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CD, DVD et livres: l’actualité de février
02/15/2016



Les chroniques du mois



Must de ConcertoNet


    Marcus Creed dirige Messiaen


    Carlos Kleiber en répétition et en concert


    Marcus Creed et le SWR Vokalensemble




 Sélectionnés par la rédaction


   Leif Segerstam dirige Sibelius


   Musique chorale sacrée de Liszt


   Le pianiste Grigory Sokolov


   Grigory Sokolov à Salzbourg (2008)


   Anthologie Grigory Sokolov


   Louis Lortie interprète Poulenc


   Reinbert de Leeuw dirige Janácek


   Christoph von Dohnányi dirige Bruckner


   Le Quatuor Tana interprète Lenot




 Oui !

Cinq opéras de Britten
L’Ensemble ARC interprète Fitelberg
Marcus Bosch dirige Dvorák
Simone Young dirige Bruckner
Martha Argerich et Claudio Abbado
Sarah et Deborah Nemtanu interprètent Bartók
David Atherton dirige Birtwitsle
La mezzo Vivica Genaux
Neeme Järvi dirige Fucik
Gérard Korsten dirige Eggert
Frans Brüggen dirige Mozart
Mark Elder dirige La Colombe de Gounod
Il trionfo d’amore d’Almeida
Mariss Jansons dirige le concert du Nouvel An
Federico Guglielmo interprète Vivaldi



Pourquoi pas ?

Maude Gratton interprète W. F. Bach
Daniel Harding dirige Mahler
Bruno Philippe interprète Brahms
Le Trio Mendelssohn interprète Haydn
La violoncelliste Zara Nelsova
Giulietta e Romeo de Vaccai
Sergey et Lusine Khachatryan
Alvaro Cassuto dirige Viana da Mota



Pas la peine

Dimitri Mitropoulos dirige Mahler
Le violoniste Daniel Hope
Michael Hofstetter dirige Haendel
Concertos de Weigl



Hélas !

F. Charles Adler dirige Bruckner
Il filosofo di campagna de Galuppi à Belluno (2012)
Œuvres avec trompette de Vivaldi





Les matchs du mois


            

Neuvième de Bruckner: F. Charles Adler, Christoph von Dohnányi ou Simone Young?




      

Sixième de Mahler: Dimitri Mitropoulos ou Daniel Harding?




En bref


Duos de Bartók: l’accord parfait des sœurs Nemtanu
Abbado et Argerich pour l’éternité
Eggert, entre Haydn et Mendelssohn
Nouvel An à Vienne: un bon millésime avec Jansons
Les valses viennoises de Fucik
Brüggen, le mozartien
La charmante Colombe de Gounod
Federico Guglielmo: affinités vivaldiennes confirmées
Portugais à découvrir (1): Almeida
Portugais à découvrir (2): Viana da Mota
Voyage arménien en demi-teinte
Birtwistle œuvre pour la Thomaskirche de Leipzig
Le retour de Zara Nelsova
Vaccai: Roméo et Juliette cinq ans avant Bellini
Daniel Hope rend hommage à Menuhin
Trompettes vivaldiennes bien mal embouchées
Bruno Philippe dans Brahms: impression mitigée
Il filosofo di campagna de Galuppi: naufrage à Belluno
Vivica Genaux: leçon musicale, démonstration technique
Trios avec piano de Haydn: une intégrale de plus?
Michael Hofstetter en fait trop dans Haendel
Karl Weigl: promesses non tenues




Duos de Bartók: l’accord parfait des sœurs Nemtanu





Pour leur deuxième enregistrement ensemble, Sarah et Deborah Nemtanu, d’origine franco-roumaine, se tournent en toute logique vers les 44 Duos pour deux violons (1931) de Bartók qui les accompagnent depuis leur plus jeune âge. Sarah Nemtanu (née en 1981), premier violon solo de l’Orchestre national de France, et Deborah Nemtanu, sa sœur (née en 1983), premier violon super soliste de l’Orchestre de chambre de Paris ont tenu à asseoir chacune un parcours solo avant de se produire publiquement ensemble, mais, tout d’abord élèves de Vladimir Nemtanu, leur père, premier violon solo de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine, jouer ensemble a toujours fait partie de leur quotidien, accentuant la complicité naturelle et l’entente intuitive qui existent entre elles. Composés «afin que les élèves, dès leurs premières années d’étude, puissent jouer des œuvres dans lesquelles se trouvent la simplicité naturelle de la musique du peuple [de l’Europe centrale et de l’Est] et aussi ses particularités mélodiques et rythmiques» (Bartók), les quatre volumes de Duos gradués prennent un relief savoureux interprétés comme une œuvre à part entière aux textures de plus en plus enrichies. Techniquement précises et très attentives au climat, au caractère marqué et à la sève rythmique de chaque pièce, les deux sœurs en donnent une interprétation d’une intelligence expressive, leur expérience, leur musicalité et les riches sonorités de leur violon révélatrices des hautes possibilités et des beautés cachées de ces miniatures au langage harmonique si subtil. Coulent de source, par exemple, la belle simplicité mélodique de «Nocturne d’été» (n° 4), comme les sinuosités modales de la «Danse arabe» (n° 42), la détresse intériorisée de «Chagrin» (n° 28), comme l’allégresse acide de la «Danse tourbillon» (n° 38), la vitalité de «Burlesque» (n° 16), comme la fine abstraction relative du doux «Prélude et canon» en accélération (n° 37), avec l’ampleur d’une danse de Transylvanie en splendide finale. Recommandé (Decca 4788 9595). CL




Abbado et Argerich pour l’éternité





On pourrait presque commencer le commentaire de cette anthologie de cinq disques par des propos dignes d’un conte de Charles Perrault: «Il était une fois une pianiste et un jeune chef d’orchestre, ils étaient beaux, talentueux au possible...». On n’en fera rien puisque la réalité a presque dépassé la fiction lorsqu’on écoute ce coffret consacré aux enregistrements réalisés en commun par Martha Argerich et Claudio Abbado pour Deutsche Grammophon. On passera rapidement sur l’ultime enregistrement consacré à deux concertos pour piano de Mozart, que nous avions déjà salués tant pour l’intérêt musical qu’historique. Pour le reste, reprenons le fil chronologique avec cette session d’enregistrement de mai et juin 1967 où Abbado dirigeait un Philharmonique de Berlin incandescent, bien obligé de se mettre à la hauteur de Martha Argerich dont le piano virevolte dans des concertos de Prokofiev (le Troisième) et de Ravel (celui en sol majeur) d’anthologie, gravures qui n’ont cessé d’être portées au pinacle depuis… La frénésie de Prokofiev notamment ne cesse d’impressionner dans un troisième mouvement où tous se trouvent sur le fil mais, évidemment, ça passe! Puis, en 1968 et 1984 avec le Symphonique de Londres, c’est au tour de Liszt, Chopin et de nouveau Ravel (toujours le Concerto en sol) avant ce Premier Concerto de Tchaïkovski enregistré de nouveau avec Berlin, en public, lors du concert de la Saint-Sylvestre 1994: même si l’opulence de l’orchestre est un peu trop patente dans le premier mouvement, l’Allegro con fuoco conclusif est étourdissant. On rêve d’avoir été présent dans la salle ce soir-là... Enfin, les Deuxième et Troisième Concertos de Beethoven, enregistrés en concert à Ferrare avec l’Orchestre de chambre Mahler: tous deux salués avec enthousiasme par le public, c’est surtout le Troisième que l’on retiendra, grâce notamment à un mouvement lent de toute beauté. Bref, on l’aura compris: un coffret indispensable, qui brasse tant de souvenirs et consacre une des plus belles collaborations entre chef et soliste que la musique classique ait jamais connues (479 4155). SGa




Eggert, entre Haydn et Mendelssohn





Disparu à seulement 34 ans, Joachim Nikolas Eggert (1779-1813) n’en est encore qu’à une timide reconnaissance, comme en témoigne la présence de deux premières mondiales sur ce disque, la musique de scène pour le drame Svante Sture de Per Adolf Granberg et la Première Symphonie. Un beau tempérament parcourt les œuvres réunies ici, proches de Mendelssohn par le tissu orchestral ou de Haydn par l’énergie rythmique. C’est particulièrement notable dans la Première Symphonie (1805), dont l’introduction lente et le rôle très présent des percussions enrichies rappellent la Militaire de Haydn. Pour autant, le compositeur suédois sait aussi réserver de beaux passages lyriques aux vents, tout en imposant un ton général davantage vigoureux que mélodique. Si les deux compléments apparaissent notablement intéressants, on se tournera surtout vers la splendide Troisième Symphonie, composée en 1807 alors que l’ancien élève de Friedrich Kuhlau accède au poste prestigieux de maître de chapelle de la cour de Suède. On retrouve là aussi une introduction lente et un bel élan irrésistible de fraîcheur, où les idées s’enchaînent harmonieusement. Outre l’utilisation de trombones, encore peu usités à cette époque, on notera une intéressante fugue dans le dernier mouvement – des originalités qui, en dehors du caractère déjà évoqué, justifient pleinement la découverte de ce compositeur, parfaitement mis en valeur par la direction équilibrée de Gérard Korsten (né en 1960) à la tête de l’Orchestre symphonique de Gävle. Reste à mentionner qu’un deuxième disque, comportant les deux autres symphonies d’Eggert (la Cinquième est restée inachevée), est sorti récemment avec les mêmes interprètes, toujours chez Naxos (8 572457). FC




Nouvel An à Vienne: un bon millésime avec Jansons





Dans tous les formats vidéo ou audio (y compris en 33 tours), le traditionnel concert du Nouvel An est sorti, comme d’habitude, seulement quelques jours après. 2016 marque le soixante-quinzième anniversaire de la première fois où ce concert s’est tenu un 1er janvier (1941) – un premier avatar, également sous la direction de Clemens Krauss, avait été donné le 31 décembre 1939 – mais aussi le soixante-dixième anniversaire de la première assemblée générale des Nations unies: c’est donc la Marche des Nations unies (1962) de Robert Stolz (1880-1975) qui ouvre le programme. Cette première pièce donne le ton des choix volontiers originaux de Mariss Jansons, qui, après 2006 et 2012, dirigeait ainsi pour la troisième fois le Neujahrskonzert: pas moins de huit des vingt-et-une œuvres n’avaient encore jamais été données à cette occasion et, au-delà de la famille Strauss, bien sûr (Johann père et fils, Josef et Eduard), les «cousins» viennois (outre Stolz, Josef Hellmesberger père et Carl Michael Ziehrer) et même Emile Waldteufel ont eu cette année les honneurs de l’affiche. Les Petits Chanteurs de Vienne sont de la partie dans deux polkas de Johann et Josef Strauss. Quant à Jansons, sa subtilité et son souci de transparence coutumiers siéent admirablement à ce répertoire, même s’il a parfois tendance à s’alanguir un peu trop. Nul doute que le 1er janvier 2017, avec Gustavo Dudamel, sera assez différent (Sony album de deux disques 88875173772, album de trois 33 tours 88875174751, DVD 88875174789 ou Blu-ray 88875174799). SC




Les valses viennoises de Fucik





Voilà encore un illustre inconnu que le vétéran estonien Neeme Järvi (né en 1937) accroche à son tableau de chasse discographique, avec l’Orchestre royal national d’Ecosse: Julius Fucík (1872-1916) reste connu dans son pays comme l’un des derniers grands défenseurs de la valse viennoise, portée à un niveau d’inspiration mélodique et de raffinement orchestral dont ce disque témoigne. Le natif de Prague fit ses études sous la férule de Dvorák notamment, rejoignant ensuite la carrière militaire où il put composer de nombreuses œuvres pour fanfare. Les pièces réunies ici, toutes composées entre 1899 et 1912, font l’étalage d’une musique joyeuse, immédiate et facile d’accès, dont s’empare Järvi en un style volontiers direct et viril. On retiendra surtout les valses de concert Tempêtes hivernales où plane l’ombre de Dvorák, ou encore Légendes du Danube et son thème entêtant à la rythmique irrésistible. Si la marche Les Joyeux Forgerons du village (1908) rappelle les Danses hongroises de Brahms, L’Entrée des gladiateurs, l’une des pièces les plus célèbres de Fucík, se rapproche davantage de l’esprit festif des musiques de cirque. Réunissant des œuvres d’intérêt inégal, ce disque n’en constitue pas moins un enregistrement idéal pour découvrir ce petit maître tchèque méconnu, proche de Sousa (Chandos CHSA 5158). FC




Brüggen, le mozartien





Voilà maintenant presque deux ans que Frans Brüggen (1934-2014) nous a quittés (voir ici), laissant derrière lui une vaste discographie. Glossa a eu l’excellente idée de rassembler en un très beau coffret (excellente et touchante notice de Bas van Putten, agrémentée par ailleurs de superbes photographies en noir et blanc) plusieurs enregistrements d’œuvres de Mozart réalisés pour la plupart en concert entre les mois de juin 1986 (l’Ouverture de La Clémence de Titus) et mars 2010 (les symphonies) sous la direction du grand chef néerlandais. En vérité, quelques pièces relèvent ici de la musique de chambre et ne font appel qu’aux musiciens de l’Orchestre du XVIIIe siècle sans que Brüggen ne soit sollicité pour les diriger: tel est par exemple le cas de certains duos pour cors (assez peu intéressants) ou de l’Adagio pour deux clarinettes et trois cors de basset, celui-ci conduit sous la houlette du talentueux Eric Hoeprich. Sur ces huit disques, tout n’est pas du même niveau. Ainsi, on y a déjà fait allusion, le disque consacré aux œuvres pour cor est assez peu attrayant, de même que celui consacré à plusieurs airs de concert (en dépit de la très belle voix de Cyndia Sieden) et, plus étonnant peut-être, celui comportant le Requiem. Même si certains passages sont excellents (notamment le Dies Irae, le Confutatis et le Lacrimosa), les options de Brüggen en matière de tempi notamment n’emportent pas vraiment la conviction et surtout, la soprano a un timbre assez désagréable qui achève de discréditer un quatuor de solistes tout juste acceptable. Pour le reste, en revanche, on ne peut qu’être séduit. On ne reviendra pas sur les trois dernières symphonies que nous avions déjà saluées avec enthousiasme et qui, à la réécoute, conservent tous leurs attraits et leurs couleurs. L’interprétation des cinq Concertos pour violon (et de la Symphonie concertante pour violon et alto) par Thomas Zehetmair (et Ruth Kilius) est idéale grâce à la finesse du jeu du soliste (quelles nuances là encore!) ainsi qu’à un accompagnement orchestral aux petits soins: une référence sur instruments d’époque que l’on a peut-être eu tendance à oublier et qui mérite d’être fortement réévaluée. Référence également concernant le Concerto pour clarinette que Brüggen et Hoeprich avaient déjà enregistré avec succès chez Philips en novembre 1985 (le disque étant alors couplé avec le Quintette pour clarinette enregistré, lui, en mai 1987); ils récidivent ici avec tout autant de réussite, le velouté de la clarinette de Hoeprich étant remarquable de la première à la dernière note. Les compléments de ce disque sont également à marquer d’une pierre blanche avec notamment un extrait célèbre de La Clémence de Titus chanté par Joyce DiDonato («Parto, ma tu ben mio»): la voix de la mezzo et les volutes de la clarinette de Hoeprich sont irrésistibles. Globalement donc, un très bon coffret qui rend un juste hommage aux évidentes affinités que Brüggen entretenait avec la musique de Mozart (huit disques GCD 921121). SGa




La charmante Colombe de Gounod





L’excellent éditeur Opera Rara publie La Colombe (1860), troisième opéra-comique de Gounod: voilà de la musique vraiment bien faite, même si aucun thème ne demeure gravé dans la mémoire. D’après Le Faucon de Jean de la Fontaine, le livret assez amusant de Jules Barbier et Michel Carré ne vole pas bien haut. C’est qu’il faut un metteur en scène imaginatif pour faire vivre cette petite histoire d’amour autour d’une colombe que son propriétaire, Horace, a nommée Sylvie, comme la comtesse qu’il courtise en vain, et qui, retournement de situation, ne se retrouve en fin de compte pas dans l’assiette apportée par Mazet, le valet de chambre. En réalité, c’est le perroquet d’une rivale de la comtesse qui vient de passer à la casserole. Maître Jean, majordome de cette dernière, aura tenté en vain d’acheter le précieux volatile. Comme tout se termine bien dans cette heure et vingt minutes de musique et de dialogues, Sylvie finit par succomber au charme d’Horace. La distribution révèle le potentiel de cet ouvrage ravissant mais pas tout à fait significatif du savoir-faire du compositeur. Malgré leur accent, charmant au demeurant, Erin Morley (Sylvie) et Javier Camarena (Horace), deux bons chanteurs, se montrent plutôt à l’aise dans ce répertoire, Laurent Naouri (Maître Jean) évolue avec toujours autant de naturel et de faconde dans ce genre d’exercice tandis que Michèle Losier campe un Mazet au caractère affirmé. Le quatuor anime les dialogues avec entrain mais le résultat sent trop l’atmosphère du studio. A la tête d’un Orchestre Hallé net et en verve, Sir Mark Elder apporte, quant à lui, ce qu’il faut de vitalité, de tranchant et d’élégance à cette musique. Il s’agit, pour le moment, de la seule façon de découvrir cet ouvrage rare dans d’excellentes conditions, à moins de préférer l’enregistrement de 1947 paru chez Malibran, et ne contenant que des extraits, ou le DVD du spectacle monté à Compiègne dans les années 1990 (ORC 53). SF




Federico Guglielmo: affinités vivaldiennes confirmées





Après avoir récemment gravé pour Brilliant Classics une excellente version de La Stravaganza, Federico Guglielmo (né en 1968) et l’ensemble L’Arte dell’Arco reviennent à Vivaldi chez le même éditeur avec, cette fois-ci, le plus confidentiel Opus 7, qui rassemble douze concertos (dix pour violon et deux pour hautbois). Toujours enregistrés en l’abbaye di Carceri d’Este de Padoue au cours des mois de mai et juillet 2014, ces concertos témoignent des mêmes qualités que celles que nous avions pu précédemment souligner. Un excellent soliste et des musiciens talentueux livrent ainsi des concertos pour violon où le rythme bondit (magnifiques allegros initiaux du Concerto n° 11 et du Concerto n° 9), où le jeu sur les nuances s’avère à la fois recherché et naturel (les allegros conclusifs du Concerto n° 11 et du Concerto n° 10 «Il ritiro»), où la dynamique sait ménager de très beaux effets d’accélération soudaine, sachant de ce fait créer quelques surprises pour l’auditeur (le second allegro du Concerto n° 2). Au-delà des acrobaties mélodiques du Prêtre roux, Guglielmo sait également prendre son temps dans les mouvements lents, sachant là aussi jouer avec adresse sur la diversité des timbres du violon et de la basse continue (violoncelle et théorbe, ce dernier tenu par le toujours excellent Ivano Zanenghi), comme en témoigne par exemple le Largo du Concerto n° 2. On sera en revanche un peu plus sceptique sur les deux concertos pour hautbois, pourtant joués avec dextérité par Pier Luigi Fabretti: Vivaldi a composé de très nombreux concertos pour hautbois: force est de constater que les deux présentés ici ne sont pas les plus intéressants, jouant au contraire sur une certaine banalité qui conclut ce double disque de façon un peu décevante. Mais pour qui aime ses concertos pour violon, c’est en revanche une excellente acquisition à envisager (album de deux disques 95044). SGa




Portugais à découvrir (1): Almeida





Après José Viana da Mota, le Portugal est décidément à l’honneur chez Naxos avec ce tout nouveau disque consacré à son prédécesseur Francisco António de Almeida (1702-1755). On doit à Marcos Magalhães (né en 1973) l’intérêt pour ce compositeur à la musique immédiatement accessible, sans parler de la variété de son imagination mélodique. C’est en réalité le deuxième disque que lui consacre le chef portugais après l’enregistrement de l’opéra comique La Spinalba (1739) en 2012, toujours chez Naxos. Place cette fois à Il trionfo d’amore, une serenata (sorte d’intermédiaire entre l’opéra et la cantate) composée en 1729 à Lisbonne, tout juste au retour des études romaines, pour célébrer la fête du roi. Si Almeida se fond dans le moule classique de l’alternance entre récitatifs (heureusement courts) et arias da capo, le chef anime constamment la musique de sa direction vive et contrastée, véritable régal de bout en bout. Ce geste passionnant qui anime le correct ensemble Les Musiciens du Tage compense une prise de son qui manque de graves – tout comme un plateau vocal assez inégal. On retiendra surtout l’excellente Nerina d’Ana Quintana, magnifique de timbre et d’articulation, bien épaulée aussi par l’aisance du contre-ténor Carlos Mena. Un disque globalement réussi, à découvrir principalement pour sa direction dynamique et imaginative, à même de porter haut la musique de ce compositeur doué (album de deux disques 8.573380-81). FC




Portugais à découvrir (2): Viana da Mota





On doit principalement à José Viana da Motta (1868-1948) l’animation de la vie musicale à Lisbonne dans la première partie du XXe siècle. Surdoué, il fit ses études musicales à Berlin et Francfort, travaillant la composition avec les frères Scharwenka et rien moins que Liszt à Weimar, avant de s’illustrer en de nombreux concerts en tant que pianiste virtuose. C’est pendant cette période, en 1895, qu’il écrivit une symphonie en hommage à son pays («A la Patrie»), inspirée d’un poème épique de Luís de Camões – la première composée par un Portugais depuis João Domingos Bomtempo (1775-1842) et ses deux Symphonies. De quoi qualifier un peu rapidement Viana da Mota (ou «Vianna da Motta») de «compositeur national» alors qu’en réalité seul le troisième mouvement fait appel à un matériau de mélodies traditionnelles. C’est davantage Liszt qui inspire le Portugais, rappelant également l’élan de Franz Schmidt et sa Première Symphonie contemporaine, d’une ampleur comparable (près de quarante-cinq minutes). On retrouve l’influence du maître de Weimar dans le beau poème symphonique Inès de Castro (1886), aussi aérien que varié. Vianna da Mota se montre cependant plus à l’aise dans les courtes pièces dansantes en complément de programme, à la gaieté entraînante, là où le relief et la construction dramatique pouvaient apparaître plus déstructurés dans les œuvres ambitieuses. Dommage que la direction un peu trop lisse et sage d’Alvaro Cassuto (né en 1938) ne vienne quelque peu gâcher la fête, alors que l’Orchestre philharmonique de Liverpool offre un confort sonore des plus séduisants. A noter enfin que ce disque constitue l’intégrale des œuvres symphoniques de Viana da Mota (Naxos 8.573495). FC




Voyage arménien en demi-teinte





Sorti en 2015 à l’occasion du centenaire du génocide arménien, le tout dernier disque de Sergey et Lusine Khachatryan rend hommage à la mère patrie, cette Arménie célébrée en son temps par l’un des plus emblématiques compositeurs soviétiques, Aram Khatchatourian. Sous le titre «My Armenia», on retrouve précisément des extraits de son célèbre ballet Gayaneh transcrits pour piano et violon, deux courtes pièces où excelle Sergey au violon, tandis que sa sœur se fait plus discrète au piano. C’est là l’une des constantes de ce disque plaisant mais bancal, où l’on oublie souvent l’une pour privilégier l’écoute du jeune prodige bien connu, tout en regrettant que près de la moitié des œuvres choisies soient pour... piano solo. Reste le plaisir de la découverte d’un répertoire méconnu, dominé par Komitas Vardapet (1869-1935), compositeur «national» qui fit beaucoup pour la collecte des mélodies traditionnelles de son pays et dont le nom orne aujourd’hui le Conservatoire national d’Erevan. Les deux premières pièces, Krunk et Tsirani Tsar, font place à la nostalgie en des mélodies simples, où les deux instruments dialoguent peu. Si le piano se montre assez décoratif, c’est au violon que revient l’émotion toute en sensibilité et délicatesse. Avec Eduard Bagdasaryan (1922-1987), le lyrisme se fait plus présent encore, en des œuvres peu novatrices pour leur temps mais efficaces. A la vigoureuse Rhapsodie répond un Nocturne empreint de noblesse dans le thème initial au violon, au ton globalement plus intime et introspectif. Edvard Mirzoyan (1921-2012) apparaît plus audacieux dans son Introduction et Perpetuum mobile, au piano hypnotique dans les premières mesures, tandis que le violon se voit une fois encore confier la partie plus lyrique. On pourra faire l’impasse en revanche sur les Six Pièces pour piano solo d’Arno Babadjanian (1921-1983), de belle facture, mais qui empruntent trop à Prokofiev. On regrettera enfin une notice multipliant les erreurs de traduction musicologique («concert pour violons et orchestre», «quartet»...), sans parler des fautes typographiques: inacceptable pour un éditeur du calibre de Naïve (V5414). FC




Birtwistle œuvre pour la Thomaskirche de Leipzig





La lutte de Jacob avec l’Ange sur un texte imagé de Stephen Plaice, inspiré du Livre de la Genèse, devint le sujet de la cantate Angel Fighter (2009), sujet qui, par l’oblique, convient parfaitement à Harrison Birtwistle (né en 1934) qui a toujours porté un intérêt certain à la violence troublante des temps primitifs et à l’esprit du rituel originel qui irriguent sa créativité et nourrissent son esprit indépendant. Commande pour le festival Bach de Leipzig de 2010, puissante, granitique et fortement colorée dans des tons sombrement vibrants, l’œuvre se relie à Bach par touches structurelles, tel le fréquent recours à un contrepoint complexe ou encore l’air de l’Ange, «No river needs a name», sur un continuo de hautbois et de harpe au plus calme de cette cantate magistrale. Ecrivant pour contre-ténor, ténor, chœur mixte et un orchestre léger en cordes, Birtwistle maintient un équilibre admirable entre ces quatre protagonistes directement ou indirectement en lutte. David Atherton (né en 1944) dirige ici avec efficacité la première britannique à la tête des BBC Singers et d’un London Sinfonietta actif, la voix puissante d’Andrew Watts, contre-ténor, campant un Ange sans merci devant la détermination du Jacob de Jeffrey Lloyd-Roberts, moqué ou éperonné par un chœur à l’antique, cruel commentateur. Purement orchestral, avec un même effectif mettant en valeur les cuivres, Broken Images (2011-2012) procède d’une même structure quadripartite, les cordes à gauche du chef, les bois à droite, les cuivres (sans cors) en face et une percussion fournie au fond. Birtwistle, toujours attiré par les formes médiévales, s’inspire de l’esprit des canzone multistrates de Giovanni Gabrieli mais sa musique déferle avec une force noire, une rudesse recherchée et une acuité saisissante, les trompettes heurtées, les trombones péremptoires, les bois criards, la percussion déchaînée et les cordes discrètes. Le bref morceau de fin, Virelai (sus une fontayne) (2008), une composition de style ars subtilior de Johannes Ciconia retravaillée pour un ensemble équilibré de douze instrumentistes, garde un caractère marqué, fortement médiéval, sans se départir d’un esprit étrangement contemporain. Birtwistle, vigoureux, ne cessera d’étonner (NMC Records NMC D 211). CL




Le retour de Zara Nelsova





Bien avant Jacqueline du Pré (1945-1987), le violoncelle compta parmi ses interprètes des femmes capables de soutenir la comparaison avec les plus grands. Ainsi de la Canadienne Zara Nelsova (1918-2002), dont les parents d’origine russe rapidement émigrés à Londres permirent à leur fille de s’offrir des leçons avec John Barbirolli, faisant ses premières armes en musique de chambre avec ses sœurs, avant de se perfectionner auprès de Pablo Casals. Violoncelle solo de l’Orchestre symphonique de Toronto après la guerre, Nelsova eut l’honneur d’enregistrer plusieurs disques pour Decca entre 1950 et 1956, tous regroupés avec quelques inédits en un coffret de la collection «Original Masters», voilà dix ans tout juste. C’est précisément à la période suivante que s’intéressent les quatre disques d’Audite, tous enregistrés en studio par la RIAS de Berlin, avec l’orchestre encore dirigé à cette époque par Ferenc Fricsay. Si on pourra regretter que le chef hongrois n’officie pas ici, la baguette est néanmoins confiée à deux chefs dignes d’intérêt, Georg Ludwig Jochum (frère cadet d’Eugen) et Gerd Albrecht. Parmi les doublons entre les deux coffrets, on préfèrera la version du Concerto de Dvorák par Krips, où Nelsova se montre plus assurée sur son instrument. Mais plus encore que ce disque à la battue un rien trop prévisible, on choisira l’exceptionnel disque mené par le trop rare Walter Susskind à Saint-Louis (Vox 1974 et 1992, réédition Brilliant Classics 2002): imaginatif et félin, le chef tchèque naturalisé britannique fait chanter chaque pupitre, tandis que Nelsova montre tout l’étendue de son tempérament engagé et pétillant. De quoi espérer quelques pépites dans ce nouveau coffret, qui souffre malheureusement de prises de son mono moins éclatantes que celles de Decca, tandis que Nelsova apparaît peu à l’aise, avec un son plus étriqué et quelques inhabituelles faussetés dans les attaques. On se réjouira cependant de l’enrichissement de la maigre discographie de l’interprète canadienne, autour des rares concertos de Milhaud et Kabalevski, d’une belle verve rythmique, mais également des deux Sonates de Brahms, très réussies. De quoi donner un aperçu plus complet de l’art de cette artiste encore trop peu connue (coffret de quatre disques 21.433). FC




Vaccai: Roméo et Juliette cinq ans avant Bellini





Resté connu comme un des plus fameux professeurs de chant de son temps, Nicola Vaccai (1790-1848) fut aussi un prolifique compositeur d’œuvres lyriques, s’illustrant dans pas moins de dix-huit opéras tout au long de sa carrière. Son plus grand et dernier succès fut en 1825 l’adaptation de Roméo et Juliette due à Felice Romani, cinq ans avant que le célèbre librettiste ne propose une version remaniée de son travail à Bellini. Mais si Les Capulets et les Montaigus sont restés ancrés au répertoire, le Giulietta e Romeo de Vaccai n’a pas cette chance, dispensant une musique toujours fluide et agréable, mais sans grande originalité. Manifestement influencé par Mozart, Vaccai a au moins l’avantage de préférer un contralto pour le rôle de Roméo, là où Bellini choisit une mezzo. De quoi donner davantage de contrastes entre les deux rôles principaux, qui bénéficient ici de la magnifique incarnation de Maria José Trullu en Roméo. En cette captation dans les conditions du direct d’une production du modeste Teatro communale de Jesi (près d’Ancône) en 1996, le contralto fait l’étalage de ses graves de velours et d’une pureté de ligne admirable, qualités à nouveau audible deux ans plus tard à Paris dans L’Italienne à Alger. On ne peut malheureusement pas en dire autant de sa partenaire, Paula Almerares, moins à l’aise du fait d’un timbre manquant de substance et à la peine dans des aigus forcés, tandis qu’en comparaison, Dano Raffanti (Capellio) offre une prestation très satisfaisante. Si l’Orchestre philharmonique des Marches, sous la direction de Tiziano Severini, se montre à peine correct, on passera sur les interventions du Chœur lyrique des Marches «Vincenzo Bellini», en constante difficulté avec la justesse. Un document intéressant, inégal dans l’interprétation, mais tout de même correct pour découvrir plus avant un trop rare Vaccai au disque, exception faite de son avant-dernier opéra La sposa di Messina, enregistré par Naxos en 2012 (coffret de deux disques Bongiovanni GB 2195/96-2). FC




Daniel Hope rend hommage à Menuhin





Daniel Hope (né en 1973) a mis beaucoup de lui-même dans son nouvel album, intitulé «My Tribute to Yehudi Menuhin»: alors qu’il n’était âgé que de deux ans, tout juste arrivé à Londres avec ses parents qui, au temps de l’apartheid, avaient choisi de quitter l’Afrique du Sud pour un aller sans retour, sa mère trouva un emploi de secrétaire auprès du légendaire violoniste britannique. Le programme est le cahier de souvenirs personnels de celui qui s’était lui-même voulu comme son «grand-père musical»: les œuvres qu’ils jouèrent ensemble (Concerto pour deux violons en la mineur de Vivaldi, trois Duos de Bartók, peut-être aussi le Duo de Reich), mais également Kaddish de Ravel, qu’il donna en bis lors de ce qui devait être le dernier concert de Menuhin, cinq jours avant sa disparition, le 12 mars 1999. Hope fait en outre référence à la longue carrière de Menuhin: Salut d’amour d’Elgar (ici dans un arrangement avec piano et cordes), évoquant l’enregistrement légendaire de son Concerto sous la direction du compositeur; Premier Concerto de Mendelssohn, qu’il contribua à redécouvrir; Hora unirii d’Enesco, rappelant l’admiration du violoniste et compositeur pour son tout jeune protégé; Adagio adagio (pour trio avec piano) de Henze, qu’il créa en 1993; Chant de l’ange, que Tavener lui destina. Les artistes réunis sont remarquables – la soprano Chen Reiss, le mandoliniste Avi Avital, des musiciens de l’Orchestre de chambre allemand de Berlin, l’Orchestre de chambre de Bâle... – mais l’ensemble est trop disparate, d’autant qu’il n’est pas forcément très clair de savoir pourquoi s’y ajoutent deux œuvres, au demeurant assez anecdotiques, Voyage inachevé d’El-Khoury et Rumänisch de Knümann (Deutsche Grammophon 481 2443). SC




Trompettes vivaldiennes bien mal embouchées





La musique baroque a en maintes occasions donné ses lettres de noblesse à la trompette, instrument brillant qui a en outre connu plusieurs formes au cours de cette période musicale, qu’il s’agisse de la trompette à coulisse que Bach utilisa dans certaines cantates (lui donnant alors le nom de tromba da tirarsi), de la trompette naturelle dont usa notamment le virtuose Gottfried Reiche avant que la fin du XVIIIe siècle ne voie l’apparition de la trompette à clefs, développée par le facteur d’instruments et compositeur Anton Weidinger. Le présent disque, intitulé «Di trombe guerriere» et enregistré en octobre 2013, se veut une sorte d’anthologie de ce que Vivaldi a pu composer pour la trompette, mêlant aux pages concertantes des airs d’opéras où la voix joue avec les sonorités brillantes de l’instrument soliste. Vivaldi, qui a écrit pour à peu près tous les instruments de son époque, n’a en revanche que peu créé pour la trompette, son répertoire concertant ne comprenant sauf erreur que deux concertos, tous deux pour deux trompettes. Avec Gabriele Cassone et Matteo Frigé, le Concerto RV 537 présenté ici s’avère besogneux: on s’en retourne bien vite vers l’ancien enregistrement paru au début des années 1980 chez Erato où Claudio Scimone dirigeait ce concerto avec une verve communicative, Guy Touvron et Serge Boisson étant alors de parfaits solistes. Et c’est ce qui étonne de manière générale dans ce disque de l’Ensemble Pian & Forte dirigé par Francesco Fanna: alors que, aujourd’hui, certains interprètes ont parfois cherché la rapidité ou la virtuosité ornée de toutes parts pour elles-mêmes, on passe ici d’air en air tous plus plats les uns que les autres, sans aucune recherche interprétative, où la baisse de tension et l’ennui sont constants. L’air d’Asprano dans Motezuma (acte II, scène 8) est inintéressant, de même que ceux issus de Catone in Utica (là aussi, écoutez par comparaison Roberta Mameli dans l’enregistrement intégral paru chez Naïve!) ou de La fida ninfa, air dans lequel la voix de Marta Fumagalli joue maladroitement avec des glissandi du plus mauvais effet. En complément, un concerto et une sonate où la trompette n’intervient pas, à l’image donc de ce Concerto pour orgue, violon et violoncelle RV 554a où le violoncelle s’avère fréquemment faux et patine en plus d’une occasion, notamment les deux premiers mouvements. Bref, on oubliera bien vite cet essai qui ne convainc à aucun moment (Dynamic CDS 7710). SGa




Bruno Philippe dans Brahms: impression mitigée





Ne proposant rien de neuf ou d’inattendu dans les Sonates pour violoncelle de Brahms et les Fantasiestücke de Schumann, le premier disque de Bruno Philippe (né en 1993) et de Tanguy de Williencourt (né en 1990) laisse une impression mitigée. L’interprétation atteste d’une solide maîtrise et révèle la beauté de leur sonorité. Malgré la sincérité de l’engagement et la vigueur du dialogue, elle manque toutefois de ce supplément d’âme qui aurait pu les élever plus haut dans une discographie très riche. Les contrastes manquent de cohérence dans la Première Sonate, aux deux premiers mouvements parfois trop lents ou trop âpres. Les musiciens ne parviennent pas toujours à en équilibrer la tension expressive, ce qui s’applique également, mais dans une moindre mesure, à la Seconde Sonate. Plus justes de ton, les pièces de Schumann suscitent moins de réserves, les tempi et la dynamique paraissant, cette fois, évidents et naturels (Evidence EVCD012). SF




Il filosofo di campagna de Galuppi: naufrage à Belluno





On doit à l’éditeur Bongiovanni la plupart des enregistrements aujourd’hui disponibles du rare Baldassare Galuppi (1706-1785), une belle initiative tant le compositeur vénitien apparaît comme l’un des plus importants de son époque dans le domaine lyrique. Encore faut-il se donner les moyens de proposer un spectacle qui tienne la route: comment peut-on imaginer satisfaire le public d’aujourd’hui, même le plus curieux, avec une production aussi calamiteuse du Filosofo di campagna (1754)? Donné au Teatro comunale de Belluno (ville située au nord de Venise) en 2012, cet opéra-bouffe, dont on doit le livret à l’incontournable Goldoni, pâtit surtout d’une distribution catastrophique, réunissant alternativement tous les défauts possibles, des lignes de chant chaotiques aux vibratos envahissants, sans parler des nombreuses faussetés. On se réjouirait presque d’une prise de son elle aussi insatisfaisante – si étouffée qu’on en dirait du mono – qui met davantage en valeur l’orchestre, correct et bien mené par un attentif Fabrizio Da Ros. Pas de quoi cependant rattraper l’ensemble, à oublier rapidement (AB 20030). FC




Vivica Genaux: leçon musicale, démonstration technique





Depuis plusieurs années, Vivica Genaux (née en 1969) fait partie des mezzo-sopranos les plus recherchées tant dans le répertoire baroque que dans le bel canto, la chanteuse américaine (née en Alaska) s’étant notamment fait une spécialité des rôles créés par Vivaldi ou Rossini. L’édition de ce coffret, qui rassemble sous le titre «Arias» trois disques successivement parus en 2003 (Donizetti et Rossini), 2006 (Händel et Hasse) et 2009 (Vivaldi), illustre à merveille ses affinités musicales et la conforte comme étant une interprète de tout premier ordre. On passera rapidement sur le disque consacré à Vivaldi, précédemment chroniqué sur ConcertoNet (voir ici) et qui demeure un magistral exercice du genre, culminant dans l’extraordinaire «Sin nel placido soggiorno», accompagné par Fabio Biondi à la tête d’Europa Galante. Certainement le disque à acquérir pour qui souhaite trouver une alternative au tout aussi magnifique récital Vivaldi gravé dix ans plus tôt par Cecilia Bartoli. Le deuxième disque, rassemblant des airs tirés d’opéras ou de cantates de Händel et de Hasse, est tout aussi séduisant même si l’accompagnement des Violons du Roy dirigés par Bertrand Labadie aurait pu être plus truculent dans l’air de Ruggiero «Sta nell’Ircana pietrosa tana» (tiré d’Alcina). Mais le grand intérêt de ce disque réside avant tout dans les extraits d’œuvres de Hasse: les trois airs extraits de l’opéra Arminio, où l’agilité vocale ne s’encombre pas pour autant de fioritures excessives, et surtout «Trova un sol» de la cantate La scusa, air magnifique, plus proche de Mozart que de Händel, qui couronne un disque là aussi excellent. Depuis ses débuts, Vivica Genaux entretient des affinités évidentes avec Rossini, ayant notamment chanté avec succès les rôles d’Isabella (voir ici) et de Rosine. Le troisième disque nous permet de ne pas l’oublier grâce à ce véritable feu d’artifice vocal, dirigé avec une belle implication par John Nelson à la tête de l’Ensemble orchestral de Paris. Le complément (des airs tirés d’opéras de Donizetti où culminent le dramatisme de «Nella fatal di Rimini» issu de Lucrezia Borgia et l’air «Popolo, amici, sanguinosi allori» d’Alahor in Granata, accompagné par une idéale petite harmonie) est de la même facture et achève de couronner une réédition des plus convaincantes (Erato 0825646098309). SGa




Trios avec piano de Haydn: une intégrale de plus?





Déjà le sixième volume pour cette intégrale des Trios avec piano de Haydn réalisée par le Trio Mendelssohn, une formation tout droit venue de Washington, D.C. Fondé en 1997, cet ensemble a encore deux disques à graver pour parfaire son œuvre et enregistrer les trente-neuf Trios authentiques et conservés du maître d’Esterháza. Hormis dans le volume précédent, nos instrumentistes privilégient la mise en parallèle des trois grandes périodes d’inspiration de Haydn: les onze œuvres de jeunesse des années 1755-1770, les treize issues de l’émulation avec Mozart (1784-1790), puis les quinze dernières de la maturité, composées autour des voyages londoniens (1792-1796). On pourra une fois encore regretter le choix d’un piano moderne en lieu et place d’un pianoforte, là où déjà cet instrument est très avantagé par Haydn, les premiers trios faisant souvent songer à des sonates pour piano avec violon et violoncelle obligés. La prise de son elle-même relègue quelque peu les cordes, qui ont bien du mal à faire l’étalage des couleurs attendues ici. Pour autant, Ya-Ting Chang a l’intelligence de ne jamais forcer son instrument, imprimant un jeu souple, à la rigueur quasi métronomique. Ce Haydn-là avance, imperturbable et serein, tandis que le tempo se ralentit sensiblement dans les mouvements lents. Toujours plaisante, cette version manque néanmoins de surprises, et ce malgré les incontestables talents individuels de ses interprètes (Centaur CRC 3392). FC




Michael Hofstetter en fait trop dans Haendel





Au sein d’une discographie déjà riche en références multiples (Harnoncourt, Pinnock, Christie...), Michael Hofstetter (né en 1963) et l’Orchestre de chambre de Stuttgart viennent à leur tour apporter leur contribution à l’interprétation des Concerti grossi opus 6 de Händel dans un enregistrement déjà quelque peu ancien de quatre d’entre eux, puisque réalisé en mars 2010. Bénéficiant d’un orchestre à la solide réputation, Hofstetter dirige malheureusement ces œuvres de façon assez artificielle, seuls quelques mouvements retenant en fin de compte notre attention. Ainsi, pourquoi exagérer à ce point la lenteur de l’Adagio par rapport aux deux allegros qui l’encadrent dans le Concerto n° 1 en sol majeur? Si l’on joue chaque partie de façon plus naturelle et plus conforme aux indications classiques de la partition, les contrastes s’avèrent tout aussi patents et la dynamique existe. Certes, le premier mouvement du Concerto n° 6 en sol mineur est marqué Larghetto e affetuoso mais pourquoi autant forcer le trait à 0’58, exagération brève mais illustrative de l’interprétation presque caricaturale qui est faite de cette page par ailleurs fort séduisante? Parfois, Hofstetter et son orchestre ne vont pas au bout de leurs idées et, là encore, c’est bien dommage: pourquoi, alors qu’il démarrait très bien, ne pas avoir poursuivi dans la même veine et avoir ainsi terminé de façon aussi décevante la phase plus lente du premier allegro du Concerto n° 10 en ré mineur? A côté de cela, il existe quelques beaux moments comme peuvent l’être le dernier mouvement du Concerto n° 10 précité ou, pour prendre l’exemple de celui qui est peut-être le plus beau du recueil, le premier allegro du Concerto n° 12 en si mineur. Pour autant, cela ne suffit pas à retenir ce disque qui se noie dans la masse des interprétations qui ne laisseront guère de souvenirs (Orfeo C 831 151 A). SGa




Karl Weigl: promesses non tenues





Elève de Zemlinsky, Karl Weigl (1881-1949) fait partie de ces seconds couteaux qui ont eu bien du mal à s’imposer tout au long de leur carrière, peu aidé il est vrai par l’exil aux Etats-Unis en 1938, du fait de ses origines juives. Si les disques qui lui ont été jusque-là consacrés ne sont guère nombreux, on citera néanmoins l’enregistrement des ultimes symphonies par Thomas Sanderling, les Cinquième (1945) et Sixième (1947) chez Bis en 2002 et 2005. Les deux œuvres ici réunies sont les tout premiers concertos composés par l’Autrichien dans les années 1920. C’est tout d’abord son compatriote Paul Wittgenstein qui l’invite, comme tant d’autres (Korngold, Ravel, Prokofiev...), à lui proposer un Concerto pour la main gauche – malheureusement refusé en 1924 par le pianiste caractériel. Il est vrai que ce concerto peu novateur se tourne par trop vers le XIXe siècle, trahissant souvent l’influence de Brahms. On lui préfèrera le Concerto pour violon (1928), dont l’orchestration et le foisonnement font parfois penser à la luxuriance d’un Korngold, mais sans l’imagination mélodique. Dommage que les solistes de ce disque – Florian Krumpöck (né en 1978) au piano et David Frühwirth (né en 1974) au violon – soient plombés par une battue aussi morne sous la férule de Manfred Hermann Lehner que sous celle de Krumpöck, tous deux peu aidés par les cordes inégales de la Philharmonie d’Allemagne du nord (Rostock), à la limite de la justesse. Des promesses, mais Karl Weigl devra encore attendre sa parfaite réhabilitation (Capriccio C 5232). FC



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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