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04/22/2024
« Next Generation Mozart Soloists vol.8 »
Wolfgang Amadeus Mozart : Concertos pour piano et orchestre n° 18 en si bémol majeur, K. 456, et n° 21 en ut majeur, K. 467 (cadences Dinu Lipatti)

Jonathan Fournel (piano), Mozarteumorchester Salzburg, Howard Griffiths (direction)
Enregistré à la Angela Ferstl Saal, Salzbourg (22‑24 février 2023) – 57’21
Alpha 1039 (distribué par Outhere)


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Vainqueur du Concours Reine-Elisabeth de Belgique en 2021, Jonathan Fournel (né en 1993) a fait peu après ses débuts au disque avec un magnifique album Brahms, dont le seul tort a été de sortir en même temps que ceux de deux autres jeunes talents un peu plus « médiatiques » que lui, Adam Laloum et Alexandre Kantorow. Sa version de la Troisième Sonate (couplée avec de grandioses Variations Haendel) n’a cependant rien à envier à celle de ses confrères, bien au contraire, et tous trois incarnent, avec quelques autres, l’émergence d’une nouvelle et très talentueuse génération de pianistes français.


Jonathan Fournel s’attaque à présent à un autre répertoire avec son nouveau disque, qui s’inscrit dans un projet mené par l’éditeur Alpha avec le soutien de la fondation suisse Orpheum, et baptisé « Next Generation Mozart Soloists » : il s’agit de réaliser une intégrale des concertos de Mozart (tous instruments confondus) en mettant en lumière de jeunes virtuoses d’horizons divers. De précédents volumes ont déjà permis de faire entendre quelques‑uns d’entre eux, en particulier Claire Huangci (vol. 5) et Can Cakmur (vol. 1) pour s’en tenir au piano.


Ce n’est pas sans appréhension, mais c’est surtout avec beaucoup de curiosité qu’on voit un jeune pianiste s’emparer de ces deux concertos parmi les plus célèbres du compositeur, et qu’ont enregistrés la plupart des grands interprètes mozartiens d’hier et d’aujourd’hui. Rendre justice à la richesse inépuisable de ces œuvres sans les dénaturer ni les affadir, tout en se faisant une place au milieu de multiples références prestigieuses, tel est en effet le défi qui attend Jonathan Fournel avec la complicité de partenaires chevronnés, le chef Howard Griffiths et l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg.


Les quelques doutes qu’on pouvait avoir quant à la pertinence de la démarche et aux affinités stylistiques du pianiste avec ces œuvres sublimes sont rapidement levés. Dans le mouvement inaugural du Dix‑huitième Concerto, Griffiths installe dans l’introduction orchestrale un tempo allant et des sonorités fruitées qui ne sont pas sans rappeler les interprétations « historiquement informées ». Puis, le soliste fait une entrée calme et paisible, légèrement en retrait, marquant une volonté de dialogue chambriste avec l’orchestre. Si la sonorité peut sembler au départ un peu mince (évoquant là également les instruments anciens), elle s’affirme bientôt dans la suite du mouvement. L’esprit mozartien est bien saisi par ce piano aventureux et libre, qui, avec un enthousiasme juvénile, semble s’émerveiller de mesure en mesure devant les surprises dont regorge cette page si riche d’expression et d’émotions ; jusqu’à la cadence, il en traduit les mystères et les nuances avec une simplicité éloquente qui est la marque des grands mozartiens. Point d’épanchements inutiles non plus dans l’Andante un poco sostenuto qui suit (un des plus beaux « mouvements lents » de Mozart selon nous) : le son feutré du Bösendorfer VC 280 se déploie bientôt en un chant dont la sobriété ne fait pas obstacle à l’expressivité, en se fondant parfois dans l’orchestre, mais sans s’y perdre. D’un élan irrésistible, mais également traversé d’ombres, le final est enfin pris par le soliste et l’orchestre dans un esprit conquérant et une parfaite symbiose.


Moins ombrageux, le célébrissime Vingt et unième Concerto nous semble encore plus abouti dans son interprétation. Soulignant la majesté du premier mouvement plutôt que le caractère d’opera buffa qu’on y entend parfois, pianiste et chef le mènent ensuite avec une éloquence sans emphase et une maîtrise qui ne bride pas l’indispensable spontanéité qu’il faut savoir conserver chez Mozart. Le piano donne à entendre un plaisir de jouer, de s’approprier cette musique merveilleuse avec une sensibilité toute neuve, et en évitant avec bonheur toute forme de pose ou d’alanguissement exagérément romantiques, avant que la cadence de Dinu Lipatti ne vienne à point nommé apporter une tournure dramatique et brillante. Dans le fameux Andante, pris à un tempo relativement vif, Jonathan Fournel trouve un ton serein et une pulsation idéale ; en se gardant toujours d’un pathos hors de propos, il sort néanmoins en partie de sa réserve altière, pour oser des phrasés plus sculptés, et quelques ornementations aventureuses. Après ce moment de grâce, l’Allegro vivace assai conclusif est une course allègre entre piano et orchestre, menée jusqu’au bout à grand train et avec grand style, signe de l’entente du jeune soliste et de l’expérimenté chef d’orchestre.


Ce qui ne nous laisse qu’un regret : le principe de la série « Next Generation Mozart Soloists » étant de confier chaque album à un soliste différent, cette collaboration parfaite n’est pour l’instant pas prévue pour durer et donner lieu à l’enregistrement d’autres concertos. Si l’on ne peut qu’espérer voir les choses changer à l’avenir, on suivra de toute façon avec attention les prochains disques et concerts de Jonathan Fournel, qui confirme ici de manière éclatante tous les espoirs placés en lui.


Le site de Jonathan Fournel
Le site de Howard Griffiths
Le site de l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg


François Anselmini

 

 

 

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