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02/08/2023
« The Great Venetian Mass »
Antonio Vivaldi : Kyrie eleison, RV 587 – Ostro picta, armata spina, RV 642 [1] – Gloria, RV 589 [1, 3] – Credo, RV 591 – Contrafactum du Beatus Vir, RV 597 n° 1 et du Dixit Dominus, RV 807 n° 7 [1, 2] – Contrafactum du Dixit Dominus, RV 807 n° 8 [3] – Contrafactum du Magnificat, RV 610 n° 1 et du Kyrie, RV 587

Sophie Karthäuser [1], Renata Pokupic [2] (sopranos), Lucile Richardot [3] (mezzo‑soprano), Les Arts Florissants, Paul Agnew (direction)
Enregistré en l’église Notre‑Dame‑du‑Liban, Paris (mars et octobre 2020) – 68’09
Harmonia Mundi HAF 8905358 – Notice (en français, anglais et allemand) de Paul Agnew et Denis Morrier

Sélectionné par la rédaction





« Nisi Dominus »
Serafino Razzi : O Vergin Santa [1] – O Dolcezza [2]
Francisco Soto de Langa : Giesù diletto sposo [3]
Anonyme : Nisi Dominus [4]
Antonio Vivaldi : Sinfonia al Santo Sepolcro, RV 169 – Invicti bellate, RV 628 [5] – Nisi Dominus, RV 608 [6]
Pietro Antonio Locatelli : Sinfonia funebre, D 2.2

Eva Zaïcik [1, 5, 6] (mezzo-soprano), Déborah Cachet [1, 2] (soprano), Benoît‑Joseph Meier [2, 3], Francisco Manalich [2, 3] (ténors), Virgile Ancely [2, 3, 4] (basse), Le Poème Harmonique, Vincent Dumestre (guitare, colascione, direction)
Enregistré en la Chapelle Corneille (Auditorium de Normandie), Rouen (août 2020) – 58’31
Alpha 724 (distribué par Outhere) – Notice (en français, anglais et allemand) de Caroline Panel


Sélectionné par la rédaction





Antonio Vivaldi : Concerto opus 3 n° 1 en ré majeur pour quatre violons, RV 549 – Concerto opus 3 n° 2 en sol mineur pour deux violons, RV 578 – Concerto opus 3 n° 3 en sol majeur pour violon, RV 310 – Concerto opus 3 n° 4 en mi mineur pour quatre violons, RV 550 – Concerto opus 3 n° 5 en la mineur pour violon, RV 356 – Concerto opus 3 n° 6 en ré majeur pour quatre violons, RV 549 – Concerto opus 3 n° 7 en fa majeur pour quatre violons, RV 567 – Concerto opus 3 n° 8 en la mineur pour deux violons, RV 522 – Concerto opus 3 n° 9 en ré majeur pour violon, RV 230 – Concerto opus 3 n° 10 en si mineur pour quatre violons, RV 580 – Concerto opus 3 n° 11 en ré mineur pour deux violons et violoncelle, RV 565 – Concerto opus 3 n° 12 en sol majeur pour violon, RV 265
Johann Sebastian Bach : Concerto en fa majeur pour clavecin, BWV 978 (d’après le Concerto opus 3 n° 3 de Vivaldi) – Concerto en la mineur pour quatre clavecins et cordes, BWV 1065 (d’après le Concerto opus 3 n° 10 de Vivaldi) – Concerto en ré mineur pour orgue, BWV 596 (d’après le Concerto opus 3 n° 11 de Vivaldi) – Concerto en ut majeur pour clavecin, BWV 976 (d’après le Concerto opus 3 n° 12 de Vivaldi) – Concerto en la mineur pour orgue, BWV 593 (d’après le Concerto opus 3 n° 8 de Vivaldi) – Concerto en ré majeur pour clavecin, BWV 972 (d’après le Concerto opus 3 n° 9 de Vivaldi)

Lorenzo Ghielmi (orgue), Andrea Buccarella, Salvatore Carchiolo, Ignazio Schifani (clavecins), Concerto Italiano, Rinaldo Alessandrini (clavecin et direction)
Enregistré à la Sala Accademica del Pontificio Istituto di Musica Sacra, Rome (14‑20 décembre 2020) – 158’06
Album de deux disques Naïve OP 7367 – Notice (en français et en anglais) de Rinaldo Alessandrini





« Concerti per violino X “Intorno a Pisendel” »
Antonio Vivaldi : Concertos en sol majeur, RV 314, en ré majeur, RV 226, en si bémol majeur, RV 369, en ré mineur, RV 237, en ré majeur, RV 225, et en la majeur, RV 340

Le Concert de la Loge, Julien Chauvin (violon et direction)
Enregistré au Musée Jean Lurçat, Angers (11‑14 mars 2021) – 60’10
Naïve/Opus 111 OP 7546 « Vivaldi Edition » vol. 69 – Notice (en français, anglais, italien et allemand) de Cesare Fertonani





« Sacroprofano »
Antonio Vivaldi : Nisi Dominus, RV 608 – Concerto pour cordes en ré mineur, RV 128 – Cessate, omai cessate, RV 684 – Salve Regina, RV 618 – Sinfonia en si mineur « Al Santo Sepolcro », RV 169 – Amor, hai vinto, hai vinto, RV 683

Tim Mead (contre‑ténor), Arcangelo, Jonathan Cohen (direction)
Enregistré en l’église de Saint Jean l’Evangéliste, Londres (1er‑4 juillet 2021) – 72’05
Alpha 914 (distribué par Outhere) – Notice (en français, anglais et allemand) de Michael Talbot


Sélectionné par la rédaction





Antonio Vivaldi : Concertos pour violon « Le quattro stagioni », opus 8 n°s 1 à 4 : en mi majeur « La primavera », RV 269, en sol mineur « L’estate », RV 315, en fa majeur « L’autunno », RV 293, et en fa mineur « L’inverno », RV 297
Pietro Locatelli : Concerto pour violon en ré majeur « Il labirinto armonico », opus 3 n° 12

Chloe Chua (violon), Orchestre symphonique de Singapour, Chan Yoong‑Han (premier violon et direction)
Enregistré en public à l’Esplanade Concert Hall de Singapour (23‑24 avril 2022) – 62’11
Pentatone PTC 5187 062 – Notice (en anglais) d’Edward C. Yong





Antonio Vivaldi (1678‑1741) est évidemment connu pour ses concertos et ses opéras ; il l’est également pour ses œuvres religieuses. Voici plusieurs disques mettant de nouveau à l’honneur le Prêtre roux dans ses diverses réalisations et le fait est qu’on ne peut que comprendre cet engouement, depuis des années maintenant, lorsqu’on écoute ces diverses réalisations, toutes d’une très grande qualité.


Le premier disque que nous aborderons part d’un étrange paradoxe : si Vivaldi a composé maintes pièces religieuses (motets, psaumes...), aucune messe complète de sa main ne nous est parvenue. Comment l’expliquer ? Nul ne le sait et, en dépit de la notice d’accompagnement du disque fort bien faite par ailleurs, aucune hypothèse n’est avancée. Pour autant, Paul Agnew a fait le pari de reconstituer une messe de Vivaldi en empruntant tel ou tel passage à l’œuvre religieuse du compositeur : on entendra ainsi le Kyrie RV 587, le Gloria RV 589 et le Credo RV 591, qui sont des compositions originelles en soi pourrait‑on dire, ainsi qu’une introduction au Gloria tirée du Motet RV 642, avant que la messe (finalement signée Vivaldi et Agnew) ne se conclue successivement par un Sanctus, un Benedictus et un Agnus Dei qui ne sont rien d’autres que des contrafacta (pour reprendre la notice de Denis Morrier, ce sont des morceaux dont la musique « a été tirée de diverses compositions préexistantes et parée de nouveaux textes liturgiques, suivant l’usage ancien de la parodie »). Le fait est que le résultat est extrêmement convaincant et ce pour une raison simple : le chœur des Arts Florissants est parfait, c’est à l’évidence lui le grand triomphateur et le principal artisan de la réussite de l’ensemble. On se délecte ainsi des échanges entre sopranos et altos dans le « Christe Eleison » du Kyrie RV 587 sur une basse continue virevoltante ou de la souplesse du chant dans le dernier mouvement de la même œuvre, du chœur « Et in terra pax hominibus » (quelle puissance sous‑jacente à partir de 1’22 !) ou du passage « Gratias agimus tibi », chanté avec allant mais sans précipitation, deux airs tirés du Gloria RV 589. Sophie Karthäuser est une fois de plus excellente même si sa voix pourrait sans doute bénéficier à être plus solaire dans l’introduction du motet Ostro picta, armata spina, Lucile Richardot compensant en partie par son engagement une déclamation par trop théâtrale, qui ne sied guère à cette musique. Est‑ce d’ailleurs de sa responsabilité si le duo « Laudamus te » au sein du Gloria ne fonctionne pas si bien que cela ? Dommage car les musiciens des Arts Florissants sont parfaits, des trompettes éclatantes (mais tenues à distance par Paul Agnew dans le Gloria) au violoncelle assurant la basse continue dans le « Christe Eleison » introductif. Si Paul Agnew signe là un très beau disque, il faut tout de même le rappeler : on joue surtout ici sur l’atout chœur !


On a connu et loué dans ces mêmes colonnes Eva Zaïcik dans le répertoire händelien : la voici maintenant qui explore les terres vénitiennes de Vivaldi et de plusieurs autres compositeurs italiens, qu’il s’agisse du florentin Serafino Razzi (1531‑1613), du Romain Francisco Soto de Langa (1534‑1619) ou du Bergamasque, et bien plus connu, Pietro Locatelli (1695‑1764). La jeune artiste s’y montre tout aussi à l’aise et signe de nouveau un disque magnifique : décidément, quelle chanteuse ! On sait qu’un des grands mérites des chefs et chanteurs de la mouvance baroque aujourd’hui (au sens large...) réside dans leur esprit de découverte et dans le fait qu’ils peuvent ainsi dénicher des joyaux, quand bien même leur durée n’excéderait pas quelques minutes. C’est le cas de Vincent Dumestre qui dirige tout d’abord cet air O Vergin Santa de Razzi, tout bonnement superbe : Zaïcik fait montre d’une pureté dans l’incantation dont la beauté ne fait que redoubler lorsqu’elle est rejointe par l’excellente soprano Déborah Cachet (à partir de 4’11), laquelle avait d’ailleurs déjà été repérée par Florent Coudeyrat lorsqu’elle avait chanté, il y a quelques années, le rôle d’Helena dans A Midsummer Night’s Dream de Britten. C’en est presque difficile pour la suite du disque d’exister... Et le fait est que le reste est un peu moins enthousiasmant même si, encore une fois, Eva Zaïcik et Vincent Dumestre signent là un récital de très haute tenue. Le très connu Nisi Dominus de Vivaldi n’appelle ainsi que des éloges qui culminent dans un « Cum dederit » fervent et un duo entre la mezzo et le violon solo de Fiona Poupard dans le « Gloria Patri » de toute beauté. Dans le Giesù diletto sposo de Francisco Soto de Langa, ce sont moins les voix qui impressionnent que les instruments, lesquels frappent par la modernité des sonorités (on se demande presque si l’on n’a pas à faire à du jazz, du Jacques Loussier en terres italiennes) qui s’épanouissent notamment dans une pulsation enivrante où évoluent les violons solistes avant l’entrée en lice des voix masculines. Les pièces instrumentales (Vivaldi et Locatelli) sont conformes à ce que l’on est en droit d’attendre d’un excellent ensemble baroque actuel dans ce type de répertoire. Encore une fois, une réussite évidente.


Rinaldo Alessandrini côtoie Vivaldi depuis des années, des décennies, voire depuis sa naissance (en 1960). Sa familiarité avec le compositeur nous a valu des disques à marquer d’une pierre blanche, de ces premières sonates où il accompagne notamment son complice le violoniste Fabio Biondi (Arcana, 1991) à divers volumes de l’« Edition Vivaldi » que nous connaissons bien, qu’il s’agisse de son Olimpiade de référence, de ses magnifiques Vêpres pour l’Ascension de la Vierge Marie, d’Armida ou de divers concertos pour violon. N’en jetez plus ! Le voici qui nous revient avec ce double album très intelligemment construit qui met bien entendu Vivaldi à l’honneur, au travers des douze concertos de l’opus 3, le fameux recueil de L’Estro armonico, mais également Bach dont plusieurs concertos ne sont autres que des transcriptions d’œuvres de Vivaldi. Le parallèle entre les deux est connu mais on a rarement eu l’occasion de les avoir ainsi présentés dans un même volume : voilà déjà un intérêt à l’écoute de cette réalisation. Le Concerto Italiano est irréprochable de bout en bout. La vivacité des mouvements rapides des concertos de l’Italien est toujours de bon aloi, Alessandrini ne confondant pas comme d’autres vitesse et précipitation : l’Allegro conclusif du Concerto RV 578, la totalité du Concerto RV 580 (superbe !) ou le dernier mouvement du Concerto RV 550 ne sont que quelques illustrations parmi d’autres. L’entente entre solistes est patente, que les violons soient deux ou quatre, et distille un équilibre que l’on ne retrouve que rarement, comme dans cet Allegro concluant le Concerto RV 519 ou dans le dernier mouvement du Concerto RV 310, le jeu n’étant jamais affecté, y compris dans les fins de phrases (légère exception peut-être dans le deuxième mouvement du Concerto RV 565). Aussi, c’est bien finalement les concertos de Bach qui déçoivent un peu dans un disque rutilant par ailleurs. S’il faut bien s’accommoder du clavecin seul, dont les sonorités ne peuvent totalement remplacer la richesse polyphonique d’un violon accompagné de quelques autres instruments (le Concerto BWV 978), le Concerto BWV 596 à l’orgue nous donne à entendre une fugue assez laborieuse, où l’articulation paraît presque scolaire. Lorenzo Ghielmi se montre autrement convaincant dans le Concerto BWV 593 où l’orgue sonne magnifiquement cette fois‑ci mais sans grandiloquence (le premier mouvement notamment), dans une optique évidemment bien différente de celle adoptée par Vivaldi. Que Rinaldo Alessandrini soit seul au clavecin (très réussi Concerto BWV 978 par exemple) ou dirige son Concerto Italiano, il est en tout cas le maître d’œuvre d’un disque haut en couleur qui confirme sa place parmi les plus éminents interprètes de l’œuvre du compositeur vénitien.


Disons‑le tout de suite : rien de fondamental dans ce soixante‑neuvième volume de l’« Edition Vivaldi », qui est également le dixième consacré à des concertos pour violon. Pour autant, l’amateur tant du compositeur que des instruments à cordes prendra un évident plaisir à écouter Julien Chauvin, qui interprète en soliste, tout en dirigeant son ensemble du Concert de la Loge, ces partitions où le brillant des Allegro s’allie savamment aux accents plus rêveurs, voire mélancoliques, des Adagio ou Largo qui servent souvent de mouvement lent à ces concertos dont la durée oscille entre un peu plus de sept minutes pour le plus bref à presque douze pour le plus long. Ces six concertos « Intorno a Pisendel » (« autour de Pisendel ») sont un hommage au grand violoniste (et non moins grand compositeur) Johann Georg Pisendel (1687‑1755), qui œuvrait alors à la cour de Dresde et qui fut un grand ami de Vivaldi. Les Concertos RV 237, RV 314 et RV 340 furent d’ailleurs composés spécifiquement à son attention, les trois autres concertos du disque (RV 225, RV 226 et RV 369) ayant été copiés de la main même du violoniste. Face à ces partitions d’une grande complexité technique, Julien Chauvin étale une aisance évidente, que ce soit dans les sauts d’harmoniques, les trilles et autres ornementations (premier mouvement du Concerto RV 314) ou qu’il s’agisse par exemple de jouer sur les doubles cordes (premier mouvement du Concerto RV 226 ou dernier mouvement du Concerto RV 325). Les mouvements lents sont abordés avec tout le lyrisme et la délicatesse attendus : à cet égard, l’Adagio du Concerto RV 314 est une superbe réussite, jouant sur le contraste entre la mélancolie du jeu soliste et l’accompagnement tout en pizzicati, l’archiluth étant légèrement mis en avant. De son archet, Julien Chauvin dirige avec fougue (lorsqu’elle est requise) les musiciens du Concert de la Loge, qui distillent un égal enthousiasme dans certaines pages virevoltantes (l’Allegro conclusif du Concerto RV 369 ou le magnifique premier mouvement du Concerto RV 237), où les archets sont frénétiques et le grondement harmonique soudain. Une belle réussite donc au sein d’une édition, comme on a déjà eu maintes fois l’occasion de le souligner, exemplaire.


On a récemment eu l’occasion d’entendre le contre‑ténor anglais Tim Mead chantant Vivaldi au cours d’un concert où la voix disputait la vedette à la flûte de François Lazarevitch ; le voici de nouveau dans l’œuvre du Prêtre roux mais, cette fois‑ci, dans le répertoire sacré et non plus opératique et, surtout, désormais seul en scène en quelque sorte. Le résultat est superbe mais, malheureusement pour Tim Mead, son interprétation pâtit sérieusement de la comparaison dans les mêmes œuvres phares avec un autre contre‑ténor de ses aînés, Andreas Scholl. Dans le Nisi Dominus, le jeune contre‑ténor (il est né en 1981) met en avant un chant superbe, caractérisé par une grande fluidité (les modulations sur le « qui custodit » dans le premier air, accompagné par le magnifique jeu des cordes), une impressionnante longueur de souffle (écoutez le mot « doloris » concluant le troisième air) et une entente idéale avec l’orchestre (le duo avec le violon solo dans le « Gloria Patri »). Mais l’ensemble, on l’a laissé entendre, reste à notre sens en deçà de l’interprétation de la même œuvre par Scholl (avec l’Australian Brandenburg Orchestra chez Decca), insurpassable notamment dans le redoutable « Cum dederit », où la voix de Tim Mead manque de stabilité et accuse une certaine fragilité sur la fin. Dans la Cantate « Cessate, omai cessate », Tim Mead impressionne plus encore (quelle agilité dans le dernier air !) mais Scholl, là encore (cette fois‑ci avec l’Ensemble 415 dirigé du violon par Chiara Banchini, Harmonia Mundi), s’impose, principalement dans le long air « Ah, ch’infelice sempre », par une présence et une émotion supérieures, servies par un chant par ailleurs plus simple, moins ornementé et, de fait, plus captivant. Pour autant, si l’on écoute le reste de ce disque, Tim Mead réalise de superbes interprétations du Salve Regina (où se sont pourtant illustrés, excusez du peu, aussi bien Michael Chance que Gérard Lesne ou James Bowman), notamment dans les « Ad te clamamus » et « Ad te suspiramus », et de la relativement méconnue cantate Amor, hai vinto, hai vinto qui culmine dans le premier air « Passo di pena in pena » où la voix s’épanouit presque de manière surnaturelle, sur fond d’ostinato des cordes et du basson : un bijou en soi. Jonathan Cohen dirige son ensemble Arcangelo avec un soin du détail qui, s’il met parfois un peu trop tel ou tel instrument en avant, n’occulte en rien les grandes lignes du chant, l’orchestre sachant par ailleurs se montrer à la hauteur des tourbillons vivaldiens comme dans ce rare Concerto RV 128 en trois mouvements de cinq minutes à peine, mais qui suffisent à notre bonheur.


Le dernier disque de cet ensemble est, on voudra bien nous pardonner par avance la comparaison, le « vilain petit canard » de l’ensemble. Chloe Chua est née le 7 janvier 2007 et, du haut de ses à peine 16 ans, la voici qui enregistre en concert une œuvre assez peu connue des violonistes et du public : Les Quatre Saisons. Quel intérêt ? Non pas que nous ayons des a priori à l’égard des enfants prodiges (les Barenboim, Menuhin, Midori, Kissin, Mutter et bien d’autres nous ont livré tant de témoignages absolument convaincants), mais voilà une jeune fille, bardée de diplômes (elle a notamment remporté le premier prix du Concours Menuhin pour jeunes violonistes en 2018 en interprétant justement L’Hiver avec l’Orchestre de chambre de Genève), au site internet déjà fort rempli mais, et elle n’y est évidemment pour rien, dont l’absence de maturité la conduit à tenir dans la notice des propos insignifiants (« Enregistrer Les Quatre Saisons est un rêve devenu réalité pour moi... » et on en passe) et, surtout, à nous donner une interprétation de ces quatre concertos de Vivaldi d’une neutralité désespérante. Certes, la technique est là, tout est en place, mais tout cela est sans saveur et d’une banalité effrayante qui nous ramène aux interprétations les plus compassées des années 1950. Usant d’un vibrato qui met certes parfaitement en valeur son Guarneri de 1728, la jeune soliste tourne ostensiblement le dos à tous les progrès et recherches effectuées sur l’interprétation baroque depuis maintenant des décennies. On ne lui en voudra pas de ne pas nous imposer des volutes pyrotechniques comme tant d’autres en ont l’habitude mais comment peut-on jouer un premier Allegro de L’Eté de façon aussi ennuyeuse, sans aucune surprise, sans les soubresauts dont Vivaldi était capable ? Le dernier mouvement de L’Eté est tout aussi plat mais c’était sans compter l’Allegro concluant L’Automne, triste et langoureux à mourir, le dernier mouvement de L’Hiver s’étirant pour sa part jusqu’à en perdre toute cohérence... De son côté, l’orchestre est à notre avis trop présent (étrange importance donnée à l’orgue positif dans les deux premiers concertos) et souffre de la même fadeur que la soliste même si, encore une fois, c’est propre et bien en place. Le complément, un concerto de Locatelli, possède les mêmes atouts et faiblesses que Les Quatre Saisons : une perfection glacée (technique irréprochable dans le premier mouvement, ô combien acrobatique) mais qui nous ennuie et dont l’écoute s’oublie sitôt le disque terminé. Le choix de publier ce concert était sans aucun doute piégeux ; force est de constater que Chloe Chua est tombée en plein dedans. Gageons que, maturité et conseils plus avisés aidant, elle saura dépasser ce disque totalement inutile pour nous prouver autre chose que ce que n’importe quel honnête technicien du violon est capable de nous offrir.


Le site de Renata Pokupic
Le site de Paul Agnew et des Arts Florissants
Le site d’Eva Zaïcik
Le site de Déborah Cachet
Le site du Poème Harmonique et de Vincent Dumestre
Le site du Concert de la Loge
Le site de Tim Mead
Le site de l’ensemble Arcangelo et de Jonathan Cohen
Le site de Chloe Chua


Sébastien Gauthier

 

 

 

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