About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

01/10/2007
Dimitri Chostakovitch : Intégrale des symphonies
Marina Shaguch (soprano), Mikhail Ryssov, Peter Mikulás (basses), Chœur Philharmonique de Prague, Chœur Mixte Kühn, Orchestre Symphonique de Prague, Maxim Chostakovitch (direction)
Enregistré à Prague de 1995 à 2006 – 712’60
Un coffret de 10 CD Supraphon SU 3890-2 (distribué par Abeille musique)




Les intégrales sont parfois inégales et sujettes à quelques réserves, les points forts parvenant toutefois à relever le niveau général. C’est le cas de ce coffret proposant les quinze symphonies de Dmitri Chostakovitch enregistrées en public par son fils, Maxim, à la tête de l’Orchestre Symphonique de Prague.


Les points forts, pour commencer. Incontestablement, Maxim Chostakovitch témoigne d’une compréhension profonde de l’univers symphonique de son père. En caractérisant avec probité chaque symphonie, en comprenant que dans ce corpus, la violence n’est jamais très loin de l’inquiétude, que l’angoisse succède souvent à l’ironie et que l’ambiguïté, voire la sérénité et l’insouciance, font rarement défaut, Maxim Chostakovitch réussit l’essentiel. Ensuite, la prise de son rend bien l’atmosphère des concerts durant lesquels les enregistrements ont été effectués (les applaudissements ont été conservés à la fin de l’exécution de la plupart des symphonies), ce qui rend ces témoignages attachants et précieux.


Les faiblesses, ensuite, à mettre indéniablement du côté de l’orchestre, voire même, parfois, du chef. Rien ne déshonore totalement cette phalange : le jeu collectif est correct et, malgré, par moments, quelques imprécisions, les instrumentistes parviennent régulièrement à tirer leur épingle du jeu. Néanmoins, dans les quinze symphonies de Chostakovitch, on est légitimement en droit d’attendre davantage qu’une prestation simplement correcte et honorable. Hélas, la direction du chef se révèle trop souvent quelconque, voire plate et ennuyeuse, et l'Orchestre Symphonique de Prague parvient rarement à transcender ces œuvres.


Au rayon des réussites, citons, d’abord, la Première symphonie, rendue avec légèreté et transparence, pleine de facéties et d’insouciance, et dans laquelle tout effet dramatique est atténué. La Neuvième mérite d’être entendue dans cette version : à la tête d’un orchestre plus appliqué qu’à l’accoutumée, Maxim Chostakovitch parvient à ne pas cantonner son interprétation dans le premier degré et le trivial. Dans la Treizième « Baby Yar », la basse Peter Mikulás, puissante, profonde et idiomatique, le Chœur Philharmonique de Prague, le Chœur mixte Kühn et l’orchestre livrent une prestation engagée, expressive et, par moments, excellente, en particulier dans un Baby Yar particulièrement vibrant et poignant. La Quatorzième symphonie est presque une réussite. Cette œuvre autorise les interprétations les plus pessimistes et noires qui soient mais à ce titre, Maxim Chostakovitch aurait pu souligner davantage encore le pessimisme total ainsi que l’inéluctabilité de la mort qui suinte dans cette œuvre. En outre, la performance simplement correcte de Marina Shaguch et de Mikhail Ryssov ne se situe pas au même niveau que celle, remarquable, de Peter Mikulás dans la Treizième. Enfin, sous la baguette de son créateur, la Quinzième symphonie s’offre à l’auditeur avec clarté et évidence. Sa sérénité, mais aussi sa gravité, sont bien mises en valeur par l’orchestre que l’on prend plaisir à écouter dans ces pages.


Parmi les symphonies plus négligées et, pour certaines, considérées, peut-être à tort, comme ratées, Maxim Chostakovitch ne fait pas dire à la Deuxième et à la Troisième plus que ce qu’elles ont à dire. Par rapport à la Treizième, le chœur est assez oubliable, mais l’aspect futuriste de la Deuxième est bien souligné et la suivante, donnée sans prétention, est extérieure comme il se doit. Dans la Douzième symphonie « Année 1917 », le chef défend tout ce qu’il y a de défendable. De son interprétation, on retiendra surtout un premier mouvement vigoureux et plein de vitalité. La conclusion est triomphante et grandiloquente à souhait, mais peut-être un peu too much… Le souffle manque légèrement dans la Symphonie « Leningrad » et quelques imprécisions au niveau de la mise en place se font parfois sentir, mais les musiciens offrent quelques beaux moments, notamment dans le deuxième mouvement, ainsi que dans le troisième, où la science des contrastes du chef est plus évidente. Cette Septième symphonie s’avère, au total, suffisamment descriptive pour qu’on y croie.


Venons-en maintenant aux franches déceptions. La Quatrième symphonie manque un peu d’unité et la conception d’ensemble apparaît trop faiblement. Bien que dans cette interprétation, la violence de l’œuvre soit bien marquée, et que la conclusion constitue un intense moment émotion, tout n’y est pas inspiré, et les cordes s’avèrent trop souvent frustes, au contraire des bois. De la Cinquième, on ne retiendra que le troisième mouvement, d’une belle justesse d’expression, et, à la rigueur, le final. Les criantes approximations de l’orchestre empêchent de goûter pleinement cette prestation témoignant pourtant d’une belle conception d’ensemble. Dans la Sixième symphonie, le deuxième mouvement, réussi, se distingue par sa causticité tandis que le premier mouvement, plus apaisé que macabre, pèche par sa structure un peu lâche et que le final donne le sentiment d’être expédié. La Huitième illustre bien la caractéristique de cette intégrale : c’est correct, mais en rien transcendant, hormis dans le deuxième et troisième mouvements. Le dramatisme et la tension auraient gagné à être davantage accentués. Par moments trop lente, la Dixième est, quant à elle, une grosse déception : l’impact est faible, la tension se relâche souvent, la progression dramatique fait fréquemment défaut… La Onzième « Année 1905 », enfin, est malheureusement interprétée de façon trop peu épique pour convaincre.


Dans un marché discographique riche de plusieurs versions de référence (Mravinski, Barshaï, Kondrashin, Sanderling…) et dans lequel une intégrale remarquable, elle aussi étalée sur plusieurs années, vient récemment de faire son entrée (Jansons, chez EMI), quelle sera la pérennité de celle de Maxim Chostakovitch ? N’aurait-il pas mieux fallu se contenter de proposer séparément les symphonies les plus réussies de l’intégrale (Première, Neuvième, Treizième et Quinzième symphonies) afin de mieux les mettre en valeur ?



Sébastien Foucart

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com