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08/15/2016
«Les Orphelines de Venise»
Antonio Vivaldi : Kyrie en sol mineur RV 587 – Gloria en ré majeur, RV 589 – Sinfonia al Santo Sepolcro en ré mineur, RV 169 – Credo en mi mineur, RV 591 – Concerto Madrigalesco en ré mineur, RV 129 – Magnificat en sol mineur, RV 610a

Anna Reinhold (mezzo-soprano), Les Cris de Paris, Geoffroy Jourdain (direction)
Enregistré en public à l’abbaye d’Ambronay (27-28 septembre 2015) – 65’05
Ambronay AMY 047 (distribué par Harmonia mundi) – Notice (en français, anglais et allemand) de Geoffroy Jourdain et traduction des textes chantés


 Sélectionné par la rédaction





Antonio Vivaldi : Gloria en ré majeur, RV 589 – Laetatus sum, RV 607 – Magnificat en sol mineur, RV 610a – Lauda Jerusalem, RV 609
Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (direction)
Enregistré en l’église Notre-Dame du Liban (juin 2015) – 50’31
Alpha 222 (distribué par Outhere)





Un des multiples paradoxes de la musique d’Antonio Vivaldi (1678-1741) est d’être de plus en plus connue et, dans le même temps, de susciter de plus en plus de questions... Ainsi, question pourtant a priori basique, comment interpréter sa musique religieuse?


Car, composée pour les fameux Ospedali vénitiens qu’étaient San Lazaro dei Mendicanti, Santa Maria della Pietà, l’Ospedale degl’Incurabili et l’Ospedale SS. Giovanni e Paolo dei Derelitti, institutions caritatives à destination des enfants déshérités, cette musique ne pouvait être interprétée que par des jeunes filles contrairement aux hospices napolitains, qui accueillaient en premier lieu des garçons. De fait, comment doit-on chanter des œuvres comportant des parties certes destinées à des sopranos et à des mezzos, mais également à des ténors et des basses? Sur ce point, les controverses opposent les meilleurs spécialistes et n’ont visiblement pas fini de susciter des recherches poussées de la part des musicologues. Pour H. C. Robbins Landon, il était tout à fait possible que, à l’occasion, des hommes (peut-être seulement des hommes d’église d’ailleurs) aient été invités à chanter aux côtés des jeunes orphelines (Vivaldi, Jean-Claude Lattès, p. 90). Pour Patrick Barbier, cette hypothèse «est fort peu probable», estimant plutôt que soit certaines parties étaient confiées à des jeunes femmes à la tessiture particulièrement grave (hypothèse confirmée par les écrits de Charles Burney, témoin de tout premier ordre), soit certaines parties destinées à des voix masculines étaient transposées à l’octave supérieur (La Venise de Vivaldi, Grasset, p. 113). Cette dernière hypothèse est également privilégiée par Sylvie Mamy (Vivaldi, Fayard, pp. 151 et 152).


Elle semble être également la plus plausible pour Geoffroy Jourdain et Hervé Niquet, qui dirigent tous deux un disque consacré à la musique religieuse de Vivaldi (avec comme morceaux de résistance le Gloria RV 589 et le Magnificat) en optant pour des chœurs exclusivement féminins. La confrontation était donc naturelle, voire attendue!


Sur le strict plan orchestral, Hervé Niquet est allé encore plus loin dans sa volonté de recherche «authentique» puisqu’il a exclu du Gloria les trompettes d’ouverture. Avouons qu’elles manquent et que la seule trompette requise par Geoffroy Jourdain contribue grandement à rendre tout son lustre à cette musique. Mis à part cette légère différence, les deux ensembles se valent même si les options choisies par Hervé Niquet nous semblent parfois un peu excessives – des fins de phrases souvent trop appuyées et manquant donc de naturel comme dans le «Gloria in excelsis Deo», ou l’étirement de certaines cordes dans le «Et in terra pax hominibus».


Mais la grande différence tient avant tout aux voix. Alors que Les Cris de Paris mettent en lumière quelques solistes (Anna Reinhold mais aussi l’excellente Victoire Bunel, plus mezzo que soprano à notre sens) aux côtés du chœur féminin, Hervé Niquet a tenu pour sa part à recourir à la technique dite des solistes «en chapelle», où la partie de soliste est finalement chantée par le pupitre dans son entier (comme, par exemple, le «Laudamus te» ou le «Domine Deus» du Gloria, ou le «Et exultavit» du Magnificat). S’il donne parfois des effets intéressants, le chant de chapelle ne s’avère pas ici toujours convaincant comme c’est le cas dans le «Domine Deus Agnus Dei» du Gloria. La diversité que l’on perçoit en passant d’une voix soliste à un chœur, conférant de ce fait à chaque parole religieuse un message spécifique (contrition, réjouissance, déploration, colère...), est finalement en grande partie gommée et donne à l’œuvre une uniformité qu’on regrette presque d’y trouver. De plus, les changements de tessiture opérés par Niquet ne sont pas aussi bien rendus, ni aussi naturels que chez Jourdain, notamment dans le très beau «Domine Fili Unigenite» (Gloria). Si le chœur du Concert Spirituel est toujours aussi bon, on est surtout frappé par l’excellence des Cris de Paris, par ailleurs mieux enregistrés, bénéficiant d’une clarté et d’une réverbération un peu plus grande qui conviennent parfaitement à la musique de Vivaldi.


Si les recherches des deux chefs sont tout aussi intéressantes et revigorantes l’une que l’autre, le disque dirigé par Geoffroy Jourdain nous semble plus authentique, alliant une ferveur et une verve communicatives, et donc préférable: un très bon choix pour qui ne possèderait pas encore ces œuvres dans sa discothèque.


Le site des Cris de Paris
Le site du Concert Spirituel


Sébastien Gauthier

 

 

 

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