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07/29/2020
«Parole e Testi»
Salvatore Sciarrino : L’alibi della parola [1] – Tre canti senza pietre [2]
Luigi Nono : Polifonica–Monodia–Ritmica [3a, 3b] – Sarà dolce tacere [4]

Mitglieder des Landestheater-Orchesters Darmstadt, Hermann Scherchen (direction) [3a], Schola Heidelberg [1, 2, 4], ensemble aisthesis [3b], Walter Nussbaum (direction) [1, 2, 3b, 4]
Enregistré à Darmstadt (10 juillet 1951) [3a], Bad Dürkheim (24-27 mai 2003) [2, 4] et Francfort (7 et 9 février 2005 [3b] et 25 et 26 juin 2007 [1]) – 68’39
Divox CDX-21701 – Notice très savante (en anglais et allemand)


Sélectionné par la rédaction






Le chef d’orchestre et musicologue Walter Nussbaum est à la manœuvre dans cet enregistrement qui présente, en première mondiale, la version originale complète de Polifonica –Monodia –Ritmica de Luigi Nono (1924-1990). En effet, l’œuvre fut substantiellement abrégée par Hermann Scherchen – sans l’aval de qui que ce soit – lors de la création à Darmstadt le 10 juillet 1951. L’opéra Le Roi Cerf de Hans Werner Henze subira en 1956 les mêmes traitements de la part de celui que les musiciens surnommaient «le dictateur rouge» – Henze devait quelques années plus tard lui rendre mépris pour mépris en s’abstenant de saluer le chef dans un restaurant londonien (cf. ses mémoires Reiselieder mit böhmischen Quinten).


La notice, très pointue, retrace la genèse de la partition, nous édifiant sur son matériau mélodique qui, contre toute attente, s’inspire... d’une chanson brésilienne! Quand on sait que ce sont précisément les arias que Scherchen caviarda dans l’opéra de Henze, on situe d’emblée l’origine de sa réaction épidermique. Mais la notice cherche manifestement à exonérer sa conduite, mettant cette manie (regrettable) sur le compte de son expérience de «la musique nouvelle» (et des attentes qu’elle suscitait), de son prosélytisme et de son pragmatisme. On découvre une œuvre non seulement plus longue – 18 minutes au lieu de 8 – mais surtout moins âpre qu’attendue bien qu’obéissant à la combinatoire du sérialisme. Il faut monter le volume de votre chaîne pour entendre les premiers sons, lesquels (notes répétées, expressivité viennoise) évoquent Schoenberg – là où Kreuzspiel (1951) de Stockhausen évoque davantage Webern. «Monodica», sans doute le mouvement le plus écourté par Scherchen, frappe par la sensualité du colloque dispensé par la flûte et le saxophone sur un suave tapis de cymbale. Il faut dire que Walter Nussbaum dirige moins en garde barrière qu’en musicien. «Ritmica», qui fait davantage office de postlude, fut le mouvement le plus épargné par les ciseaux du «dictateur rouge» si l’on compare avec l’enregistrement d’archive de la création proposé en «bonus track» (déjà disponible dans le coffret de quatre disques «50 Jahre neue Musik in Darmstadt» publié par col legno).


Dans Sarà dolce tacere pour double chœur sur un texte de Cesare Pavese (1960), Nono éclate la mélodie en différentes durées, dynamiques et couleurs vocales, un procédé que Salvatore Sciarrino (né en 1947) reprend peu ou prou à son compte dans L’alibi della parola à quatre voix (1994). La première pièce, dont les lambeaux mélodiques et le parler d’outre-gorge rappellent A-Ronne (1974) de Luciano Berio, laisse la place, dans la deuxième pièce, à des phonèmes mécaniques ânonnés. La troisième, sur un texte de Pétrarque, renoue avec la vocalité idiomatique de Sciarrino, alternant notes tenues et débit précipité en une sorte de récitatif réinventé. La dernière pièce investit le monde du rêve par le truchement d’un certain maniérisme issu des madrigalistes des XVI et XVIIe siècles, comme le souligne Jan Kopp. L’art de la Schola Heidelberg se montre en tout point digne du Hilliard Ensemble, dédicataire de l’œuvre.


Les Tre canti senza pietre à sept voix (1999), avec un contre-ténor solo censé placer un mouchoir entre ses lèvres afin de produire un son congestionné, investit à dessein le segment de «semi-intelligibilité». On regrettera au passage le texte (non traduit en français) bien hermétique du compositeur lui-même, qui éclaire moins qu’il n’obscurcit sa musique, laquelle gagne en l’espèce à être écoutée de manière virginale. Rétrospectivement, on ne peut s’empêcher de percevoir ces deux pièces chorales comme des études au futur Carnaval pour cinq voix et dix instruments de 2011, quintessence d’un art parvenu à son ultime degré d’achèvement.


Jérémie Bigorie

 

 

 

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