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06/19/2015
Christian Ludwig Boxberg : Sardanapalus
Jan Kobow (Sardanapalus, Apollo), Rinnat Moriah (Salomena, Venus), Theodora Baka (Agrina, Juno), Cornelia Samuelis (Didonia, Diana), Franz Vitzthum (Belochus), Markus Flaig (Arbaces, Mars), Sören Richter (Atrax), Felix Schwandtke (Belesus), Kirline Cirule (Misius, Cupido), Philipp Nicklaus (Saropes), United Continuo Ensemble, Jörg Meder (direction)
Enregistré en public au Wilhelmatheater, Stuttgart (28 février et 1er mars 2014) – 164’
Coffret de trois disques Pan Classics PC 10315 (distribué par Outhere France)





Du légendaire roi assyrien Sardanapale, on connaît bien sûr le célèbre tableau peint par Eugène Delacroix en 1827: on connaît moins en revanche les opéras qui ont pu le choisir comme principal protagoniste. Et pourtant, ce fut le sujet d’un opéra composé en 1678 par le Vénitien Domenico Freschi, d’un opéra inachevé de Liszt et ce fut également le sujet imposé à Berlioz pour sa cantate homonyme avec laquelle, en 1830, il remporta le prix de Rome. Un peu plus près de nous, mais qui aujourd’hui s’en souvient, des opéras intitulés Sardanapale furent également composés au XIXe siècle par la baronne de Maistre (opéra parfois connu sous le nom de Ninive, qui fut semble-t-il donné par extraits dans certains salons sans être jamais représenté dans son intégralité) puis par les compositeurs Victorin de Joncières en 1867 et Alphonse Duvernoy en 1882. Il faut désormais ajouter à ces musiciens l’opéra en trois actes Sardanapalus de Christian Ludwig Boxberg que l’on avait là aussi allègrement oublié.


Fils d’organiste, Christian Ludwig Boxberg (1670-1729) fut un compositeur actif au tournant de deux siècles, qui composa des opéras aux côtés de son maître Nikolaus Strungt, Kapellmeister à la cour de Dresde avant de finir lui-même sa vie comme organiste. Sardanapale fut vraisemblablement créé en 1698 à la cour du Margrave d’Ansbach (petite ville actuellement située dans le land de Bavière) Georg Friedrich II, cette œuvre ayant connu une certaine célébrité pour être «l’opéra de langue allemande conservé le plus ancien provenant du centre de l’Allemagne» comme le précise Michael Maul dans la notice accompagnant le présent coffret.


L’intrigue est complexe. Après un Prologue qui sert seulement de faire-valoir pour le compositeur (il s’agit d’un hommage au prince du Margrave d’Ansbach), l’action se situe dans le palais du souverain Sardanapale. Celui-ci, complètement débauché, ne pensant qu’aux plaisirs charnels et matériels, loue la luxure, ce qui suscite la colère du jeune Belochus, fils de son ennemi prisonnier Belesus, qui est amoureux d’Agrina, princesse assyrienne, elle-même promise à un certain Arbace. Entraîné par Belesus, Arbace choisit de reprendre les armes contre Sardanapale, bien que déjà vaincu par lui par le passé; alors que la nuit propice au complot arrive, Belochus vit pour sa part un tourment amoureux, partagé entre ses sentiments et ceux que lui portent deux princesses, Salomene et Didonia. Pendant ce temps, Sardanapale continue de jouir sans compter, se déguisant en femme et suscitant ainsi certains quiproquos avec des hommes également travestis. Après de multiples péripéties amoureuses qui oscillent entre comédie (les travestissements aidant à la transgression et à la confusion), les adversaires de Sardanapale assiègent son palais et celui-ci, plutôt que de se rendre, préfère s’immoler par le feu avec ses femmes et ses autres richesses. Comme souvent dans les opéras de cette époque, la tonalité conclusive est heureuse puisque Arbace et Agrina se marient et les ennemis d’hier se retrouvent, sur le dos de la mémoire du tyran Sardanapale, définitivement disparu.


Après presque trois heures de musique, que doit-on retenir? Pas grand-chose en vérité car, avouons-le, cet opéra est bien ennuyeux et ce n’est pas l’interprétation qui le transcende – cela dit, certains combats sont perdus d’avance... La musique, tout d’abord, est sans grande imagination. L’ensemble United Continuo, sous la direction assez plate de Jörg Meder, offre bien ici ou là quelque brillance grâce aux deux trompettes (l’air de Mars «Ihr donnernden Stücke» dans le Prologue ou le chœur de triomphe une fois Sardanapale mort, à l’acte III), quelque intérêt grâce au jeu des anches doubles (les hautbois et le basson dans le «Ballet von des Martis Helden» dans le Prologue, l’accompagnement du hautbois dans l’air «Die Schickung herrschet über alles» chanté par Belesus au premier acte), ou même quelque pointe d’humour, la partition étant parfois dominée par une atmosphère nettement tragi-comique (l’air d’Atrax «Nein, nein, wenn ich mich soll verlieben» à l’acte II). Mais, de manière globale, c’est une musique bien ennuyeuse (hormis une belle Chaconne à la fin de l’opéra mais dont la notice nous apprend qu’elle est de la plume de Nicola Matteis et qu’elle a servi à un opéra de Caldara...) et se contente d’accompagner les voix, sans jamais vraiment dialoguer avec elles, ni les sublimer en venant, par un bref coup d’archet ou une appogiature, les relancer ou les épauler.


Mais cela est peut-être inutile car, lorsqu’on les entend, les chanteurs ne brillent guère non plus, la partition ne leur offrant il est vrai aucun grand moment. Jan Kobow s’en sort plutôt bien mais certains airs sont tellement brefs (une minute à peine comme ce «Wer bei steter Arbeit schwitzet» à l’acte I) qu’il ne peut guère donner la mesure de ses talents. Ici ou là, quelques chanteurs offrent également de beaux passages: citons notamment Rinnat Moriah («Nein, nein, ich bleibe treu» à l’acte I) ou la basse Markus Flaig lorsqu’il incarne Arbaces («Fasset die Waffen», acte III, ou, toujours dans cet acte, l’air «Such zu geniessen, such zu umschliessen», adroitement accompagné par le violoncelle solo). Mais de manière générale, les chanteurs ne sont pas vraiment au niveau, les voix étant souvent fausses ou manquant de souffle et de projection, les lignes mélodiques étant chancelantes en plus d’une occasion. Ainsi, on passera rapidement sur la prestation de Theodora Baka dans le rôle d’Agrina ou, même, sur celle de Rinnat Moriah (l’air conclusif du deuxième acte étant totalement raté). Les arias ne sont donc guère enthousiasmantes mais il en va de même pour les rares duos ou chœurs qui parsèment un opéra avant tout dominé par de très longs récitatifs où la vie, l’espièglerie ou le drame ne transparaissent jamais vraiment. D’ailleurs, pour un opéra enregistré en concert, on ne peut qu’être surpris par l’absence totale de réaction du public (ni bruissement, ni rire, ni applaudissement...).


Si l’on peut donc saluer la volonté des artistes de sortir de l’oubli certaines œuvres, force est de constater que la réussite n’est pas toujours au rendez-vous. En l’occurrence, un choix s’offre avec une certaine évidence: un disque à ne réserver qu’aux amateurs de raretés baroques ou un ouvrage à oublier sans grand regret.


Le site de Rinnat Moriah
Le site de Franz Vitzthum
Le site de Markus Flaig
Le site de l’ensemble United Continuo


Sébastien Gauthier

 

 

 

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