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05/08/2019
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 39 en mi bémol majeur, K. 543 – Concerto pour piano n° 20 en ré mineur, K. 466 – Divertimento n° 15 en si bémol majeur «Deuxième musique de nuit lodronienne», K. 271H [287]
Clara Haskil (piano), Philharmonia Orchestra, Herbert von Karajan (direction)
Enregistré en public dans la Grosser Saal du Mozarteum de Salzbourg (28 janvier 1956) – 81’08
Album de deux disques Belvedere 10152





Herbert von Karajan (1908-1989) et Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791): on pourrait en écrire des pages et des pages... Contentons-nous de dire, en guise d’introduction, que ce double disque est le reflet d’un concert donné le 28 janvier 1956 à Salzbourg par l’Orchestre Philharmonia, dans le cadre des festivités du bicentenaire de la naissance du compositeur. Comme on va le voir, rien de bien neuf sous le soleil dans la mesure où les trois œuvres enregistrées ici ont déjà fait l’objet de publications sous diverses étiquettes mais regardons-y néanmoins de plus près.


La Trente-neuvième Symphonie fait partie des œuvres qui ont véritablement jalonné la carrière de Karajan, de son enregistrement viennois datant de la fin du mois d’octobre 1949 réalisé au Musikverein sous la houlette de Walter Legge (publié notamment au sein de la «Karajan Edition» chez EMI Classics) au tardif témoignage de mai 1988 capté avec le Philharmonique de Berlin au Suntory Hall de Tokyo, au cours de leur dernière tournée japonaise commune (Deutsche Grammophon), sans compter trois autres enregistrements berlinois respectivement réalisés en 1970, 1976 et 1987. Le premier enregistrement frappe davantage par son énergie que par ses strictes qualités musicales même si les solistes du Philharmonia de la grande époque sont excellents, à commencer par les bois (Walton sans doute à la clarinette dans le Menuet). Sans pesanteur aucune, l’Adagio introductif ouvre la voie à un Allegro conquérant et bien enlevé, caractères que l’on retrouve avec bonheur dans un quatrième mouvement peut-être un rien empressé mais dont l’énergie est communicative. A la limite, on pourra regretter un legato un peu trop prononcé dans l’Andante con moto (à 3’32 notamment) mais la qualité des bois là encore surpasse allègrement cette légère lourdeur pourrait-on dire...


Les témoignages de concerts donnés en commun entre Karajan et la pianiste roumaine Clara Haskil ne sont pas légion! Sauf erreur, on n’en compte que deux: un Quatrième Concerto de Beethoven et ce Vingtième Concerto de Mozart. Si cette partition est un classique pour Haskil (qu’elle a notamment enregistré sous la direction d’Igor Markevitch et de Ferenc Fricsay), elle n’a semble-t-il été enregistrée qu’une seule autre fois par Karajan, le soliste étant alors Wilhelm Kempff lors d’un concert donné le 21 janvier 1956 au Gemeindehaus de Berlin, avec les Berliner Philharmoniker, soit tout juste une semaine avant la présente gravure, cet enregistrement berlinois ayant d’ailleurs fait l’objet de deux éditions chez Audite (95.602) et chez Memories Reverence (MR 2256). Dans sa biographie du grand chef d’orchestre, Richard Osborne cite le souvenir d’une journaliste américaine qui venait spécialement à ce concert du Mozarteum pour découvrir «le nouveau Toscanini» et qui a surtout gardé le souvenir de la plus grande mozartienne qu’elle ait jamais entendue. Sans peut-être totalement adhérer à ce propos, force est de constater que la présence de Clara Haskil, à travers un jeu conquérant et où l’on ne perçoit jamais la moindre fragilité (alors que Karajan, qui l’adorait, veillait paraît-il sans cesse sur elle, s’inquiétant de sa si faible stature). Si le premier mouvement, pris à une assez vive allure, frappe moins par sa noirceur que par son énergie (à partir de 7’ par exemple), c’est surtout la cadence qui est remarquable: la force furieuse avec laquelle elle est conduite, son originalité également, restent à l’esprit. Délivré avec un legato très maîtrisé par Karajan, le deuxième mouvement met Haskil à nu: le toucher est retenu, mais jamais hésitant, le son prend toujours le temps de s’épanouir sans lui donner trop de résonnance, et le discours avance, sans là non plus jamais être larmoyant. Même si quelques anicroches pianistiques émaillent l’Allegro vivace assai conclusif, on reste happé par cette interprétation très conquérante, avec une soliste au jeu parfois un peu dur dans son appréhension, non dans son jeu, les applaudissements qui s’en suivent saluant une interprétation des plus convaincantes.


Qui pourrait croire que le Divertimento K. 287 de Mozart a également fait partie de ces œuvres auxquelles Karajan est sans cesse revenu? Car, outre le fait qu’il l’a donné en concert dès le mois de février 1941 avec la Staatskapelle de Berlin (entre un Troisième Concerto de Rachmaninov joué par Gieseking et Mort et Transfiguration de Strauss), le chef autrichien l’a successivement enregistré avec le Philharmonia en mai 1955 juste avant une tournée américaine, puis avec le Philharmonique de Berlin le 19 août 1965 (à la fameuse Victoriasaal de l’hôtel La Reine Victoria à Saint Moritz) et, enfin, en septembre 1987. Ajoutons à cela deux témoignages de concerts respectivement donnés à Londres (au Royal Festival Hall, le 15 mai 1972, l’enregistrement étant paru chez Testament accompagné du Sacre du Printemps) et à Tokyo, au Suntory Hall, le 18 octobre 1984, en ouverture d’un programme qui comprenait également Don Juan de Strauss et Les Pins de Rome de Respighi (l’enregistrement vidéo jadis publié chez Sony étant désormais visible sur YouTube). Le disque vinyle paru avec le Philharmonia (qui y associe la Symphonie «Haffner») est fort instructif pour la présente écoute puisque non seulement il est illustré par une photo prise lors de ce concert donné au Mozarteum de Salzbourg mais il est par ailleurs enrichi de la liste des musiciens qu’on peut entendre à cette occasion: l’orchestre bénéficie de cordes conséquentes (au nombre de quarante, le tardif Karajan du Suntory Hall n’ayant alors opté que pour deux contrebasses contre quatre dans le présent disque) et de deux cornistes dont Dennis Brain (l’autre étant tenu par Neill Sanders). Attention néanmoins puisque sur les six mouvements que compte le Divertimento, manquent à l’appel l’Andante grazioso con variazioni et le premier Menuetto, ce qui explique que le minutage de ce second disque soit de 25 minutes et non de presque 35. La dextérité des premiers violons emmenés par le charismatique Manoug Parikian (étincelant dans ses interventions solistes, notamment dans l’Allegro molto conclusif) confère à l’ensemble une légèreté incroyable. Les tempi sont généralement vifs (5’52 dans le premier mouvement, Karajan l’ayant toujours pris à bonne allure puisque celui-ci fait par exemple un peu plus de 6’10 lors du concert japonais susmentionné) mais toujours cohérents, les contrastes étant bien marqués tant au niveau de la vitesse que de l’effectif orchestral. Même si la cohésion des cordes n’est pas celle de Berlin (encore que l’Adagio soit d’une finesse à vous faire frissonner), l’interprétation bénéficie d’une incontestable fraîcheur et de sonorités remarquables (les interventions millimétrées des deux cors).


Deux beaux disques mais, soyons honnête, qui raviront surtout les admirateurs de la soliste et du chef, ce qui, certes, fait déjà sans doute beaucoup.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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