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04/17/2006
Ludwig van Beethoven : Les trente-deux sonates pour piano – Variations sur un thème de Diabelli, opus 120

Georges Pludermacher (piano)
Enregistré en public à Reims (juillet-août 1998) – 692’22
Coffret de 10 disques TransArt Live



Après une intégrale des sonates de Schubert, TransArt Live poursuit avec Beethoven son édition d’enregistrements réalisés par Georges Pludermacher lors des Flâneries musicales de Reims: s’apprêtant à sortir le mois prochain l’intégrale des concertos pour piano donnée durant l’été 2004 avec l’Orchestre de Bretagne dirigé par Moshe Atzmon, la marque spécialisée dans les prises sur le vif réédite à prix moyen un coffret de dix disques regroupant l’intégrale des sonates ainsi que les Variations Diabelli, captées durant l’été 1998 et dont six volumes ont par ailleurs connu entre-temps une parution isolée.


Encore une intégrale des sonates de Beethoven? Pour émerger du lot sans toutefois tomber dans l’extravagance, le pianiste français se distingue par des choix originaux: un refus de l’ordre chronologique, auquel est préféré le regroupement des sonates par tonalités et par affinités, constituant ainsi neuf récitals; le recours, comme pour l’intégrale Schubert, au Steinway de Denis de la Rochefordière, muni d’une pédale supplémentaire, dite «harmonique»; l’aveu que ne consentent pas la plupart des enregistrements publics, à savoir que 5 à 10% des prises sont «retouchées», afin de limiter au maximum les scories, les spectateurs demeurant d’une discrétion remarquable (même si les applaudissements ont été conservés à la fin de chaque sonate); des textes de présentation (en français et en anglais) signés de Rémi Jacobs et de Pludermacher lui-même, qui se concentrent sur quelques aspects des œuvres et de l’interprétation.


Voici vingt ans, après une contribution remarquée (l’Héroïque, ainsi que la Neuvième avec Alain Planès) à l’intégrale Harmonia mundi des symphonies de Beethoven transcrites par Liszt, le pianiste avait déjà laissé de beaux témoignages chez Lyrinx, avec les Variations Diabelli et l’ultime sonate: la perspective d’une intégrale était donc prometteuse. De fait, s’il affiche une grande modestie, n’ayant «aucunement la prétention de faire concurrence à l’Olympe des grands beethovéniens presque tous multi-intégralistes au disque comme au concert», sa contribution, toujours intéressante, parfois captivante, rarement décevante, n’en constitue pas moins un jalon important de l’interprétation de Beethoven en France, depuis Nat jusqu’à Levinas en passant par Lefébure ou Heidsieck.


«Française», cette conception l’est sans doute par son sens de la mesure, par son souci de maintenir constant l’équilibre entre distance et expression, entre pédagogie et rhétorique, entre contrôle et spontanéité, entre construction et liberté, entre finesse et enthousiasme, entre précision et risques, entre réflexion et impulsivité, entre austérité et exubérance. Rien d’étonnant, dans ces conditions, que le tempo paraisse si souvent juste, à de rares exceptions près (Scherzo de la Quatrième) légèrement plus rapide qu’à l’ordinaire (Allegro initial de la Dixième, Andante de la Pastorale, Menuetto de la Dix-huitième, Andante de la Dix-neuvième, second mouvement de la Vingt-septième).


Equilibrée mais pas tiède: il suffit de songer à cette jubilation et à cette gourmandise digitale, à cette façon de mordre dans le clavier qui évoquent souvent Scarlatti, ses surprises (Sixième), son humour (Seizième) et son brio (Vingt-cinquième). Et il se montre à son meilleur dans ces sonates où il se régale à bien faire contraster les différents mouvements: Septième mais aussi Treizième et Clair de lune, qui portent fièrement leur sous-titre quasi una fantasia, ou Les Adieux, fantasque et théâtrale. Et cet élan, cette énergie qui font tout le sel du discours beethovénien sont bien au rendez-vous (Allegro con brio de la Onzième, Allegro molto e con brio de la Quatrième).


Davantage que par un parti pris unique commodément appliqué à l’ensemble du corpus, cette somme interprétative semble avant tout animée par un rapport étroit au texte: fidélité, bien sûr, que traduisent par exemple le respect de la totalité des reprises ainsi qu’une approche franche, objective et directe, sans surenchère ni affectation, mais aussi volonté de l’explorer, d’en extraire le maximum, d’en penser chaque note, sans que l’évidente admiration confine au respect figé. Cette volonté offre des aperçus stimulants et débusque des ressources insoupçonnées dans des œuvres que l’on croit pourtant connaître par cœur, comme cette nonchalance embrumée dans laquelle s’élève le thème initial de la Pastorale. Dans cet esprit, la possibilité de varier la couleur qu’offre la «quatrième pédale» constitue un apport précieux, même si la clarté du jeu reste le maître mot: sans être pour autant surlignée, la moindre voix secondaire reste parfaitement audible, ce qui est bien entendu spécialement appréciable dans les développements fugués.


Le coup de chapeau que mérite une telle réalisation – où l’artiste, jamais en «pilotage automatique» (ce que les conditions du concert n’auraient d’ailleurs pas pardonné), impose inlassablement sa patte, jusque dans l’originalité de la Dix-neuvième ou dans l’élégance impeccable de la non moins négligeable Vingtième – n’interdit pas d’émettre quelques réserves: les mouvements lents ne débordent pas d’effusions ou de chaleur (Deuxième, Troisième, Cinquième) tout en n’étant certes pas suspects de rechercher les effets faciles (Clair de lune), tandis que manqueront peut-être à certains auditeurs le caractère titanesque, surhumain et intimidant, voire les enjeux et les implications des dernières sonates, au profit d’une simplicité et d’une sobriété assez inhabituelles. Exception notable cependant, une Trente-deuxième survoltée et intense, prise à bras-le-corps et s’achevant dans un feu d’artifice d’intelligence et de beauté sonore.


Pludermacher se laisse rarement griser, mais le grain de folie et le souffle qui font défaut ici ou là, notamment dans une Douzième sans aspérités ou dans une Tempête à l’inquiétude trop bridée (à la différence d’une Pathétique nettement plus engagée), on les trouve en revanche dans les Variations Diabelli (qui, selon la notice, auraient été données en bis du dernier concert), vives et étincelantes, ludiques et réjouissantes.


Le site de TransArt Live


Simon Corley

 

 

 

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