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07/16/2017
«A British Promenade»
York Bowen : Arabesque
Herbert Howells : Prélude pour harpe
Granville Bantock : Hamabdil (Hebrew Melody) pour violoncelle et harpe
Cyril Scott : Celtic Fantasy
Eugene Goossens : Deux Ballades, opus 38
Traditional folk song : Scarborough Fair (arr. David Watkins)
Grace Williams : Hiraeth (Longing)
Lennox Berkeley : Five Herrick Poems, opus 89 – Nocturne for harp, opus 67 n° 2
Edmund Rubbra : Discourse pour violoncelle et harpe, opus 127
Benjamin Britten : Suite pour harpe seule, opus 83 – Canticle V: The Death of Saint Narcissus, opus 89

Michael Bennett (ténor), Ophélie Gaillard (violoncelle), Sandrine Chatron (harpe)
Enregistré à Paris (mai 2016) – 78’25
Aparté AP140 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de Laura Tunbridge





Après une évocation du «Salon de musique de Marie-Antoinette» et un programme consacré à André Caplet et à trois de ses contemporains (Ambroisie), Sandrine Chatron, harpe solo de l’Orchestre philharmonique des Pays-Bas et membre de l’Ensemble Calliope, propose un troisième programme destiné à mieux faire connaître certains compositeurs d’outre-Manche, toujours dans le cadre du répertoire de la harpe. Deux pièces écrites pour violoncelle et harpe bénéficient de la présence chaleureuse d’Ophélie Gaillard, et Michael Bennett, ténor engagé de pure tradition anglaise, prête sa voix aux mélodies de Berkeley et au «canticulum» de Britten. Une prise de son claire et aérée proche des exécutants accentue le relief et met en valeur la haute précision d’une prestation réussie.


Si, au cours de la première moitié du siècle dernier, la harpe galloise et la petite harpe anglo-irlandaise pouvaient attirer l’attention des compositeurs qui cherchaient un retour aux sources d’une identité nationale, la plupart des pièces retenues doivent leur existence en premier lieu aux instrumentistes à qui elles se destinaient. Sinueuse et scintillante douce tout en évitant le piège de la sentimentalité, l’Arabesque (1932) de York Bowen (1884-1961), par exemple, fut écrite pour Gwendolin Mason, harpiste célèbre en son temps dont le nom reste attaché à un enregistrement d’Introduction et Allegro dirigé par Ravel lui-même à Londres en 1923. C’est pour Sidonie Goossens que son frère Eugene Goossens (1893-1962) composa les deux Ballades (1924) et Cyril Scott (1879-1970) la Fantaisie celte (1926), pièce qui ne se relie que par son titre à la tradition car son inspiration semble fugitivement orientale et plus sûrement française, voire debussyste. La Seconde Ballade de Goossens, peut-être plus percussive, exploite effectivement deux jolis motifs mélodiques de source d’apparence populaire mais les ruissellements de glissandi et les carillonnants arpèges perlés de la Première explorent les possibilités plus classiques de l’instrument.


Certaines pièces, cependant, se relient plus directement à la tradition populaire. Le mélancolique Hiraeth (Désir) pour harpe exprime la nostalgie ressentie pour son pays natal par la compositrice Grace Williams (1906-1977) qui, sur des modes traditionnels, adopte un style de jeu qui égrène la ligne mélodique et les arpèges d’accompagnement dans un pur esprit gallois. David Watkins, harpiste et compositeur anglais, renoue avec ses lointaines origines galloises en adoptant en contrepoint ce même style pour l’accompagnement qu’il conçut à la harpe pour Scarborough Fair, ancienne ballade anglaise toujours appréciée. Le touchant Prélude (1915) de Herbert Howells (1892-1983), né près du Pays de Galles, illustre par certains côtés ces mêmes caractéristiques bien que l’écriture laisse deviner une formation de musicien de clavier.


Associer des cordes frottées aux cordes pincées reste encore de veine traditionnelle mais les fragrances hébraïques de Hamabdil (1917) de Granville Bantock (1868-1946) illustrent plutôt ses propres goûts pour un certain orientalisme en particulier et le dépaysement en général. Le douloureux thème modal est confié au violoncelle avec la harpe en écho ou en ombre. Pour le même effectif, la pièce d’Edmund Rubbra (1901-1986) annonce une nouvelle génération de compositeurs, héritiers des précédents mais d’esprit plus moderniste. Discourse (1969) propose un dialogue entre la voix lyrique du violoncelle et les surprenants accords pleins ou brisés d’une harpe plus querelleuse parfois à la limite de la dissonance. Une réconciliation n’intervient qu’in fine.


Composées pour le harpiste gallois Osian Ellis, les deux pièces de Lennox Berkeley (1903-1989 et les deux de Benjamin Britten (1913-1976) ouvrent sans aucun doute les plus belles perspectives de cette flânerie britannique. Au travers des cinq volets de la Suite pour harpe seule (1969), qui vont de l’exubérant à l’introspectif, Britten révèle toutes les splendeurs d’une harpe mobile, fluide, poétique et mystérieuse. Peut-être sans vraiment innover sur le plan technique, il fait sonner la harpe d’une manière très personnelle. Il multiplie les voix à la verticale, il crée des liens motiviques entre les mouvements, il varie la mesure et joue avec les rythmes toujours au nom d’une juste expressivité. Sandrine Chatron défend admirablement bien l’ensemble de l’œuvre comme elle défend le bref Nocturne (1967) de Berkeley qui, exploitant joliment les procédés classiques de la harpe, laisse une impression allégorique de nuit étoilée et d’eau vive étincelante au clair de lune.


Les Cinq poèmes de Herrick (1974) et La Mort de saint Narcisse (1974), qui associent la voix à la harpe, doivent en partie leur existence à la voix spécifique de Peter Pears. Les deux compositeurs manient avec adresse la prosodie et la métrique anglaises et la mise en musique des poèmes respectivement de Robert Herrick (1591-1674) et de T.S. Elliot (1888-1965), les deux dans une relative ambiguïté tonale et modale, ne manque ni de clarté ni d’attrait musical. La harpe enchâsse les brefs joyaux de la ligne vocale, créant les rythmes et les climats propices aux vers de Herrick qui mêlent l’amour à la nature et à la mort. La musique de Britten met en valeur chaque mot de La Mort de saint Narcisse, que l’excellente diction de Michael Bennett respecte pleinement. En contrepoint l’une de l’autre, mais non sans une subtile interpénétration, la ligne vocale s’attache par son style à la profonde spiritualité du poème et à son essence mystique, et la harpe aux images qui en surgissent, frappantes et insolites.


L’ordre des pièces au programme est à la fois logique et habile. C’est une véritable montée en puissance accentuée par des prestations toujours précises et engagées. Les amateurs de Berkeley et de Britten en particulier ne voudront pas manquer cette belle occasion d’entendre des œuvres peu souvent à l’affiche, et c’est à noter que, pour l’Arabesque de Bowen et la Fantaisie celte de Scott, il s’agit de premiers enregistrements mondiaux.


Le site de Sandrine Chatron
Le site d’Ophélie Gaillard


Christine Labroche

 

 

 

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