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10/06/2019
Nicolas Bernier : Médée, cantate du Quatrième Livre
Jean-Joseph Mouret : Concert de chambre (Premier Livre)
Thomas-Louis Bourgeois : Ariane, cantate du Premier Livre

Ensemble La Française: Marie Remandet (soprano), Aude Lestienne (flûte), Shiho Ono (violon), Jean-Baptiste Valfré (violoncelle), Kazuya Gunji (clavecin)
Enregistré en la Chapelle de l’Hôpital de Fourvière, Lyon (octobre 2017) – 55’
Polymnie POL 503 134 (distribué par DistrArt) – Notice (en français et en anglais) de Catherine Cessac





Parmi les noms qu’il convient de retenir parmi les grands mécènes du début du XVIIIe siècle, celui de la duchesse du Maine doit assurément figurer en bonne place. Issue de la plus haute lignée – pensez! petite-fille du grand Condé et fille de Monsieur le Prince, premier prince du sang! –, Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon (1676-1753) fut l’épouse du duc du Maine, qui n’était autre que le fils aîné légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan. Ensemble, ils acquirent le château de Sceaux, qui fut le lieu de fêtes somptueuses dues à l’extravagante maîtresse de maison, qui n’hésita d’ailleurs pas à mettre en péril les finances du ménage pour ce faire. Comme le rappelle Olivier Baumont (magnifique claveciniste mais également, rappelons-le, connaisseur érudit de la musique du Grand Siècle sur laquelle il a écrit plusieurs ouvrages, dont ce très beau «A l’opéra, monsieur», La musique dans les Mémoires de Saint-Simon (Gallimard, octobre 2015), «Toute la cour accourait chez la duchesse du Maine "à qui toute compagnie étoit bonne, pourvu qu’on fût abandonné à ses fêtes, à ses nuits blanches, à ses comédies, et à toutes ses fantaisies"», citant à cette occasion le grand mémorialiste.


Le présent disque rend donc hommage à la duchesse du Maine avec deux cantates dues respectivement à Nicolas Bernier (1664-1734) et Thomas-Louis Bourgeois (1676-1750), et un Concert de chambre de la plume de Jean-Joseph Mouret (1682-1738). Le premier, habitué des «nuits de Sceaux» organisées par la duchesse du Maine, a écrit une quarantaine de cantates publiées au fil de sept livres, entre 1703 et 1723, ainsi que deux divertissements pour les nuits de Sceaux. D’origine belge, Bourgeois fut pour sa part à la fois chanteur et compositeur; il a notamment laissé un opéra-ballet en un prologue et trois entrées, Les Amours déguisés (1713), qui a connu un certain succès. Quant à Mouret, il occupa notamment les fonctions de surintendant de la musique au service de la Duchesse à partir de 1708 ou 1709 et devint, pour reprendre l’expression d’Edmond Lemaître, «l’âme des fêtes somptueuses» données à Sceaux (Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Fayard, 1992, p. 482).


Première œuvre au programme, la cantate Médée (1703) nous dépeint les emportements de la terrible magicienne contre son infidèle Jason, le prélude en mi mineur (qui est également la tonalité du dernier air) confié au violon permettant à ce dernier d’aligner les traits véloces, propre à illustrer le tempérament rageur de l’héroïne. Marie Remandet incarne parfaitement la diversité des états d’âme requis, l’accompagnement (principalement le violon tenu par Shiho Ono mais également la flûte d’Aude Lestienne, notamment dans le passage «Ingrat ta cruelle inconstance», où la colère cède le pas aux regrets attristés d’une liaison qui a pris fin) étant au diapason de chaque épisode de cette cantate typique du répertoire de l’époque, Médée ayant notamment été le personnage d’une cantate de Clérambault et une protagoniste importante dans Thésée de Lully. Véritable intermède entre les deux cantates au programme de ce disque, le Concert de chambre (1734) de Mouret permet aux deux solistes (violon et flûte) de dialoguer avec le soutien infaillible d’une basse continue tenue par Jean-Baptiste Valfré (violoncelle) et Kazuya Gunji (clavecin). On remarquera en priorité la très belle «Venissienne», dont les premiers traits puisés dans le registre medium sont interprétés avec une grâce indéniable, des «Passepieds» des plus enjoués ainsi que de très entraînants «Tambourins», aux sonorités dignes de Telemann. Si l’on reste attaché au disque qu’avait enregistré à l’été 2004 Isabelle Desrochers (une aubaine qui réunit quatre cantates de Bourgeois, Ariane, Le Berger fidèle, L’Amour et Psyché ainsi que Phèdre et Hippolyte, les deux dernières requérant en plus une voix masculine en la personne de Thibaut Lenaerts) pour le label Musique en Wallonie, avouons que la présente interprétation d’Ariane nous convainc davantage. Non pas que la voix de Marie Remandet soit tellement supérieure (encore que sa diction soit plus compréhensible) mais surtout en raison d’un accompagnement instrumental beaucoup plus impliqué. Les deux cordes et le clavecin nous emportent littéralement dans le premier air «Déserts où m’abandonne un ingrat», le chant (particulièrement remarquable ici) alliant la contradiction classique entre un amour encore ardent et une soif de vengeance tout aussi brûlante. Cordes et flûte à l’unisson pour l’accompagnement de l’air «Mille trompettes éclatantes» achèvent de nous convaincre qu’on tient là un disque du plus haut niveau, qui apporte au surplus une pierre non négligeable à notre connaissance du Grand Siècle finissant.



Signalons enfin l’instructive (mais brève) notice de Catherine Cessac, qui a écrit un très bel ouvrage sur la duchesse du Maine (La Duchesse du Maine (1676-1753) - Entre rêve politique et réalité poétique), réédité en 2016 chez Garnier.


Le site de l’ensemble La Française


Sébastien Gauthier

 

 

 

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