certaines gravures n’évitant pas en revanche une certaine banalité. Pour qui ne souhaiterait que s’en tenir à quelques disques, voici un choix, avec toute la subjectivité que cela suppose bien entendu!


Anton Bruckner





Mariss Jansons n’a pas enregistré Bruckner à ses débuts. Sauf erreur, son premier témoignage discographique dédié au maître de Saint-Florian est consacré aux Troisième et Quatrième Symphonies enregistrées respectivement en 2007 et 2008, en concert avec Amsterdam et publiées dans la collection RCO Live. Belles gravures certes mais il y a mieux ailleurs, y compris chez Jansons lui-même. Ainsi, signalons, dans le cadre du volumineux coffret édité cette fois-ci par BR-Klassik, une magnifique version de la Troisième qui n’avait encore jamais été éditée et qui témoigne de la plus belle manière des affinités que Jansons entretenait avec l’œuvre symphonique de Bruckner. Mais c’est surtout vers le double disque consacré cette fois-ci aux Sixième et Septième Symphonies que l’on se tournera tant il s’agit là d’un sommet, avec une Sixième qui respire idéalement, l’Orchestre du Concertgebouw distillant des couleurs fascinantes (le deuxième mouvement, d’une noirceur mahlérienne au possible) qui hissent cette version au sommet de la discographie.


Dimitri Chostakovitch





C’est sans doute le compositeur dont Mariss Jansons s’est senti le plus proche, en tout cas celui qui lui aura servi de fil conducteur tout au long de sa carrière. De sa Cinquième (Oslo, 1987, EMI) à ses récentes Septième et Dixième (Radio bavaroise, 2016 et 2010, BR-Klassik), le compositeur russe aura toujours eu ses faveurs tant au disque qu’au concert. Si l’on devait sélectionner une parmi d’autres, avouons que sa dernière Dixième est assez impressionnante (sa troisième gravure au disque!) de même que la Huitième avec Pittsburgh, captée elle aussi en concert mais au mois de février 2001 (EMI Classics).


Antonín Dvorák




Certes, on a les Huitième et Neuvième Symphonies, version grand luxe avec la Radio bavaroise et Amsterdam sans oublier une pas mauvaise Cinquième (le disque, édité chez Chandos vaut à notre sens davantage pour la flamboyante ouverture d’Othello). Mais c’est surtout le Stabat Mater qui s’impose, une fois encore avec les forces munichoises lors d’un enregistrement effectué en mars 2015. L’enregistrement est parfait, tout bonnement parfait. Orchestre et Chœur de la Radio bavaroise, quatuor de solistes à tomber par terre (Erin Wall, Mihoko Fujimura, Christian Elsner et Lian Li): une émotion à fleur de peau qui vous fait chavirer de la première à la dernière note, le disque (BR-Klassik) ayant précédé de quelques jours une version filmée au KKL de Lucerne tout aussi somptueuse, dont il est difficile de décrocher. A notre sens, sans hésiter, un des plus grands disques de Jansons!


Gustav Mahler





Mariss Jansons a toujours enregistré Gustav Mahler. Ayant commencé avec la Résurrection (novembre 1989, Chandos) et terminé avec la Septième (enregistrement en public de la fin du mois de septembre 2016, BR-Klassik), ses gravures, souvent en public à la tête de ses deux orchestres amstellodamois et munichois, frappent depuis plusieurs années par leur perfection assez froide d’où sont malheureusement trop souvent absents l’émotion et les emportements qu’un Bernstein ou un Haitink savaient instiller. Son récent enregistrement de la Première (datant de 2007, il vient seulement d’être édité) en est une cruelle illustration, sa dernière version de la Quatrième étant en revanche tout à fait recommandable: il faut dire que l’on se situe à des niveaux plus qu’appréciables... Pour autant, on ne pourra passer à côté de ses Deuxième (dans la version d’Amsterdam avec Ricarda Merbeth et Bernarda Fink en solistes, RCO Live) et, surtout, Huitième (idem) où les versions de référence ne se bousculent pas.


Richard Strauss





Si, sauf erreur, Mariss Jansons n’a jamais enregistré d’opéra de Strauss, il n’en a pas moins exploré tout son répertoire orchestral, enregistrant ses poèmes symphoniques avec souvent beaucoup de réussite. On a personnellement le souvenir d’un Mort et Transfiguration -à la salle Pleyel d’une beauté surnaturelle. Si l’on a pu être déçu par sa Symphonie alpestre, force est de constater que sa Vie de héros, bien que plus lisse que d’autres versions, est magnifique, mettant en valeur Anton Barachovsky, Konzertmeister de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise (BR-Klassik).


Piotr Ilyitch Tchaïkovski





C’est le coffret qui l’a lancé, c’est le coffret qu’il faut avoir! La couverture marron, et certes peu engageante, de la réédition ne doit pas faire fuir l’auditeur qui trouvera là une intégrale du plus haut niveau où la précision des bois, l’allant des cordes et la brillance (parfois un peu sèche comme dans le premier mouvement de la Quatrième) des cuivres emportent tout sur leur passage. On est à des années-lumière de certaines intégrales ronflantes, le geste étant ici particulièrement incisif et sans concession mais l’impression d’un puissant décapage n’en emporte pas moins la conviction.


DVD





Discret, affable, Mariss Jansons n’en a pas moins laissé en plus d’une occasion les caméras filmer son travail. Certains documents, alors qu’il n’est encore qu’un jeune chef, sont visibles sur YouTube mais nous ne nous attacherons ici qu’à quelques concerts. Recommandons en premier lieu cette magnifique Deuxième Symphonie de Mahler avec Anja Harteros et Bernarda Fink, enregistrée à la Philharmonie am Gasteig de Munich sous les caméras de l’inaltérable Brian Large (voir ici); à la même époque, la Vie de héros de Strauss couplée à un Troisième Concerto pour piano de Beethoven (Mitsuko Uchida au clavier) étant également d’un excellent niveau (deux DVD édités chez Arthaus Musik). Profitons de l’anniversaire qui s’ouvre en 2020 pour également recommander le coffret consacré à l’intégrale des Symphonies de Beethoven où Jansons dirige l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise au Suntory Hall de Tokyo: image parfaite, style intéressant, ambiance grand luxe (Arthaus Musik)! On l’a cité dans la discographie donc revenons-y: précipitez-vous sur le DVD consacré au Stabat Mater de Dvorák (Clasart Classic)! Le concert est superbe, l’image est somptueuse dans le cadre du KKL de Lucerne: un grand DVD de musique classique, à n’en pas douter. Si l’on souhaite retrouver Jansons avec Vienne, deux possibilités: opter pour l’un des trois Neujahrskonzerte (Deutsche Grammophon pour l’édition 2006, Sony Classical pour 2012 et 2016) ou se rendre au Festival de Salzbourg pour un concert où culmine une superbe Première Symphonie de Brahms. Enfin, côté opéra, l’amateur choisira entre Amsterdam (Lady Macbeth de Mzensk chez Opus Arte avec Eva-Maria Westbroek dans le rôle-titre) et Vienne pour une version somptueuse de La Dame de Pique captée à Salzbourg en 2018 (Unitel - C Major).


Sébastien Gauthier

 

 

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