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09/23/2015
Joseph Nicolas Pancrace Royer : Pyrrhus
Prologue: Virgile Ancely (Mars), Edwige Parat (Minerve), Christophe Gautier (Jupiter); Tragédie: Alain Buet (Pyrrhus), Jeffrey Thompson (Acamas), Emmanuelle de Negri (Polyxène), Nicole Dubrovich (Ismène, Thétis), Guillemette Laurens (Ériphile), Laurent Collobert (L’ombre d’Achille), Brian Cummings, Jean-Yves Ravoux et Virgile Ancely (Les trois Euménides), Sophie Decaudaveine (Une nymphe de Thétis), Paul Willenbrock Lle Grand Prêtre), Olivier Fichet (Un soldat), Solange Anorga (Une Troyenne), Bruno Renhold (Un Troyen), Les Enfants d’Apollon, Michael Greenberg (direction), Lisa Goode Crawford (responsable artistique)
Enregistré en public dans la Salle des Croisades du Château de Versailles (14 et 16 septembre 2012) – 142’06
Album de deux disques Alpha 953 (distribué par Outhere) – Notice (en français et en anglais) de Frédéric Lacaille et Michael Greenberg





Né à Turin en 1705, Joseph Nicolas Pancrace Royer est aujourd’hui surtout connu pour ses pièces destinées au clavecin. Nommé en 1734 «Maître de musique des Enfants de France» (ainsi désignait-on les huit filles de Marie Leczinska et de Louis XV) conjointement à un certain Jean-Baptiste Matho (il assume seul la charge à la mort de Matho en 1746), Royer est également célèbre pour avoir collaboré avec Voltaire qui lui avait demandé de mettre en musique sa tragédie Pandore: en fin de compte, Voltaire désavoua le travail du musicien qui avait, selon lui, massacré le livret originel et n’en autorisa la publication que sous le titre d’Extraits de Prométhée, le grand auteur qualifiant tantôt Royer de «polisson», tantôt l’encensant comme celui qui «joint l’esprit de Lulli à la science de Rameau»... Directeur du Concert Spirituel en 1748, il achète en 1753, soit deux ans avant sa mort, la charge de Maître de musique de la Chambre du Roi. Outre donc plusieurs œuvres destinées au clavecin, il laisse également derrière lui quelques œuvres d’importance comme les ballets héroïques Zaïde, Reine de Grenade (1739) et Le Pouvoir de l’Amour (1743), ainsi que le ballet Almasis (1748).


La création, le jeudi 26 octobre 1730, de la tragédie lyrique Pyrrhus fut un échec pour son jeune auteur de vingt-cinq ans, puisque ne donnant lieu qu’à sept représentations. Autant dire que le présent enregistrement, réalisé sur le vif dans la salle des Croisades du Château de Versailles en septembre 2012, marque donc une véritable résurrection.


L’intrigue tient surtout aux amours entre Polyxène (la plus jeune fille du roi de Troie Priam, aimée d’Achille) et Pyrrhus (également connu sous le nom de Néoptolème, fils d’Achille), passé à la postérité comme étant celui qui tua Priam et son petit-fils Astyanax. Si Royer a choisi de porter l’action sur le personnage de Pyrrhus, notons par ailleurs que, quelques années auparavant, le personnage de Polyxène avait fait l’objet d’un opéra dont le Prologue et le premier acte avaient été composés par Lully, les quatre autres actes étant de Pascal Collasse...


En l’espèce, l’opéra commence par un Prologue tout à la gloire du Roi, qui bénéficie à la fois d’un héritier en la personne de Louis-Ferdinand (futur Dauphin et père de Louis XVI), né en septembre 1729, assurant ainsi une succession au trône de France (Philippe-Louis, futur duc d’Anjou naît par ailleurs en 1730), et d’une période pacifique, le cardinal Fleury ayant recherché la paix à la fois avec la Grande-Bretagne et l’Espagne. Ce contexte général justifie que, dans ce Prologue, Minerve l’emporte logiquement sur Mars avant que Jupiter ne loue le souverain dans un vibrant «France, quel est pour toi ce fortuné moment». Puis l’action commence avec Pyrrhus qui, amoureux de Polyxène, lui avoue ses divers forfaits. Acamas, confident de Pyrrhus, rappelle à ce dernier qu’il devait se marier à Eriphile. Cette dernière menace alors de tuer Polyxène pour se venger, poussant Acamas (également amoureux de Polyxène) à l’enlever afin de la sauver. Alors que le spectre d’Achille et le peuple grec demandent le sacrifice de Polyxène, Eriphile invoque les Enfers et dénonce à Pyrrhus les amours entre Polyxène et son ami Acamas. Ce-dernier est poussé au suicide mais il a le temps de révéler à Pyrrhus les manigances et mensonges d’Eriphile. Polyxène se suicide également afin de mettre fin à la malédiction d’Achille à l’égard des Grecs, tout en révélant à Pyrrhus l’amour qu’elle avait pour lui.


La partition orchestrale ne manque pas de charme mais que la direction de Michael Greenberg est plate! Si le Prologue révèle quelques beaux passages (hautbois, bassons) tant dans l’accompagnement du chant que dans les Premier et Deuxième menuets, on aimerait un orchestre plus vif, à la pulsation moins nonchalante (le passage «Prince, reprenez l’espérance» à la scène 2 de l’acte II) d’autant que le recours aux accents guerriers (illustrés par la présence d’une trompette et de timbales en quelques occasions) pourrait permettre de bénéficier d’un orchestre plus brillant. L’ensemble demeure donc assez terne mais, avouons-le, la partition n’est pas non plus d’une richesse ou d’une densité qui permette de réaliser des miracles.


Dans l’équipe de chanteurs, le très professionnel Alain Buet campe un Pyrrhus des plus crédibles, qui bénéficie de très beaux passages (scène 4 de l’acte II), mais on aurait souhaité davantage de caractérisation dans son chant. En effet, qu’il soit en déploration ou en colère, la voix s’avère un peu trop monocorde: par exemple, que ne fut-il pas plus vigoureux dans l’air «Daigne entendre mes cris» à la scène 6 de l’acte IV, l’orchestre étant là, pour une fois, d’une belle vigueur. C’est donc un petit peu par défaut et au-delà de ses mérites propres qu’Emmanuelle de Negri s’illustre dans le rôle de Polyxène. Bénéficiant d’une belle projection et d’une diction parfaite, elle alterne avec assurance la fragilité et les emportements de son personnage jusqu’au suicide conclusif. Soulignons à ce titre son intervention déchirante à la troisième scène de l’acte I («Ah! Ne t’obstine plus»), exemple parmi d’autres de l’héroïne outragée.


En revanche, quelle déception pour les deux autres personnages principaux, à commencer par Guillemette Laurens, qu’on attendait pourtant beaucoup dans le rôle d’Eriphile. Tout d’abord, que se passe-t-il au niveau de la diction, qu’il soit nécessaire d’avoir constamment le texte sous les yeux pour comprendre ce qu’elle chante? C’est assez incompréhensible venant d’une telle spécialiste de ce répertoire... En outre, elle connaît de sérieux problèmes de justesse (scène 2 de l’acte II) qui se prolongent dans tout l’opéra (scènes 6 et 7 de l’acte III notamment): une performance à oublier bien vite. On avait déjà eu l’occasion de le noter il y a quelques années, mais Jeffrey Thompson, une fois encore, nous horripile plus qu’autre chose. Certes, c’est celui qui, dans le rôle d’Acamas, essaie de caractériser au mieux son personnage mais que d’excès dans la prononciation, que d’effets malencontreux, que de laideur aussi. On écoutera pour s’en convaincre les passages «rien ne peut échapper à son ressentiment» (acte I, scène 4), «Je ne puis me résoudre à cette perfidie» (acte II, scène 1) ou l’air «Jugez, quel est sur moi» (acte III, scène 2). C’est assez rédhibitoire et on n’a qu’une hâte en l’entendant: que cela se termine. Parmi les autres chanteurs, mention spéciale à l’excellente Nicole Dubrovich dans le rôle d’Ismène tout particulièrement et à Christophe Gautier dans celui de Jupiter, lors du Prologue.


Si l’initiative de recréer cette tragédie lyrique est fort louable, la présente interprétation ne lui rend néanmoins pas vraiment justice, celle-ci étant perfectible à plus d’un titre. Un disque que les amateurs écouteront avec curiosité et envie, en attendant peut-être mieux un jour prochain...


Le site du Centre de musique baroque de Versailles


Sébastien Gauthier

 

 

 

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