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08/21/2017
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano et orchestre n° 27 en si bémol majeur, K. 595 (*)
Johannes Brahms : Symphonie n° 2 en ré majeur, opus 73

Robert Casadesus (piano), Orchestre du Festival de Lucerne (*), Wiener Philharmoniker, Carl Schuricht (direction)
Enregistré en concert au Kunsthaus de Lucerne (19 août 1961 [*] et 8 septembre 1962) – 70’31
Audite 95.645 – Notice (en anglais) de Wolfgang Stähr





Carl Maria von Weber : Euryanthe, opus 81, J. 291: Ouverture
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano et orchestre n° 3 en ut mineur, opus 37
Johannes Brahms : Variations sur un thème de Haydn, opus 56a (*) – Symphonie n° 3 en fa majeur, opus 90

Géza Anda (piano), Kölner Rundfunk-Sinfonie-Orchester, Hans Knappertsbusch (direction)
Enregistré en public dans les studios de la Westdeutscher Rundfunk, Cologne (14 mai 1962 et 10 mai 1963 [*]) – 112’40
Album de deux disques Orfeo C 916 172 A – Notice (en allemande et en anglais) de Gottfried Kraus





Ces deux albums nous ramènent quelques décennies en arrière en nous permettant d’écouter deux figures majeures de la direction d’orchestre du XXe siècle, en la personne de Carl Schuricht (1880-1967) et de Hans Knappertsbusch (1888-1965). Autant dire une autre époque puisque le style attaché à ces grands chefs a aujourd’hui disparu, même les tenants de la «grande tradition allemande» s’en étant fortement éloignés. Deux chefs donc mais dans des répertoires assez similaires (un concerto pour piano et une symphonie de Brahms), issus tous deux d’une même génération de Kapellmeister, enregistrés en concert à la tête d’orchestres aux traditions là aussi assez solidement établies: et pourtant, que de différences!


Car, commençons par les concertos, autant la collaboration entre Géza Anda et Knappertsbusch est chaotique, autant celle unissant Robert Casadesus et Schuricht est évidente. La conduite de l’orchestre est évidemment bien différente : pesante voire lourde du côté de chez «Kna» – le troisième mouvement (Rondo. Allegro) est assez édifiant à cet égard –, aérienne et enlevée chez Schuricht, bénéficiant au surplus d’un meilleur orchestre comme en témoigne d’emblée un excellent pupitre de cordes. Mais c’est surtout l’entente entre le chef et le soliste qui frappe l’oreille. Anda, qui n’est d’ailleurs peut-être pas dans un de ses meilleurs jours (quelques problèmes de justesse lors de son entrée dans le premier mouvement, une main gauche généralement lourde voire brutale, même si la prise de son y est peut-être pour quelque chose), souhaite visiblement avancer mais la résistance de l’orchestre est assez forte: même si le résultat fonctionne parfois assez bien (une vraie poésie dans l’Allegro con brio initial à partir de 8’ avant une cadence des plus rêveuses ou l’ensemble du troisième mouvement, finalement pas si désagréable...), on ne conseillera cette version que pour les inconditionnels soit du pianiste, soit du chef. A Lucerne, le climat s’avère tout autre: le toucher de Casadesus, mozartien ô combien reconnu, se caractérise par une délicatesse (la reprise du thème après la cadence, dans le troisième mouvement, par exemple) et une luminosité qui font tout le prix de cette gravure, accompagné par un orchestre aérien en dépit de ses effectifs conséquents (la générosité des cordes au début du dernier mouvement ne laisse guère de doute à cet égard).


Cette différence de style se ressent encore davantage dans les symphonies de Brahms, la Troisième pour Knappertsbusch, la Deuxième pour Schuricht. Le premier témoignage est important puisqu’il s’agit de la seule gravure de la Troisième Symphonie qu’ait donnée Knappertsbusch à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio de Cologne, un autre concert (du 8 mai 1953 cette fois-ci) à la tête du même orchestre étant consacré à la Quatrième. Cette gravure (déjà parue sous l’étiquette Memories Reverence) rejoint ainsi les témoignages que le grand chef a laissés à la tête du Philharmonique de Berlin (dont la parution reste aujourd’hui sujette à caution) et du Philharmonique de Vienne dans un concert donné au festival de Salzbourg le 26 juin 1955 (Seven Seas). L’attaque du premier mouvement est hiératique et vieillotte au possible et, même si l’on peut se laisser porter par un indéniable sens de la progression (le même mouvement, à partir de 4’05), c’est la lourdeur qui sert de fil conducteur. Heureuse surprise que les deux mouvements suivants, dont un Poco Allegretto lyrique sans épanchement inutile: il faut dire que le contraire s’accorderait mal avec la personnalité de Knappertsbusch... L’Allegro conclusif en revanche retombe dans cette lenteur excessive, certains passages s’avérant particulièrement engoncés (à 5’03), que ne gomme guère la grande noblesse qui parfois s’en dégage.


Schuricht étonne au contraire, sinon par la fougue, du moins par l’évidente jeunesse avec laquelle il dirige les Wiener Philharmoniker dans une Deuxième Symphonie de Brahms que l’on pourrait qualifier d’étincelante, témoignage à ne pas confondre avec sa gravure en studio à la tête des Wiener en 1953 (parue individuellement chez Decca, reprise récemment dans un coffret «The Complete Decca Recordings»). On n’ira chercher dans ce concert ni lyrisme éperdu, ni perfection orchestrale même si l’orchestre (tant dans ses pupitres de cordes que dans ses individualités, spécialement chez les bois) est très bon. Mais l’interprétation se caractérise avant tout par une justesse d’approche de chaque instant: en dépit d’un rubato parfois légèrement excessif, le premier mouvement s’épanche avec de belles couleurs, conduisant ainsi le plus naturellement du monde vers un Adagio non troppo très allant, l’Allegretto grazioso se parant de couleurs champêtres bienvenues avant que le dernier mouvement (même s’il a parfois tendance à s’emballer quelque peu, comme on peut l’entendre à partir de 5’40) ne conclue l’œuvre de façon extrêmement solaire. Les admirateurs de Schuricht (et pas seulement eux sans doute) iront donc sans hésitation écouter ce très beau témoignage helvétique (complétant par exemple sa superbe Troisième Symphonie de Brahms parue chez Hänssler), la notice d’accompagnement (riche comme toujours mais en anglais seulement) étant fort éclairante sur la participation de Schuricht au festival de Lucerne.


Enfin, qu’on nous permette, en complément des deux témoignages précédemment mentionnés de Knappertsbusch, de passer rapidement sur l’ouverture d’Euryanthe de Weber, laborieuse et sans élan, ainsi que sur des Variations sur un thème de Haydn qui, bien que là aussi prises lentement, s’avèrent au contraire assez séduisantes en raison de cordes d’une grande beauté, portées par des pupitres de basses extrêmement convaincants. Un témoignage en demi-teinte donc après une résurrection beethovénienne tout aussi discutable (voir ici).


Sébastien Gauthier

 

 

 

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