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08/29/2020
Florentine Mulsant: Amers, opus 4 [1] – Huit pièces, opus 6 [2] – Uno, opus 8 [3] – Passacaille, opus 29 [2] – Sept lumières fugitives, opus 55 [3] – Blue Toccata, opus 66 [1] – Sept Préludes, opus 70 [1] – Six Préludes, opus 77 [1] – Onze Préludes, opus 78 [2]
Lydia Jardon [1], Alexandra Matvievskaya [2], Lorène de Ratuld [3] (piano)
Enregistré en public en l'église Saint Paul-Aurélien, Ouessant (5-8 août 2019) – 111’06
Album de deux disques AR RE-SE 2019-8





Florentine Mulsant est née le 27 mars 1962. Après des études d’harmonie, de contrepoint, d’analyse et d’orchestration au Conservatoire de Paris, elle a enseigné de 1991 à 1998 l’écriture musicale à l’Université de la Sorbonne. Compositrice de talent, elle a remporté plusieurs concours et obtenu plusieurs distinctions comme le premier prix de composition à la Schola Cantorum dans la classe d’Alain Gaussin. Elle a reçu en 2019 le grand prix SACEM compositeur de l’année, catégorie musique classique contemporaine. Fort varié, le catalogue de ses œuvres, comprenant quatre-vingt-treize opus, comprend aussi bien des pièces pour instrument seul (piano, violon, violoncelle, flûte et orgue), pour ensemble instrumental que pour la voix, ainsi notamment un cycle de mélodies pour soprano, flûte et piano.


Le double album dont nous rendons compte ici, composé de quarante-trois pièces entièrement dévolues au piano dont trois interprètes se partagent l’exécution, est joué uniquement par des pianistes femmes, répondant ainsi à la volonté de la compositrice de valoriser la place de celles-ci dans les domaines de la création et de l’art en général. Les œuvres de Florentine Mulsant sont d’ailleurs éditées chez Furore, dont la démarche est de soutenir et de diffuser internationalement la musique des femmes.


Notons d’emblée deux points importants pour saisir la démarche de la créatrice: parler avec ses interprètes est un aspect important de son travail car il nourrit sa compréhension de la spécificité de chaque instrument afin d’enrichir son écriture. Par ailleurs, notre compositrice ne considérant l’œuvre terminée qu’après sa publication, la maturation d’un enregistrement comme celui-ci peut être longue, comme on le constate aux dates de composition de certaines pièces allant de 1984 pour l’Opus 4 au récent Opus 78 (2018), en passant par l’Opus 8 datant de 1992 ou l’Opus 29 composé en 2004.


Concernant son esthétique, on peut relever deux influences notables, celle de l’Ecole française du XXe siècle (de Debussy à Dutilleux) et celle de la musique post-sérielle. A propos de cette dernière, on remarquera qu’en 1999, Florentine Mulsant participa avec son amie, la musicologue Ivanka Stoïanova, à des classes de maître de Karlheinz Stockhausen à Kurten en Allemagne.


Pour la présente publication, dans la mesure où le matériau sonore est considéré comme une source d’inspiration, la compositrice choisit le piano tout autant pour les possibilités expressives de l’instrument, la richesse de ses harmonies, de ses nuances, de ses couleurs, que pour l’intimité qu’il offre. Ce n’est pas un hasard si le piano est l’instrument privilégié du lied allemand ou de la mélodie française. Ce choix répond à l’attention particulière que porte la compositrice à la spécificité de chaque instrument qu’elle sollicite et du respect de son identité propre: «Je respecte toujours l’identité de chaque instrument désigné et "rentre" dans la couleur musicale proposée», comme Giacinto Scelsi voulait "rentrer" dans le son, cœur vibratoire de l’art.


Aucune emphase dans le langage pianistique, dominé par l’alternance entre la tension et la détente, et malgré la fougue qui parfois surgit, embrassant toute l’étendue sonore de l’instrument et toutes ses possibilités techniques, rendant différents climats où la virtuosité n’est jamais gratuite. En outre, Florence Mulsant emprunte aux formes classiques telles que la baroque passacaille, le prélude, dans la lignée de Bach et de Chopin (un cycle de vingt-quatre préludes est d’ailleurs réparti successivement dans les Sept Préludes opus 70, les Six Préludes opus 77 et les Onze Préludes opus 78) et adopte volontiers les titres évocateurs à la manière de Debussy (Amers, Sept lumières fugitives, Blue Toccata).


Autre particularité de la pensée musicale de Florentine Mulsant: «si une œuvre s’appuie sur une référence littéraire, cela sera déterminant pour son sens. S’il n’y a qu’un paramètre musical, c’est le choix du matériau et de son développement ou de la forme et la combinaison des deux qui justifiera son sens. Certes la réaction émotionnelle est à prendre en compte, mais elle n’est pas une fin en soi.» Aussi certaines pièces de ce disque ont-elles recours à un argument littéraire comme Amers, qui puise dans la poésie de Saint-John Perse, tandis que d’autres, telles que Huit pièces, démontrent que la musique se suffit à elle-même, avec son matériau propre.


L’intelligence d’écriture de ce double album transparaît donc dans la recherche d’un équilibre formel et d’une cohérence musicale. En travaillant sur le matériau thématique, sur les résonances, en s’appropriant les formes comme dans la libre variation Uno, Florentine Mulsant sait user d’un langage varié qui est à la fois poésie vivante et qui sait s’en extraire. A la recherche d’une certaine quintessence, fidèle à l’esprit webernien, elle privilégie dans l’ensemble la forme brève et la concision extrême, rendant des états d’âme fugaces sans volonté descriptive, empêchant ainsi l’interprétation abusive.


Une réussite, en somme, où l’on sent l’entente musicale entre la créatrice et ses trois interprètes, Alexandra Matvievskaya, Lorène de Ratuld et Lydia Jardon, à qui Blue Toccata a été dédiée.


Le site de Florentine Mulsant
Le site de Lydia Jardon
Le site de Lorène de Ratuld


Jessica Naïm

 

 

 

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