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03/19/2016
Isang Yun: Oktett – Glissées pour violoncelle seul – Trio pour clarinette, cor et basson – Monolog pour basson seul (*) – Quintett II pour clarinette et quatuor à cordes
Octuor Mirae : Jérôme Voisin (clarinette), Fany Maselli (basson), Matthieu Romand (cor), Julien Dieudegard, Blandine Chemin (violon), Sabine Bouthinon (alto), Benoît Grenet (violoncelle), Maria Chirokoliyska (contrebasse)
Enregistré en l’Eglise du Bon Secours, Paris (juin 2012) et en l’église de Mont-Saint-Vincent, Saône-et-Loire (juillet 2013 [*])) – 76’18
Label-Hérisson LH12 (distribué par Socadisc) – Notice bilingue de Mathieu Dupouy


 Sélectionné par la rédaction





Solistes et membres de grands orchestres ou ensembles pour la plupart parisiens, les musiciens de l’Octuor Mirae se sont réunis une première fois pour interpréter Oktett d’Isang Yun (1917-1995) et c’est en partie pour cette raison que Mirae («avenir» en coréen et titre d’une œuvre de Yun) devint le nom de l’octuor ensuite établi, et que leur premier enregistrement se consacre entièrement au compositeur coréen, disparu il y a tout juste vingt ans. La raison principale reste sans aucun doute la grande qualité des compositions d’Isang Yun qui trouvent un juste équilibre entre orient et occident, de tradition et d’aujourd’hui, au travers du traitement du son, des techniques de jeu et du caractère particulier de la phrase musicale. La finesse et l’intelligence de la prestation des solistes et de l’ensemble de l’Octuor Mirae est à la hauteur des exigences de ces partitions raffinées.


Les événements du XXe siècle perturbèrent à plusieurs reprises la vie d’Isang Yun et c’est seulement après son retour en Allemagne en 1969, à la suite de graves ennuis avec les services secrets sud-coréens et sa libération de leurs geôles grâce à une intervention internationale, qu’il put connaître une paix durable. Ce ne fut pas sans conséquence sur son œuvre. Actif en Asie jusqu’en 1958 puis, sans perdre son identité, actif en Europe sous l’influence de Boris Blacher, de Josef Rufer puis de Darmstadt jusqu’à son enlèvement à Berlin en 1967, sa musique était «abstraite». A partir des années 1970, si les titres relèvent de formes européennes classiques – symphonie, concerto, quatuor – et son approche du son d’une esthétique plutôt asiatique, son inspiration relève d’un humanisme profond et son écriture plus libre intègre jusqu’à des éléments d’apparence tonale. Les cinq œuvres au programme datent de cette troisième période.


Les deux pièces pour instrument seul illustrent clairement certains constants de son style. Glissées (1970) et Monolog (1983-1984) se fondent sur une succession de notes répétées qui imprime leurs couleurs à la pièce entière. Toutefois, la répétition, lyrique ou staccato, n’est jamais ni simple ni à l’identique, créant de ce fait une impression de phrase musicale complexe. Brève ou tenue, la note s’épaissit, change d’accent, de dynamique ou d’octave, accueille une ornementation poussée de plusieurs types et subit une multiplication d’effets d’attaque et d’extinction. Ainsi travaillée, elle crée sa propre résonance et se prolonge en trait, en volute, en spirale, le timbre sans cesse modifié grâce à des techniques de jeu, réelles ou écrites, tels le vibrato, le tremolo, la trille et le glissando, celui-ci parfois à peine amorcé. Pour le violoncelle, s’y ajoutent des doubles cordes, des pizzicatos secs, vibrés ou bartókiens, et des effets de bois ou d’archet, et, pour le basson, des sons multiphoniques, des effets de souffle, de langue et de clefs. En un mot, les techniques avancées ou augmentés de la musique contemporaine européenne rejoignent et amplifient des styles et des modes de jeu asiatiques séculaires. Les deux pièces sont en un seul mouvement, avec de discrètes subdivisions sensibles d’abord au niveau de légères modifications climatiques.


Plus tardif, le Trio (1992), tout aussi discrètement tripartite, accorde une grande indépendance de motif, de rythme et d’élan aux trois instruments, allant parfois jusqu’à l’hétérophonie quoiqu’avec des rencontres harmonieuses ou mélodiques à la verticale, fortuites, peut-être, mais appuyées. Le traitement instrumental et le traitement de la note au sein du motif gardent une parenté avec les effets recherchés de Monolog. Le second Quintette à cordes avec clarinette (1994) part d’une esthétique semblable mais alternent des passages très rythmés, gracieux ou guillerets, avec des passages d’une douceur statique, tendus et lyriquement expressifs. La clarinette peut s’opposer au quatuor, mais les cinq instruments gardent une certaine indépendance avant de passer à une interdépendance totale, la clarinette se mêlant subtilement alors aux sonorités des cordes.


L’intrigant Octuor (1978) à l’effectif schubertien – clarinette, basson, cor et quintette à cordes – est tout à fait typique de son auteur par son approche du son, par la structure et par le traitement instrumental. Au départ conflictuel et hétérophonique, le flux se brise pour se relancer en longs sons étirés, doux, subtilement liés, et ornés d’étincelants éclats dans l’aigu ou de slaps intempestifs aux cordes graves. Dissonante en soi, l’œuvre distille une curieuse euphonie ou se fracasse en un contrepoint agité, jamais abrasif.


La notice présente bien la vie mouvementée du compositeur et le parcours de chacun des huit musiciens. On peut regretter qu’elle ne présente pas les œuvres. L’Octuor Mirae compense par ses fines interprétations, des éclairages en soi. Les pièces mettent chaque instrumentiste en valeur, permettant une bonne appréciation de leur engagement intense.


Christine Labroche

 

 

 

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