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Le mois du mélomane professionnel 05/01/2017
Un mois d’avril difficile. Le temps d’abord avec ces gelées matinales qui nous ont obligé à sortir les manteaux d’hiver et qui risquent de nous priver cette année du merveilleux blanc de Chablis. Et puis, la musique avec ses déceptions alternant avec des moments de grand bonheur.
Malgré mes réserves concernant les mises en scène actuelles des opéras, je suis toujours prêt à affronter les excès de certains metteurs en scène parmi lesquels et en bonne place, Calixto Bieito. Quelle surprise et quelle déception, cette Carmen à l’Opéra Bastille! Fade, froide, inintéressante. Aucune invention. Ce ne fut même pas ringard. Imaginez-vous la danse bohême du début du deuxième acte vous laissant complètement calme. Quel dommage!
Que dire de cette première de l’opéra (en est-il un?) Infinite Now de l’Israélienne Czernowin, dont nous avons fait la connaissance récemment au concert «Genesis», où elle avait mis en musique le premier jour de la création par lequel commence la Bible, et que nous avons vu à Gand, création de l’Opéra des Flandres. Textes d’Erich Maria Remarque sur la guerre de 1914-1918 et du Chinois Can Xue sur le problème du retour chez soi après une longue absence. Rien pour les yeux. Sur scène, douze personnes, six chanteurs et six acteurs qui ne font pratiquement rien et qui évoluent lentement sans qu’on comprenne le sens de leurs mouvements. Pas de dialogues, pas d’intrigue. On se demande d’où peut naître l’émotion malgré le sujet qui doit la déclencher. Le vrai sujet concerne l’oreille. Une musique qu’on sent être «nouvelle», faite d’un ensemble de sonorités de toute origine et qui sera probablement la musique de demain. Comme nous sommes les premiers à en faire l’expérience, ne pouvait-on pas nous l’offrir pendant un temps plus court? Deux heures et demie sans entracte, ce fut franchement trop long. Dans tout cela, un grand moment quand même, les sonorités d’une tempête diffusées par un ensemble de haut-parleurs plantés partout dans la salle et qui réussit à vous transporter vers un ailleurs sans réel rapport avec le sujet. Comme ce moment arrive vers la fin, tous ceux qui, fatigués, sont partis avant, l’ont raté. Pour eux, la soirée fut vraiment perdue.
Mais il y eut aussi des réussites. Quelle merveille que cette soirée que le Quatuor Diotima nous a offerte avec l’intégrale des Quatuors de Bartók. Long? Pas du tout. On aurait pu en reprendre si Bartók avait le temps de continuer à en écrire. Salle pleine jusqu’au bout. Un public enchanté dans ce cadre étonnant des Bouffes du Nord. Il ne faut pas avoir peur des marathons quand ils sont de cette qualité-là.
L’écran aussi nous a enchantés, surtout deux programmes, l’un avec les concertos de Schumann pour violon, pour violoncelle et pour piano (excellente idée!) et Nemanja Radulovic dans une interprétation exceptionnelle du Concerto pour violon de Khatchatourian.
Oublions le mal. Souvenons-nous du bien. Surtout que le mois de mai nous offrira des programmes passionnants et – qui sait? – peut-être le beau temps.
Benjamin Duvshani
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