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04/18/2015
«Retrospective»
Osvaldas Balakauskas : Bētsafta 2 [1] –– Retrospective II [2] – Ludus Modorum [3] – Dal vento [4] – Bop-Art [5]

David Geringas (violoncelle), Jascha Nemtsov (piano) [1, 2], Petrus Geniusas (piano) [4, 5], Membres du Quatuor Vogler: Tim Vogler, Frank Reinecke (violon), Stefan Fehlandt (alto) [1], Ensemble Gaida [3], Robertas Servenikas (direction) [3]
Enregistré en Lituanie (février 2002 [3], décembre 2009 [4], février 2010 [1], juin 2010 [5] et février 2013 [2]) – 62’08
Profil Edition Günter Hänssler PH14004 – Notice en allemand et en anglais


 Sélectionné par la rédaction





David Geringas (né en 1946) présente cinq œuvres aventureuses pour violoncelle de son compatriote Osvaldas Balakauskas (né en 1937), dont le généreux catalogue reste encore trop peu connu en dehors de sa Lituanie natale et des pays ouvrant sur la Baltique. Le programme est une rétrospective dans le sens où les premières versions de trois des cinq pièces remontent aux années 1970, les deux autres aux années 1990, et qu’il s’agit d’une compilation de prestations enregistrées séparément entre 2002 et 2013. Le style et la conviction de Geringas donnent une unité à un ensemble déjà judicieusement établi en fonction d’un langage harmonique tout à fait particulier et commun aux cinq.


A partir de 1960, Balakauskas créa ses propres modes diatoniques qui, au-delà du pentatonique ou de l’heptatonique allaient jusqu’au dodécaphonique tout en favorisant l’octatonique et l’ennéatonique. En parallèle, il développa son propre langage sériel, les sons complexes de chaque série n’étant pas des notes simples mais de brefs motifs ou des combinaisons mélodiques ou harmoniques dont le choix et le traitement évitent les dissonances extrêmes. Son objectif déclaré – par boutade – était un «sérialisme à visage humain». Ses compositions plus récentes soulignent une évolution vers le consonant, le contrôle qu’il exerce sur les tensions harmoniques en augmentation sensible.


Retrospective II (1994) pour violoncelle et piano est une version développée en durée et en complexité de Retrospective I composé en 1974 pour le même effectif et transcrit pour violon, violoncelle et piano la même année. A l’origine en deux mouvements, Retrospective II les enchaîne, les deux éléments à considérer rétrospectivement étant la mélodie et l’accord. Si la mélodie surgit d’une texture pointilliste aux rythmes syncopés pour s’y perdre, l’accord revit dans une série composée d’accords presque consonants qui se confrontent et s’opposent sur les deux instruments au cours de mêmes élans aux rythmes marqués qui soudain se suspendent. Geringas et Nemtsov y déploient une énergie prodigieuse, brillamment incisive.


Tout en naissant du langage spécifique du compositeur, le syncopé de Bop-Art (1972) est jazzique à dessein et cette version de 1995 permet au jazzman Vladimir Tarasov d’improviser à la percussion en demi-teinte sur une partie rigoureusement composée pour violoncelle et piano, les sonorités scintillantes presque sans dissonance. Le grand talent souple de Petrus Geniusas s’adapte bien au jazz et la version originale de Dal vento (1999) en est encore une preuve. Les rythmes, fluides et transparents sous ses doigts, se déploient en contrepoint d’un violoncelle véloce, le phrasé lyrique et les timbres rocailleux.


Robertas Servinakas dirige l’Ensemble Gaida pour la plus récente version des trois mouvements du Ludus modorum bien nommé. Balakauskas reprit en 2002, autour d’un violoncelle électrique, la partition composée en 1972 pour violoncelle et petit orchestre avec clavecin ou piano. Ici, le choix va au clavecin, la percussion s’en trouve renforcée et au seul cor s’ajoutent une trompette et un tuba. Il en existait déjà une version pour violoncelle amplifié et bande. Pour chaque version, si les sonorités dominants différent, les constants stylistiques restent les mêmes au cœur d’une écriture serrée, admirablement structurée et finement novatrice. Le «jeu» modal et stylistique se fait à partir d’un morceau pour piano préexistant que le compositeur éclate en tessons pour les rassembler en mosaïque fantasque. Tout aussi solide, tout aussi rythmique et tendue, la version avec le remarquable violoncelle électrique «Silent Cello» – bien intégré grâce à ses sons pleins – gagne en clarté et en vigueur acérée, l’interprétation énergique des musiciens lituaniens tout à fait lumineuse.


Bētsafta 2 (2009) diffère principalement de la version originale de 1995 par l’effacement du violoncelle du quatuor à cordes qui accompagne les deux instruments solistes. L’interprétation souligne le grand souffle et la profondeur des sentiments de ce grand «Vivre-ensemble» (bētsafta) assez consonant. Les rythmes marqués relèvent encore du style syncopé du compositeur qui naît davantage du langage complexe qu’il a élaboré que de l’influence du jazz – passion de jeunesse qu’il ne renie pas, pas plus qu’il ne nie l’influence du principe de progression développé par Boris Blacher. Le jeu expressif de Jascha Nemtsov et la force persuasive de Geringas, bien soutenus par la douceur du trio à cordes, révèle la belle originalité de la partition. Leur prestation bénéficie d’une prise de son claire et aérée.


Ce riche programme et le haut niveau des prestations forment une belle introduction à l’œuvre d’Osvaldas Balakauskas pour qui ne le connaît pas encore. Pour les convaincus, c’est un régal.


La page d’Osvaldas Balakauskas sur le site du Centre lituanien d’information musicale
Le site de David Geringas


Christine Labroche

 

 

 

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