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Le mois du mélomane professionnel 03/01/2018
Je me suis souvent demandé si j’aimais le violon parce qu’il ressemblait à la femme, dans la forme et dans la tessiture, ou la femme parce qu’elle ressemblait au violon. La combinaison des deux est toujours un grand moment de bonheur, surtout quand la femme n’essaie pas de jouer «comme un homme». Déjà dans les années 1940, quand j’ai pu écouter Ginette Neveu ou Ida Haendel, l’effet était garanti. Je me souviens avoir dit à Ida Haendel que le violon ne devait pas poser sur une épaule nue pour des causes spirituelles. Plus de cinquante ans après, au concours Menuhin où je l’ai rencontrée, je lui ai demandé si elle suivait mon idée. Elle m’a répondu par un grand sourire.
De nos jours, on ne peut vraiment pas se plaindre. Pour ne mentionner que quelques-unes, je nommerai Anne-Sophie Mutter, Hilary Hahn, Janine Jansen et Julia Fischer (qui est, en plus, une excellente pianiste). Je garde deux noms en particulier, l’une, Leila Josefowicz que j’ai entendu jouer, avec bonheur, Scheherazade.2 de John Adams avec le Concertgebouw, et l’autre, Baïba Skride, que j’ai découverte avec le Concerto «A la mémoire d’un ange» de Berg. Où étais-je quand elle a gagné le concours Reine Elisabeth à Bruxelles? J’aime ce concerto et je l’ai rarement entendu jouer aussi passionnément et, en même temps, aussi délicatement.
Ne tirez surtout pas la conclusion que j’apprécie moins les hommes-violonistes mais la femme a quelque chose que l’homme n’a pas (heureusement!), surtout pour l’œuvre en question. Ne tirez pas non plus la conclusion que c’est toujours le cas, car ce serait en contradiction avec une de mes chroniques récentes.
Concluons par un mot sur un bel Or du Rhin qui nous venait de Barcelone et un mot sur un film, passé sur Arte, sur la naissance de la Septième Symphonie de Chostakovitch. Le film n’était pas très réussi mais il m’a poussé à réécouter la symphonie et je suis sorti de l’audition complètement bouleversé.
Quand cessera cette attaque du froid de la part de nos amis russes? Je les préfère quand ils me bouleversent plutôt que quand ils me refroidissent.
Benjamin Duvshani
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