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11/22/2015
«Heroines of the venetian baroque»
Francesco Cavalli : Le nozze di Teti e di Peleo: «Mira questi duo lumi», Sinfonia di viole a 5 & «Hor con pania e con esca» – Gli amori di Apollo e Dafne: «Volgi, deh volgi il piede» – Didone: «Didone, ohimè, non mi riceve amante» & «Re de’Getuli altero» – La virtù dei strali d’Amore: «Occhi per pianger nati» – Egisto: «Amanti, se credete» – L’Ormido: «Aprite, aprité gl’occhi» – La Doriclea: «Udite, amanti» – Giasone: «Dell’antro magico» & «Lassa, che far degg’io?» – Orimonte: «Caro Ernesto, Mia Cleanta» (version instrumentale) – Oristeo: «Dimmi Amor, che farò?» – La Rosinda: «Non col ramo di Cuma» – La Calisto: «Restino imbalsamate» & «T’aspetto, e tu non vieni» – L’Eritrea: «Ne le grotte arimaspe» – La Veremonda: «Tardano molto?» & «Che rumori, che voci?» – L’Orione: «Sinfonia a 3» – Il Ciro: «Mia vita, Mio bene» (version instrumentale) – Xerse: «Speranze voi che siete», «O stelle, a che mi sforzate», «A me il veleno?» & «Speranze, fermate» (version instrumentale) – La Statira: «Menfi, mia patria, regno» – Artemisia: «Regina, udiste mai» – Hipermestra: «Quest’è un gran caso al certo» – Elena: «Amazone non son» – Ercole Amante: «Una stila di speme» (version instrumentale), «E vuol dunque Ciprigna» & «Ma in amor ciò ch’altri fura» – Scipione affricano: «A tuo dispetto Amor» (version instrumentale) – Mutio Scevola: «Né fastosa allor che ride, Né dolente allor che freme» – Pompeo Magno: «Come al mar corrono i fiumi» – Eliogabalo: «Giuliano al tuo ferro» & « Pur ti stringo, pur t’annodo»

Mariana Flores, Marine Chaboud (sopranos), Anna Reinhold (mezzo-soprano), Igor Tchernov (contre-ténor) Cappella Mediterranea, Clematis, Leonardo García Alarcón (clavecin, orgue et direction)
Enregistré en l’église Notre-Dame de Centeilles, Siran (mai et juin 2014) – 109’55
Deux disques et livre de 124 pages Ricercar RIC 359 (distribué par Outhere) – Notice exhaustive (en anglais, français et italien) de Jérôme Lejeune, Olivier Lexa, Ellen Rosand, Jean-François Lattarico et Leonardo García Alarcón – Traduction des textes chantés


 Sélectionné par la rédaction





Bien qu’encore relativement confidentiel, Francesco Cavalli (1602-1676) sort peu à peu de l’oubli: il était temps! Car ce compositeur vénitien (bien que né à Crema, près de Milan) fut un artisan essentiel dans l’histoire de la musique classique en aidant l’opéra à sortir du cénacle privé, et strictement réservé aux élites, qui avait été rompu par la célèbre Andromeda (1637) de Ferrari et Manelli. Elève de Monteverdi, il sera rapidement compositeur et impresario du Teatro San Cassiano de Venise où il crée ses premiers opéras, tout en travaillant pour le compte du Teatro San Giovanni Crisostomo, livrant une musique voluptueuse d’une richesse incroyable grâce aux textes de Francesco Busenello (librettiste notamment de La Calisto et de La Didone) et de Giovanni Faustini. Compositeur fêté à travers toute l’Italie (jusqu’en Sicile), Cavalli l’est également à travers toute l’Europe au point de se voir commander par le cardinal Mazarin un opéra, Ercole Amante, pour les festivités célébrant le mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse: la création, en février 1662, a laissé de grands souvenirs... Ce sera le dernier coup d’éclat de Cavalli qui, écarté par l’influent Lully, se replie à Venise où il est nommé maître de chapelle à San Marco en 1668, son style perdant peu à peu l’influence qui avait été la sienne.


Comprenant vingt-sept opéras, l’œuvre de Cavalli est à redécouvrir. Si l’on a connu la célèbre production de La Calisto que René Jacobs avait dirigée à La Monnaie en 1993 dans une mise en scène de Herbert Wernicke, si l’on a pu écouter le fameux Ercole Amante salle Gaveau voilà presque dix ans ou les douces mélodies d’Egisto dirigées par Vincent Dumestre à l’Opéra Comique en février 2012, sans compter le récent Xerse dirigé il y a à peine quelques semaines par Emmanuelle Haïm à Lille, si l’on peut trouver quelques disques à notre portée (notamment un Ercole Amante dirigé par Michel Corboz chez Erato qui mériterait, en dépit de ses qualités, une interprétation plus authentique...), force est de constater qu’une vue d’ensemble de l’œuvre opératique de Cavalli faisait défaut. Le présent livre-disque, conçu sous l’autorité de Jérôme Lejeune avec le concours du Venetian Centre for baroque music, pallie désormais ce vide, et de quelle manière!


Sous la houlette de l’enthousiaste Leonardo García Alarcón (à cet égard, il faut lire la notice de Lejeune qui raconte de quelle manière Alarcón le lança dans cette aventure et se souvenir de quelle manière il avait dirigée Elena au festival d’Aix-en-Provence en juillet 2013), on bénéficie là désormais d’extraits minutieusement choisis de tous les opéras de Cavalli. Ce vaste tableau nous permet ainsi de saisir toute la nouveauté que le style de ce compositeur a pu apporter à son époque. Accordant au texte une importance fondamentale, agrémentant ses récits de personnages burlesques, traitant la volupté et l’érotisme avec talent, Cavalli participe de cette peinture des mœurs humaines qui, sous couvert de héros, dieux ou êtres mythologiques, savait parler à tout un chacun. Si l’ensemble de l’équipe mérite les plus vifs éloges, c’est bien Mariana Flores qui doit être saluée ici en tout premier lieu, incarnant chaque personnage avec une justesse remarquable. Langoureuse dans le premier extrait des Nozze di Teti e di Peleo (la façon dont elle prononce les mots «Baise ma bouche, Palpe mes seins»!), elle sait de la même façon traduire l’innocence d’une jeune fille face aux premiers émois que lui inspire l’amour (l’extrait d’Oristeo), le tempérament de Procri, abandonnée par celui qu’elle aime («Mi stimola a bestemmie ed a furori»), ou la colère sourde d’Eritea dans l’air tiré d’Eliogabalo (la manière qu’elle a de rouler les «r» dans les mots «reo l’onor rubato»). Bref, autant de preuves de la totale compréhension que Mariana Flores a de l’écriture de Cavalli, servie par une voix agile et une élocution parfaite.


Il arrive que Mariana Flores, chantant le plus souvent seule, soit accompagnée de la mezzo-soprano Anna Reinhold comme c’est par exemple le cas dans le malheureusement trop bref (moins de 1’30) extrait «Hor con pania e con esca», tiré du premier opéra de Cavalli, Le nozze di Teti e di Peleo (1639). Même si la voix est parfois moins séduisante que celle de la jeune soprano argentine, on ne boudera pas son plaisir en profitant, par exemple, de l’air issu de Mutio Scevola (1665): un autre petit bijou.


Le fait que les opéras de Cavalli aient souvent été joués à son époque dans des lieux publics certes, mais de taille relativement modeste, explique en partie le petit accompagnement instrumental. Pour autant, Leonardo García Alarcón a su s’entourer de musiciens de talent (Marie Bournisien à la harpe, Thomas Dunford à l’archiluth, François Joubert-Caillet à la basse de viole...) qui ont su, au fil des airs et sans empiéter sur la déclamation qui est toujours mise en avant, improviser et accompagner avec tout le soin nécessaire les chanteurs. Tour à tour lugubre (quelle théâtralité dans les attaques, dans le premier extrait de Giasone!), dansante (le premier extrait de La Veremonda), entraînante et généreuse à l’image du chant dans «Re de’Getuli altero» (extrait de Didone), la musique instrumentale de Cavalli mérite elle aussi d’être redécouverte.


On ne peut donc que saluer bien bas le résultat obtenu, le livre accompagnant les deux disques bénéficiant au surplus de très belles illustrations sur papier glacé, achevant un travail éditorial de toute première valeur.

Le site de la Cappella Mediterranea
Le site de l’ensemble Clematis


Sébastien Gauthier

 

 

 

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