About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

07/12/2015
Tristan Murail : Le Partage des eaux [1] – Contes cruels [2] – Sillages [3]
Wiek Hijmans, Seth Josel (guitare électrique) [2], BBC Symphony Orchestra [1], Radio Filharmonisch Orkest [2, 3], Pierre-André Valade (direction)
Enregistré à Londres (5 décembre 2002 [1]) et à Hilversum (15-19 juin 2010 [2, 3]) – 61’36
æon AECD 1222 (distribué par Outhere) – Notice bilingue de Pierre Michel, de Pierre-André Valade en entretien, et de Tristan Murail


Must de ConcertoNet





Pierre-André Valade dirige trois œuvres de Tristan Murail (né en 1947) qui ne laissent aucun doute quant au génie orchestral d’un compositeur dont «l’un des soucis prédominants», comme il le déclare lui-même, a toujours été «le raffinement du timbre orchestral». Composées sur trois décennies – 1985, 1995 et 2007 – les trois partitions portent la preuve de l’équilibre extraordinaire atteint à chaque fois au fil des ans entre la recherche, l’analyse spectrale et une vibrante expression musicale. Expérimenté dans la direction de la musique de Tristan Murail et convaincu que «c’est bien dans l’écriture elle-même que réside l’énergie de l’œuvre, plutôt que dans tes techniques de réalisation», c’est avec une maîtrise et un sens du relief timbral remarquables que Pierre-André Valade obtient de ses musiciens des interprétations engagées qui respectent la ligne et la puissance de l’architecture globale de chaque pièce sans négliger le caractère et la dynamique des multiples événements en perpétuel devenir.


Le programme, encore inédit au disque, procède par ordre chronologique d’enregistrement. C’est à la tête de l’Orchestre symphonique de la BBC que Valade lance la splendeur de Partage des eaux (1995) pour grand orchestre. Murail s’intéresse à la complexité du spectre sonore de sons naturels et son choix se porte ici sur celui d’une vague déferlante et du ressac qu’il analyse, transforme et manipule par dilation et compression pour en créer une œuvre non d’imitation ou d’impression mais de musique pure. A son orchestre somptueux il ajoute un clavier électronique bien intégré qui lui permet d’enrichir les textures orchestrales de partiels infimes issus du spectre d’une harpe et d’un vibraphone. Le raffinement de la recherche se traduit en énergie, pulsion, fluctuations, éclats, étirements et résonances. Les sons fusent, les strates se croisent et se superposent, les timbres s’enrichissent et se raréfient, se pourchassant à travers l’orchestre. C’est une composition dynamique d’une très grande beauté bien mise en valeur par le chef français et les musiciens qu’il enflamme.


Membres du quatuor électronique Catch, Wiek Hijmans et Seth Josel filent les couleurs atypiques de leurs guitares au sein de l’Orchestre philharmonique de la Radio néerlandaise pour mettre en œuvre les dédales de Contes cruels (2007), inspiré, pour le titre, peut-être pour l’esprit et pour de menus détails, de Villiers de l’Isle-Adam mais travaillé selon le principe de l’imbrication des événements comme les contes des Mille et une nuits, bien que le son détaché des guitares puisse annoncer l’amorce d’un nouveau «conte». Au contraire du clavier électronique précédent, le son des guitares peut se distinguer nettement de l’ensemble. Pour autant, elles ne jouent en rien un rôle concertant mais déclenchent et alimentent la complexité des riches textures orchestrales. Les sonorités de l’ensemble, plus d’airain que d’argent, se déploient, de l’éclat à l’évanouissement, comme des feux d’artifice alentis et insolites de couleur et de comportement variés, leur vie brève mais très spatialisée devenant le halo d’un nouveau feu qui s’éclot.


Commande pour la «Trilogie symphonique de Kyoto» qui, en 1985 célébrait le soixantième anniversaire de la Kyoto Community Bank, Sillages fut créé en compagnie de Dream/Window de Takemitsu et Listen to the incense de Murray Schafer. Pour grand orchestre, la pièce se devait d’être d’une inspiration japonaise évocatrice de Kyoto mais, malgré quelques échos tel un son sec de tambour qui rappelle les tambours de bois des temples, ce n’est ni le climat ni la poésie des lieux mais l’énergie latente des roches isolées des jardins japonais qui inspire le compositeur, sensible à la déformation métaphorique de l’espace qu’elle provoque autour de chaque pierre, matérialisée par les sillons concentriques tracés dans le gravier. Musicalement, les masses dynamiques entourées de «déformations» fécondent la structure de la pièce qui procède par blocs d’accords et leur résonance accompagnés, dans l’épaisseur de l’orchestre, de frémissements, de grondements, d’arabesques de pluies fines et de jaillissements de particules lumineuses, l’ensemble créant une ligne de force fluctuante rythmée par des accélérations, des ralentis, des crescendos et des instants de quasi-silence qui ne relâchent pas la tension.


Pierre-André Valade dirige les deux orchestres avec tout autant de précision, d’engagement et de conviction, les instrumentistes nettement à son écoute et avec «un résultat global totalement cohérent et naturel» comme il l’entend lui-même. La grande qualité des compositions de Tristan Murail, mises en valeur par une prise de son dynamique d’un bel équilibre spectral, fait de leurs fines prestations un événement discographique d’exception, vivement recommandé.


Le site de Tristan Murail
Le site de Pierre-André Valade
Le site de l’Orchestre symphonique de la BBC
Le site de l’Orchestre philharmonique de la Radio néerlandaise


Christine Labroche

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com