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12/25/2006
Joseph Haydn : Symphonie n° 85 «La Reine» (*)
Claude Debussy : Nocturnes (*) – «Iberia» extrait des Images
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 4, opus 60
Béla Bartok : Concerto pour orchestre, sz. 116
Entretien avec Robert Chesterman

BBC ladies chorus, BBC symphony orchestra (*), Philharmonia orchestra, Ernest Ansermet (direction)
Enregistré en public à Londres (2 février 1964*), à Edimbourg (28 août 1958) et à Genève (1969) – 78’57 + 73’41
Deux disques BBC Legends BBCL 4202-2 (distribués par Abeille musique)



S’il est deux compositeurs auxquels le nom d’Ernest Ansermet demeure attaché, c’est certainement Stravinsky, de deux ans son aîné, mais aussi Debussy. De ce point de vue, l’intérêt de ce double album peut paraître limité, car nombreux sont les témoignages du chef suisse dans ce répertoire, de meilleure qualité sonore et technique, quoi qu’en dise la notice (en anglais, allemand et français) sur les vertus de l’Orchestre de la Suisse romande («pas parmi les meilleures formations de l’époque») qu’il dirigea un demi-siècle durant: une assertion qui prête d’autant plus à sourire lorsque l’on entend le Philharmonia, pourtant dans son âge d’or (1958), à la peine dans Iberia. Les ansermetomanes tiendront certes légitimement à découvrir ces inédits, mais les différentes versions gravées en studio à Genève pour Decca demeurent préférables, tant celles de 1951 ou 1961 pour les trois Images (1912) que celles de 1951 ou de 1958 pour les Nocturnes (1899).


De même, l’entretien de treize minutes réalisé quelques semaines avant sa disparition permet surtout de prendre la mesure des lacunes d’un interviewer visiblement dépassé par son sujet (Debussy), auquel Ansermet répond dans un anglais aussi savoureux que macaronique, même si l’on y glanera au passage quelques anecdotes et l’information selon laquelle il a pu recopier une version corrigée des Nocturnes que lui avait confiée le compositeur.


Si ses enregistrements debussystes n’ont jamais quitté le catalogue, tel n’est en revanche pas le cas de ceux qu’il a consacrés à Bartok, alors qu’il plaçait pourtant les deux hommes sur le même plan: non seulement tous deux étaient inscrits au programme de son dernier concert mais, à propos du Concerto pour orchestre (1943) – qu’il préférait d’ailleurs appeler «concert», jugeant le terme de «concerto» «difficilement détachable de certains particularités de style qu’on ne rencontre pas» dans l’oeuvre – il estimait que «dans l’expansion historique des formes musicales, ce Concert vient après La Mer, comme Wozzeck après Pelléas».


Deux ans après le disque publié chez Decca avec son orchestre, Ansermet, cette fois-ci à la tête du Philharmonia – aux timbres peu soignés, parfois dépassé par une partition qui, il est vrai, avait été créée à peine quinze ans plus tôt – rend justice à «l’extraordinaire liberté mélodique» qui caractérisait selon lui la partition. De manière assez inattendue chez cet artiste généralement loué pour son souci de rigueur et même sa cérébralité, l’Introduzione frappe par sa puissance et son énergie, l’Elégie, étonnamment erratique et violente, par son lyrisme extraverti, l’Intermezzo interrotto par sa vie et ses couleurs. Le Finale demeure toutefois mesuré, plus analytique que précipité: dans un commentaire destiné à un concert de l’OSR en 1953, il relevait en effet qu’il «sied de ne pas se laisser éblouir par le rythme et de ne rien perdre de l’étonnante diversité et de l’ampleur du cours mélodique».


Avec Debussy et Bartok, on demeurait dans ce XXe siècle dont il fut l’un des grands défenseurs. Mais de même que Munch a trop souvent été cantonné à la musique française, Ansermet a toujours dirigé les classiques et les romantiques, dont il se sentait tout aussi proche. Faute de réédition des neuf symphonies de Haydn et de l’intégrale des symphonies de Beethoven que Decca possède à son catalogue, toutes avec l’OSR, les aperçus de son art dans deux symphonies de ces compositeurs sont d’autant plus précieux qu’ils se révèlent tout à fait captivants.


Deux ans après sa version «officielle», il revient à la Quatre-vingt cinquième «La Reine» (1785): l’Orchestre symphonique de la BBC n’est pas somptueux, mais la clarté des idées d’Ansermet convient idéalement à la pensée si fermement structurée de Haydn, à laquelle il confère en outre une ingénuité et un humour qu’on n’attendait pas nécessairement de sa part.


Tout aussi révélateur, l’enregistrement de la Quatrième (1806) de Beethoven date de l’année même de sa version studio avec l’OSR (1958). Le Philharmonia n’est décidément pas toujours irréprochable, mais il est réjouissant de retrouver en Ansermet l’un de ceux qui, en ces années, militait, dans la lignée de Weingartner et à l’image de Szell, pour décaper ce répertoire des couches romantisantes dont une conception de la tradition l’avait couvert. Mais cette approche ne se tient pas caractère univoque, sec et nerveux, dans lequel certaines «relectures» devaient ensuite verser: vive et rebondissante, elle n’en demeure pas moins souverainement équilibrée, tant dans les sonorités, qui conservent rondeur et soyeux, que dans la conduite du discours, souple et variée.


Simon Corley

 

 

 

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