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04/02/2016
«Lieder et pièces pour piano»
Clara Schumann : Walzer – Der Abendstern – Pièces caractéristiques, opus 5: 4. «Ballet des revenants» – Soirées musicales, opus 6: 2. «Nocturne» & 4. «Ballade» – Liebesfrühling, opus 12: 2. «Er ist gekommen», 4. «Liebst du um Schönheit» & 11. «Warum willst du and’re fragen» – Sechs Lieder, opus 13: 1: «Ich stand in dunklen Traümen», 2. «Sie liebten sich beide» & 4. «Der Mond kommt still gegangen» – Scherzo n° 2 en do mineur, opus 14 – Romance en la mineur – Variations sur un thème de Robert Schumann, opus 20 – Romances, opus 21 n° 1 en la majeur & n° 3 en sol mineur – Sechs Lieder aus «Jucunde», opus 23: 2. «An einem lichten Morgen» et 3. «Geheimes Flüstern hier und dort»

Orianne Moretti (soprano), Ilya Rashkovskiy (piano)
Enregistré à Pigna (19-21 novembre 2014) – 66’23
Correspondances Compagnie CORCOM 2015/1 (distribué par Socadisc) – Notice de Brigitte François-Sappey et d’Orianne Moretti, textes inclus





Orianne Moretti a créé en 2008 son premier «opéra de chambre», A travers Clara, qui retrace la relation, que certains disent fusionnelle, entre Clara Wieck et Robert Schumann depuis les neuf ans de Clara et jusqu’à la mort de Robert en 1856. La musique des deux compositeurs – de Clara, principalement – renforce le récit qui se fonde sur des extraits de leur correspondance et de leurs journaux intimes. Dans l’espoir d’attirer encore l’attention sur les compositions de Clara Schumann (1819-1896), Ilya Rashkovskiy rejoint la soprano pour un récital qui reprend les pièces présentées au cours du spectacle. L’ordre n’en est pas chronologique et ne groupe pas les morceaux d’un même opus. Il suit l’évolution de la relation entre les deux musiciens de ses premiers balbutiements, touchée par la musique, par la passion et par la grâce, jusqu’à son aboutissement tragique, au travers des humeurs des pièces pour piano et des lieder et au travers des paroles des poètes mis en musique par Clara. Le lied Abendstern de 1834, hymnique et touchant, vient ainsi en appui des années 1850 si difficiles. La troisième des Romance de l’Opus 21 (1853), sous-tendue de passion, brillante et affirmée, souligne la félicité des premières années de vie commune alors que, du même opus, la première, au thème poignant, vient en grave conclusion pianistique avant le lied «Ich stand in dunklen Traümen» (1842-1844) qui met fin au récital sur les paroles de Heine: «Hélas, je ne puis croire que je t’ai perdu».


La voix de soprano mozartien un peu charnue d’Orianne Moretti convient bien aux lieder de Clara Schumann par sa relative fraicheur. Malgré une légère tendance à attaquer les aigus par en-dessous, son timbre particulier n’est pas sans charme et la soprano, actrice à ses heures et pénétrée du drame schumannien qu’elle souhaite transmettre, se donne avec sensibilité au rôle qu’elle veut incarner, sans forcer le trait, tout pathos sagement proscrit. Walzer (1834), le premier des dix lieder inscrits au programme, frappe par sa délicieuse légèreté insouciante due en partie aux voyelles du poème éclatées en cascades qui prennent un tourbillonnant appui sur la fluidité cristalline des gammes ascendantes au piano. Le piano a toute son importance dans les lieder. Clara les dote de riches textures pianistiques et, à l’instar de Robert Schumann, d’un prélude et d’un postlude de bel effet. Le talent d’Ilya Rashkovskiy, accompagnateur attentif, est un atout indéniable. Son interprétation suit la trame du récit établi par Orianna Moretti et le climat qu’elle veut instaurer. A titre d’exemple, si la mélodie traduit la passion orageuse d’«Er ist gekommen», que Moretti fait correspondre à la fin des années 1840, sous les doigts du pianiste russe, les remarquables envols d’arpèges au piano la subliment. Il s’agit du premier des trois lieder par lesquels Clara contribua au cycle Liebesfrühling (1841), l’Opus 37 de Schumann.


Les huit pièces pour piano suivent la même trame en bousculant obligatoirement l’ordre chronologique, ce qui peut mettre en évidence les constants du style techniquement brillant de Clara Schumann, toujours fluide et ferme, subtilement décoratif et expressif, ce du pittoresque du «Ballet des revenants» de 1835, haut en couleur et diaboliquement macabre, aux poignantes Variations sur un thème de Robert Schumann de 1853, hymniques, mélancoliques ou rageuses. Ilya Rashkovskiy fait bien ressortir les voix secondaires graves ou aiguës, qui, autre constante de Clara, ornent les voix principales plus qu’elles ne les soutiennent. Le Scherzo de 1841, de thème et de style très proche du prélude du lied «Er ist gekommen», est un mouvement perpétuel aux voix secondaires pleines et soignées, coupé en son milieu par un passage plus simple basé sur l’accord et non plus sur un ruissellement de notes. Son interprétation en respecte avec éclat l’esprit profondément romantique, tourmenté ou tendre, si différent du «Nocturne» des Soirées musicales (1835-1836), d’un calme dont il accuse le caractère chopinien, scintillant et baigné de lune.


Au contraire de beaucoup de femmes de son époque, Clara – autant la pianiste que la compositrice – reçut d’abord les encouragements de son père et ensuite ceux de son époux. Si son catalogue ne contient à peine plus d’une vingtaine d’œuvres et autant de partitions sans numéro d’opus, c’est d’abord parce que Clara elle-même limitait ses ambitions par son exigence et peut-être par un sens aigu des réalités. Elle abandonna définitivement la composition à la mort de Robert Schumann en 1856. Le présent enregistrement porte pourtant la preuve que Clara composait avec talent et avec sa propre vision musicale. Son style, qui peut faire penser à Mendelssohn ou à Chopin, s’affirme au fil des ans, devenant de plus en plus personnel et maîtrisé comme en témoignent ici les Romances opus 21, et les deux lieder de l’Opus 23 de 1853, parfois en total contraste avec sa vie personnelle à la même époque. Sa cause est plutôt bien défendue par ce programme qui réunit dix-huit pièces brèves avec cohérence et musicalité.


Le site d’Orianne Moretti
Le site d’Ilya Rashkovskiy


Christine Labroche

 

 

 

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