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CD, DVD et livres: l’actualité de mars 03/15/2017
Les chroniques du mois
Must de ConcertoNet
Noémi Boutin interprète Britten
Sélectionnés par la rédaction
Le Retour de l’exilé de Nicolai
Schumann par Jean-Philippe Collard
Mefistofele à Munich (2015)
Oui !
Ulf Schirmer dirige Les Noces polonaises de Beer
Lawrence Renes dirige Schreker
Momo Kodama interprète Debussy et Hosokawa
Tomás Netopíl dirige Janácek
Howard Shelley interprète Kozeluch
Christophe Rousset dirige Uthal de Méhul
John Wilson dirige Copland
Richard Hickox dirige Delius
Deux documentaires sur Otto Klemperer
Alfred Walter dirige Spohr
Pourquoi pas ?
Patrick Gallois dirige Cimarosa
Philippe Bianconi interprète Schumann
Emmanuel Krivine dirige Berlioz (2014)
Herbert Blomstedt dirige Beethoven (2015)
Richard Hickox dirige Elgar
Roberto Devereux à Madrid (2015)
Turandot à Valence (2008)
Turandot à Pékin (2013)
La Traviata à Baden-Baden (2015)
En bref
Uthal, un opéra pas comme les autres
Klemperer par l’image
Violetta au cirque
La Fantastique de Krivine entre autocritique et autosatisfaction
Hickox et la musique anglaise (1): Elgar
Hickox et la musique anglaise (2): Delius
Longévité vocale pour Roberto Devereux
Saint-Sylvestre avec Beethoven et Blomstedt à Leipzig
Résumés symphoniques de Janácek
La sage élégance de Kozeluch
Regards chinois sur Turandot
John Wilson poursuit son intégrale Copland
Faut-il réhabiliter Spohr?
Uthal, un opéra pas comme les autres
Etonnant, ce Uthal (1806). Etienne Nicolas Méhul se contente d’une heure de musique et de dialogues, ce qui ne laisse pas le temps de s’ennuyer, et ose remplacer les violons par des altos afin d’instaurer une atmosphère ossianique. La poésie d’Ossian, barde provenant de l’imagination de James Macpherson, rencontrait alors un vif succès, même parmi les compositeurs, comme Jean-François Lesueur, auteur d’un Ossian ou Les Bardes créé deux ans avant Uthal et aujourd’hui oublié. Claire et vigoureuse, la musique se caractérise par d’audacieux alliages de timbres qui singularisent cet opéra antérieur d’un an à Joseph, moins méconnu. Pourtant, Cherubini et Grétry l’appréciaient peu. Cette curiosité ne rejoindra probablement jamais le grand répertoire, malgré les efforts du Palazzetto Bru Zane qui publie, dans sa collection consacrée à l’opéra français, le concert du 30 mai 2015 à Versailles. Sous la direction de Christophe Rousset, Les Talens Lyriques se montrent vifs, voire âpres, et cultivent de fort goûteuses sonorités. La lecture de la distribution (Deshayes, Beuron et Bou dans les rôles principaux) rassure quant à l’excellence du chant et au respect du style, et l’écoute satisfait nos attentes. Les chanteurs animent les dialogues avec un souci constant de la déclamation, bien que l’élocution manque de naturel. Une fois de plus, l’éditeur a conçu un livre-disque superbe, avec un texte impeccable de Gérard Condé (comme toujours) et de précieuses contributions, notamment d’Hector Berlioz et d’Arthur Pougin (Ediciones Singulares ES1026). SF
Klemperer par l’image
Dans un coffret comprenant par ailleurs un copieux livret relié (en anglais, français et allemand), Arthaus Musik associe deux documentaires de Philo Bregstein consacrés à Otto Klemperer (1885-1973). Le Long Voyage d’Otto Klemperer à travers son temps est la troisième version, légèrement modifiée, d’un film réalisé en 1973 et déjà revu en 1984. Suivant un fil chronologique et illustré par de très riches archives filmées ou photographiques ainsi que par les témoignages (audio) de nombreuses personnalités, le propos insiste sur les rencontres capitales (Mahler, Schönberg) qui ont marqué le chef et compositeur allemand et sur les principes cardinaux qui ont guidé sa carrière (exigence, refus de la routine), de Berlin (l’Opéra Kroll) à Londres (le Philharmonia de Walter Legge, puis le New Philharmonia) en passant par Los Angeles et Budapest. En arrière-plan, sont aussi données à voir les vicissitudes de l’histoire européenne au travers de documents saisissants, montés de façon éloquente. Le titre du second documentaire, qui date de 1974 mais a également été quelque peu modifié pour la présente édition, dit tout de son objet: Klemperer, le dernier concert montre des images tournées à l’occasion d’un programm donné avec le Philharmonia le 26 septembre 1971 au Royal Festival Hall (Ouverture du Roi Etienne et Troisième Concerto de Beethoven avec le tout jeune pianiste Daniel Adni, Troisième Symphonie de Brahms) mais reprend aussi des passages du premier documentaire. On y découvre un colosse très affaibli, soutenu par deux hommes pour gagner son pupitre, le visage fermé, mais qui, malgré une gestuelle économe (sans doute à son corps défendant), n’en déchaîne pas moins des forces impressionnantes dès qu’il commence à diriger. De très brefs extraits de répétitions de Brahms (avec incrustations de la partition) et l’exécution du seul premier mouvement de l’œuvre (avec deux caméras fort précaires et quasiment fixes) complètent le film. En bonus, viennent encore deux chutes de prises de répétitions (cette fois-ci de Beethoven) mais aussi des entretiens bruts de décoffrage (avec son ami le philosophe Ernst Bloch et avec Pierre Boulez). Pour entendre l’intégralité du concert, il faut se reporter aux deux disques audio: le son (monophonique) ne flatte ni l’orchestre, ni le piano mais n’empêche pas la vision radicale, lente et autoritaire de Klemperer de s’imposer, notamment dans un Brahms construit d’une main de fer, à la fois dense, tendu, violent et même rageur (coffret de deux DVD et deux disques 109289 ou de deux DVD et deux vinyles 109291). SC
Violetta au cirque
Rolando Villazón met aussi en scène avec un certain talent. Après une sympathique Rondine à Berlin, voici, à Baden-Baden, une Traviata dans l’univers du cirque. L’idée n’est pas neuve: il y a quelques années, Robert Carsen avait déjà imaginé qu’un autre opéra de la trilogie populaire, Rigoletto, se déroule dans ce milieu chatoyant. La transposition fonctionne bien, à condition d’admettre que Violetta ne paraisse pas en courtisane ou en prostituée mais en trapéziste tatouée. En montrant la différence sociale entre elle et les Germont, le ténor reste fidèle à l’essence de l’ouvrage et explore avec justesse la psychologie les personnages. Susceptible de satisfaire un large public, ce spectacle traduit le sens du détail du décorateur, du costumier et de l’éclairagiste, qui composent un univers coloré et même fantasmagorique dans la seconde moitié. En revanche, la présence d’un double trapéziste pour Violetta n’apporte rien de significatif, sans, toutefois, ajouter de la confusion. En mai 2015, Olga Peretyatko venait d’endosser brillamment le rôle-titre à Lausanne. Cette soprano au physique avantageux et aux capacités considérables épouse l’évolution de Violetta au moyen d’une tessiture admirable, mais elle contrôle trop ses moyens au détriment de l’émotion. Voilà, de toute façon, une chanteuse de grande envergure qui trouve là un rôle à sa mesure et qu’elle aura encore l’occasion de peaufiner. Attala Ayan incarne un Alfredo honorable mais trop ordinaire. La voix s’impose par la tenue de la ligne et la clarté des aigus, mais le couple que le ténor forme avec la soprano fusionne peu et manque de chaleur. Germont pétrifié et presque aussi bleu qu’un schtroumpf, Simone Piazzola s’impose sans problème par la consistance de la voix, la finesse de la caractérisation et l’expressivité du chant. Les rôles secondaires sont bien distribués et les choristes s’illustrent par leur implication. Le chef, en revanche, déçoit: Pablo Heras-Casado dirige sans élégance et en accusant grossièrement les contrastes un Ensemble Balthasar Neumann fruste et raide comme un piquet (C Major DVD 733708 ou Blu-ray 733804). SF
La Fantastique de Krivine entre autocritique et autosatisfaction
Le 27 mai 2014, concluant une tournée une tournée de cinq concerts en France et à Londres, Emmanuel Krivine et sa Chambre philharmonique donnent à la Cité de la musique une soirée Berlioz, dont seule la seconde partie, intégralement dédiée à la Symphonie fantastique, est ici publiée. L’enregistrement confirme l’excellente impression suscitée par le même programme trois mois plus tard au festival de La Chaise-Dieu. Dans cet effectif d’instruments d’époque, les trente-deux cordes ne paraissent pas trop écrasées par les vingt-trois vents et la partition se déploie avec clarté, sans volonté d’en valoriser à tout prix les aspects spectaculaires, car l’ensemble est très tenu, au prix parfois d’un peu de raideur. La réalisation très pédagogique d’Oliver Simonnet est à l’avenant, mettant successivement en valeur de façon pertinente le chef et les différents pupitres, souvent en plans serrés – on ne perd rien des splendides serpent et ophicléide de collection dans le dernier mouvement. Outre de trop brèves présentations de leurs instruments respectifs par Antoine Pecqueur (basson), Christophe Robert (violon) et Aline Potin (timbales), que l’on retrouve ensuite autour d’une table ronde avec Krivine pour évoquer de façon assez convenue les dix ans de l’ensemble qu’il a fondé, les bonus proposent un happening proprement stupéfiant: parlant sur la musique, le chef commente le concert comme un journaliste sportif le ferait d’un match. Le parallèle s’impose, car il faut passer au travers de beaucoup de portes ouvertes enfoncées pour bénéficier de propos plus enrichissants ou même simplement savoureux: un mélange cocasse et caustique de technique de direction et d’analyse du texte, d’une part, et de remarques à la volée, d’autre part, notamment à propos de ses musiciens («Il est Italien, il est très sympa», «Le bonhomme est pas simple, mais ça marche avec son génie»). Entre autocritique («C’est difficile de juger son propre orchestre») et autosatisfaction («C’est bien, là», «Ils sont bons, oh la la»), on ne s’ennuie pas un instant, et il n’y avait décidément que Krivine pour oser cela (Alpha 714)! SC
Hickox et la musique anglaise (1): Elgar
Dans la collection «The Hickox Legacy» en l’honneur de Richard Hickox (1948-2008), trop tôt disparu, Chandos réédite deux œuvres moins connues d’Elgar (voir par ailleurs les disques consacrés aux Apôtres et au Royaume d’Elgar, à Bridge, à Tippett et à Ireland). Elgar, originaire du massif de Malvern comme Caractacus, le guerrier qui y affronta les Romains, souhaitait s’en inspirer pour un futur poème symphonique. La commande vint en 1898 mais ce fut pour une cantate, genre fort à la mode, et le poème dut attendre 1930 quand son inspiration se limita aux lieux proches du fleuve Severn. Hickox dirige avec cœur la version pour orchestre (1932) de la Severn Suite, écrite à l’origine en tant que pièce de concours pour cuivres. Le matériau des cinq mouvements richement orchestrés provient en grande partie d’esquisses du jeune âge d’un compositeur sans doute nostalgique. D’excellente facture, la Suite, belle, reste tout à fait typique de son auteur sans apporter le petit vent frais que l’on eût souhaité. La cantate Caractacus apparaît aujourd’hui comme un tremplin aux chefs-d’œuvre qui devaient suivre: les Variations Enigma et Le Rêve de Géronte. Elgar avait fort à faire pour transcender le récit imaginé et la prosodie trop simpliste du livret (H. A. Acworth) mais il y parvint malgré une fin moins convaincante qui sombre dans le patriotisme d’apparence humaniste alors de rigueur. L’interprétation est excellente. Le souffle magistral de Hickox se communique à l’Orchestre comme au Chœur symphoniques de Londres, qui défendent l’œuvre avec une clarté intense, engagée et bienvenue. Le baryton David Wilson-Johnson campe un Caractacus vaillant en dépit d’un large vibrato qui parfois l’affaiblit. La rencontre avec Claudius (relatée comme la bataille par Tacite) donne l’avantage à la clémence de l’empereur sans doute à cause de la voix de basse plus posée d’Alastair Miles. Le rôle de l’Archidruide échoit à Stephen Roberts, baryton-basse autoritaire nonobstant sa voix assez légère. La surprise vient de deux rôles inventés par le librettiste. Arthur Davies, ténor chaleureux qui avait déjà interprété Géronte pour Hickox, et Judith Howarth, soprano d’une innocente fraîcheur, donnent une épaisseur émouvante aux deux amoureux, Orbin le ménestrel, et Eigen, la fille de Caractacus. Elgar semble investir ces rôles de son attachement pour les bois et les coteaux de Malvern et il leur consacre ses plus belles pages. C’est pourtant le «Cortège triomphal» à Rome, la première des grandes marches d’Elgar parfois interprétée à part, qui semble avoir le plus facilement frappé les esprits (coffret de deux disques CHAN 241-58). CL
Hickox et la musique anglaise (2): Delius
Toujours dans le cadre de la collection «The Hickox Legacy», Chandos réédite un second programme d’œuvres de Frederick Delius (1962-1934). Le premier se consacre à un choix d’œuvres avec voix, le second à quelques œuvres orchestrales composées entre 1908 et 1916. Delius était un harmoniste, un coloriste et un orchestrateur de premier ordre et le plaisir de l’écoute des associations de timbres enivrants, nuancés par les tonalités fluctuantes des strates aux rythmes variés, touche au luxe d’un hédonisme sonore qu’appuie l’excellence du «son Chandos». Richard Hickox enflamme l’Orchestre symphonique de Bournemouth et quelle que soit la valeur intrinsèque que l’on attribue aux œuvres, on ne peut rester insensible à la pure beauté des sons. Proche de la nature, Delius s’en inspire, non pour décrire mais pour recréer l’atmosphère des lieux et les sensations et les sentiments que tous peuvent y éprouver. Une intensité rhapsodique traverse les cinq partitions, même dans les passages les plus secrets. In a Summer Garden, dédiée à son épouse, communique le bonheur de leur relation par la débauche de couleurs et de fragrances traduites en musique de leur jardin à Grez-sur-Loing. North Country Sketches recrée les landes ventées des massifs anciens de son Yorkshire natal, qu’il fait doucement reverdir au cours des quatre volets qui peu à peu se rythment et s’animent suivant le cycle des saisons. L’intermède qu’il ajouta tardivement à son opéra A Village Romeo et Juliette, le célèbre «Walk to the Paradise Garden», laisse pressentir la fin tragique qui attend les amants maudits nonobstant la plénitude orchestrale. Delius choisit la forme des variations sur un thème pour le déferlement de rythmes langoureux ou endiablés des deux Dance Rhapsodies bien nommées. Le hautbois énonce le thème de la première (1908) et la flûte celui de la seconde (1916). Malgré le rythme de mazurka qui lance la seconde, on capte une appartenance modale et rythmique au pays natal du compositeur. A la suite de Beecham, la souplesse de la direction de Hickox rend pleinement justice à la science et à l’esprit qui animent la musique de Delius (CHAN 10913 X) CL
Longévité vocale pour Roberto Devereux
Ce Roberto Devereux en 2015 à Madrid réunit deux modèles de longévité vocale. Elisabeth sensationnelle, Mariella Devia épate par sa puissance et sa virtuosité. Cette soprano aux aigus percutants et au timbre accrocheur brille dans ce rôle redoutable. La justesse de l’expression compense les traces d’usure qui rendent cette incarnation plus authentique. Habitant pleinement le rôle de Roberto, Gregory Kunde fait montre de capacités que beaucoup de chanteurs en début de carrière lui envieraient. Il faut admettre une intonation inégale et un style pas toujours orthodoxe, mais quel engagement! Le reste de la distribution honore la réputation du Teatro Real. Touchante en Sara, Silvia Tro Santafé met une voix agile et colorée au service d’un chant finement élaboré tandis que Marco Caria campe un solide duc de Nottingham sans atteindre le degré d’achèvement de ses partenaires. La fosse intéresse moins que le plateau mais Bruno Campanella dirige avec compétence un orchestre affûté et sonnant d’admirable façon. La mise en scène d’Alessandro Talevi développe peu d’idées mais les personnages sont crédibles et la tension se maintient, malgré une direction d’acteur banale. La scénographie, très sombre, confère un aspect moderne à cet opéra de grande classe (BelAir Classiques DVD BAC130 ou Blu-ray BAC430). SF
Saint-Sylvestre avec Beethoven et Blomstedt à Leipzig
(Quasi) inusité en France, le concert de la Saint-Sylvestre constitue en revanche une tradition bien établie outre-Rhin. L’exemple berlinois, assez largement documenté par des enregistrements audio et vidéo, est bien connu, mais Accentus Music permet de découvrir ce qu’il en est à Leipzig: comme souvent en ces moments où un rien de solennité s’associe à la fête, la Neuvième Symphonie (1824) de Beethoven est à l’affiche. La tradition lipsienne remonterait à 1918, à l’initiative de Nikisch, qui l’avait jouée en 1872 pour la pose de la première pierre du Festspielhaus de Bayreuth sous la direction de Wagner, lequel l’avait entendue dès 1826... à Leipzig. Si l’on se souvient en outre que Mendelssohn, Gewandhauskapellmeister de 1835 à 1847, la programma souvent, la charge historique d’un tel concert ne laisse pas d’impressionner. En ce 31 décembre 2015, après Chailly (2013 et 2014), et avant Nelsons (2016), Herbert Blomstedt, 88 ans, retrouve l’Orchestre du Gewandhaus, dont il fut le Kapellmeister de 1998 à 2005. Sous les caméras réglées au cordeau par Ute Feudel, le chef dirige à mains nues, presque davantage par les expressions du visage que par le geste, très économe, mais il n’en imprime pas moins sa volonté, y compris à l’égard du public, qui observe de longues secondes de silence avant l’ovation debout conclusive. Blomstedt défend une conception objective, juste et équilibrée, tant du point de vue de l’effectif instrumental, de taille usuelle, que de l’esthétique, ne regardant ni vers le passé des précédentes symphonies ni vers le futur brucknérien: l’ego de l’interprète s’efface au profit d’un Beethoven sans excès ni pathos, d’une belle clarté de réalisation. La sobriété ne caractérise en revanche pas les solistes: cela étant, Christian Gerhaher, qui ornemente avec beaucoup d’extraversion sa première intervention, l’emporte sans conteste sur un Christian Elsner bien en peine face à une partie aux périls légendaires. De dimensions considérables (Chœurs de la MDR et du Gewandhaus, y compris chœur d’enfants), les forces chorales – qui chantent par cœur – sont en revanche excellentes. Mais que voilà une publication au minutage bien chiche, dépourvue du moindre bonus (DVD ACC20381 ou Blu-ray ACC10381)! SC
Résumés symphoniques de Janácek
Hormis la Sinfonietta et Taras Bulba, Janácek a assez peu écrit pour l’orchestre. Comme il a laissé en revanche de nombreux opéras, il est tentant de vouloir les utiliser pour en tirer des suites orchestrales susceptibles d’êtres données au concert afin d’aider à une diffusion plus large de sa musique. C’est clairement l’objectif affiché de ce programme enregistré par Supraphon, qui regroupe des suites orchestrales de Jenůfa, Kát’a Kabanová et Destin, trois pièces respectivement arrangées par Tomás Ille (sur une idée de Manfred Honeck), Jaroslav Smolka et Frantisek Jílek. D’une durée presque équivalente, d’environ une vingtaine de minutes chacune, ces trois pièces sont ici interprétées par l’Orchestre symphonique de la Radio de Prague dirigé par Tomás Netopíl, son directeur, un jeune chef tchèque que l’on voit souvent à la tête de l’Orchestre de Paris depuis plusieurs années. Ce disque honnêtement réalisé par une phalange de qualité, mais qui ne possède toutefois pas le caractère du Philharmonique tchèque, et un chef qui connait son Janácek s’écoute avec plaisir. Des trois suites ici enregistrées, la plus proche de l’opéra dont elle est inspirée est probablement celle de Kát’a Kabanová. Mais il n’est pas certain que cet enregistrement aide à la gloire de Janácek car son chant et la musique de la langue tchèque, si spécifiques, nous manquent tout le long de l’écoute. Un disque intéressant mais plus convaincant par l’idée que par son contenu, même si la réalisation est de qualité, et qui donnera plutôt envie de retourner à l’original, à savoir les opéras de Janácek, ce qui est un peu paradoxal (SU 4194-2). GL
La sage élégance de Kozeluch
Pianiste virtuose rival de Mozart en son temps, Leopold Kozeluch (1747-1818) reste surtout connu de nos jours pour sa charge de maître de chapelle de la Cour impériale d’Autriche acquise en 1792, succédant à Salieri. Compositeur prolifique, il s’illustra bien entendu dans les pièces concertantes pour clavier, au nombre de vingt-deux, mais également dans de nombreux autres domaines. On se souvient ainsi de la très belle série des symphonies de contemporains de Mozart réalisée pour Chandos dans les années 2000 par Matthias Bamert, à la tête des London Mozart Players: comme Salieri ou son successeur Krommer, Kozeluch eut l’honneur de s’y voir dédier un volume entier. Aujourd’hui, l’orchestre londonien (qui joue toujours sur instruments modernes) revient à ce compositeur bohémien avec trois concertos pour piano composés au milieu des années 1780 dans un même esprit quelque peu passéiste. Kozeluch se tourne en effet vers la décennie précédente par le soutien discret de l’orchestre et les faibles dialogues entre vents, le tout dans une orchestration modeste. On retiendra le très beau mouvement lent du Premier Concerto, serein et calme, tandis que seul le Sixième montre davantage de caractère, tout en restant dans une volonté de ne point trop surprendre et rester dans une musicalité confortable. La limpidité et la fraîcheur qui se dégagent de ces œuvres un peu sages bénéficient du toucher cristallin de Howard Shelley au piano. Egalement à la baguette, le Britannique fait valoir son sens de l’élégance chambriste en un ton mesuré et détaillé, autour d’une belle respiration (Hyperion CDA 68154). FC
Regards chinois sur Turandot
Turandot demeure l’un des opéras les plus prisés des éditeurs: après trois versions l’an passé, en voici encore deux, qui présentent un point commun intéressant, puisqu’elles permettent de voir comment des metteurs en scène chinois exercent leur réflexion sur une représentation de leur pays datée et non exempte de clichés.
A Valence en 2008, pour sa première mise en scène d’opéra, le réalisateur Chen Kaige déploie peu d’idées originales (hormis un Altoum cacochyme et aviné), à partir de l’increvable concept de «théâtre dans le théâtre», mais si toute la somptuosité du décorum impérial parvient y trouver sa place, c’est sans kitsch ni tape-à-l’œil, et même avec finesse et élégance, dans une réalisation dynamique de Tiziano Mancini. Les deux principaux protagonistes apparaissent déjà dans d’autres publications captées quelques années plus tard: plus puissante que subtile, Maria Guleghina se révèle meilleure en Turandot qu’à Vérone en 2010, de même que Marco Berti en Calaf par rapport à sa prestation à Londres en 2013. Globalement, le chant est plus solide que séduisant, avec une Liù (Alexandra Voulgaridou) très digne et même un Timur (Alexander Tsymbalyuk) pour une fois pas sacrifié. Quant à Zubin Mehta, il ne renouvelle pas la dynamique sauvage et rutilante de son enregistrement (audio) mythique de 1972 pour Decca (avec Sutherland, Pavarotti, Caballé et Ghiaurov!). L’incontournable et interminable (35 minutes) making of (non sous-titré) où chacun congratule l’autre vient en bonus (C Major DVD 75008 ou Blu-ray 750104).
A Pékin en 2013, Chen Xinyi s’essaie aussi pour la première fois à l’opéra, après s’être consacrée jusque-là au théâtre. La conception est à la fois sobre et monumentale, avec un plateau dénudé jouant toutefois de plusieurs niveaux. Une large place est faite à la couleur locale (lanternes, dragons...) mais filmés de près, les accessoires et costumes avouent tristement leur caractère factice. La chorégraphie constitue également un élément important de cette production, l’âme et l’esprit maléfique de Turandot étant représentés par des danseurs respectivement vêtus de blanc et de noir. Entièrement chinoise, la distribution est dominée par le Calaf clair, droit et sûr de Dai Yuqiang. Pour les autres, tout aussi médiocres acteurs et trop souvent les yeux rivés sur le chef, le style se fait trop mélodramatique: sous ces réserves, la Liù puissante et pleine de tempérament de Yao Hong convainc davantage que la Turandot de Sun Xiuwei, approximative et au vibrato excessif, tandis qu’en Timur, Tian Haojiang parle plus souvent qu’il ne chante. Plutôt que la version usuelle due à Alfano (ou même que la solution plus originale proposée par Berio), la fin du troisième acte est ici celle réalisée par le compositeur chinois Hao Weiya (né en 1971): reprenant habilement les thèmes des deux premiers actes, il ne démérite pas malgré des tentations hollywoodiennes. Pour Daniel Oren, c’est une «musique en couleurs, pas en noir et blanc»: il galvanise les valeureux Chœur et Orchestre du Centre national des arts du spectacle, portant le spectacle avec une formidable énergie tout en sachant également faire preuve de subtilité. Comme à Valence, Tiziano Mancini est derrière les caméras, qu’il anime avec la même vivacité. Le DVD est, lui aussi, complété par un making of de 13 minutes réalisé par Davide Mancini, qui permet notamment de découvrir le pharaonique bâtiment du Centre national (dit «L’Œuf»), inauguré en 2007 (DVD Accentus Music ACC20338). SC
John Wilson poursuit son intégrale Copland
C’est à un superbe programme d’œuvres symphoniques d’Aaron Copland que nous convie John Wilson à la tête du toujours impeccable Orchestre philharmonique de la BBC. On quitte enfin les rivages bien connus des ballets qui maintiennent encore le compositeur new-yorkais à l’affiche des concerts ou de la production discographique, comme c’était le cas l’an passé avec deux disques très recommandables: déjà le chef britannique pour le premier volume de son intégrale ou encore Andrew Litton. Wilson s’intéresse cette fois à l’un des chefs-d’œuvre de jeunesse de Copland, composé à l’issue de ses études avec Nadia Boulanger, la Symphonie pour orgue (1924) – une œuvre donnée l’an passé pour l’inauguration de l’orgue de la Philharmonie de Paris. On pourra reprocher à Wilson un geste un rien aseptisé et une modernité lissée, là où un Bernstein (Sony, 1967) joue davantage l’élan narratif. Pour autant, la coloration fine et légère pourra séduire, d’autant que la prise de son avantage cette version. On retrouve les mêmes partis pris dans les Variations orchestrales (1957), qui laissent encore entendre l’influence de Stravinski, et dans une moindre mesure de Bartók, le tout avec une emphase cuivrée finale caractéristique de Copland. On s’intéressera aussi à l’élégance piquante de la Short Symphony (Symphonie n° 2), d’une belle énergie chambriste. Wilson saisit bien son esprit vif et aérien, en une direction qui avance sans trop se poser de questions, tout comme dans l’ultime œuvre gravée sur ce beau disque, l’Ode symphonique (1929, révisé en 1955), à l’ivresse rythmique entraînante (SACD Chandos CHSA 5171). FC
Faut-il réhabiliter Spohr?
Malgré plusieurs disques remarqués récemment (voir les concertos pour clarinette gravés par Paul Meyer et l’oratorio L’Apocalypse révélé par Frieder Bernius), il apparaît toujours difficile de défendre la musique de Louis Spohr (1784-1859), souvent associé au style Biedermeier, dit bourgeois et conservateur. Est-ce un «Mozart allongé d’eau», comme le décrivait férocement Schumann, un faiseur sage et ennuyeux ou encore un poète délicat, coloré et évocateur? On penchera pour ces derniers qualificatifs à l’écoute de sa pastorale Quatrième Symphonie «La Consécration des sons» (1832), opportunément rééditée par Naxos face à la concurrence menée par Howard Griffiths chez CPO). Il s’agit en effet de l’avant-dernier volume de l’intégrale réalisée pour Marco Polo par Alfred Walter (1929-2004) au tournant des années 1980 et 1990. On pourra railler le geste serein et imperturbable du chef autrichien: toujours est-il que cela fonctionne parfaitement ici, pour une symphonie charmante et délicieuse qui évoque souvent Schubert et Mendelssohn – le caractère en moins. En complément, on ne négligera pas les belles ouvertures des opéras Faust (1813) et Jessonda (1821), deux ouvrages jadis défendus par Weber et ici porté par le geste léger et aérien de Walter, qui contribue à faire de ce disque un des plus intéressants de la série (8.555398). FC
La rédaction de ConcertoNet
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