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04/05/2015
«Kodály conducts Kodály»
Zoltán Kodály : Psalmus Hungaricus, opus 13 [1] – Missa brevis [2] – Budavári Te Deum [3] – Nyári este [4] – Concerto pour orchestre [5]

Mária Gyurkovics [2], Edit Gánes [2], Timea Cser [2], Irén Szecsódy [3] (sopranos), Magda Tiszay [2, 3] (alto), Endre Rösler [1, 2], Tibor Udvardy [3] (ténors), György Littasy [2], András Faragó [3] (basses), Budapest [1, 2, 3], Miklós Forrai (chef de chœur), Magyar Állami Hangversenyzenekar [1, 2, 3], Budapesti Filharmóniai Társaság Zenekara [4, 5], Zoltán Kodály (direction)
Enregistré à Budapest (7-12 août 1956 [2], 5-7 mars 1957 [1], 1er-4 octobre 1958 [3], 2-4 [4], 5 et 6 [5] juillet 1960) – 126’17
Double album Hungaraton Classic HCD 32677-78 – Notice en hongrois (avec traduction trilingue) de Melinda Berlász; textes inclus





Compositeur, ethnomusicologue et pédagogue avant tout, Zoltán Kodály (1882-1967) ne se mit que relativement tard (1927) à la direction d’orchestre et encore se limita-t-il presque exclusivement à ses propres œuvres. Toutefois les musiciens et les critiques d’alors y reconnaissaient une réussite incontestable, sa direction précise et incisive à la gestuelle claire obtenant des orchestres des prestations nettes, intenses et passionnées qui, enregistrées, deviennent maintenant un apport précieux, puisqu’elles éclairent la vision personnelle du compositeur au-delà de la partition écrite. Remastérisée en 2011, cette compilation, réalisée en 1982, présente trois œuvres sacrées majeures et deux pièces pour orchestre, intéressantes parce que moins souvent à l’affiche que l’entraînante suite pour orchestre de Háry János ou les célèbres Danses de Galánta.


Deux des trois œuvres sacrées ont en commun une commande à l’occasion d’une célébration historique et nationale qui permettait à Kodály d’évoquer de façon oblique les dramatiques événements contemporains en Hongrie et sa foi profonde en «la puissance édificatrice du peuple» (Bartók). Ecrit pour la réunion de Buda, Obuda et Pest, le Psalmus Hungaricus (1923), pour ténor, chœur mixte, chœur de garçons, orgue et orchestre, reste, par sa puissance et par sa perfection, de loin le plus audacieuse et le plus originale des trois. La force de conviction des interprètes confère une intensité rare au splendide thème mélodique qui parcourt l’œuvre, ses perpétuelles transformations glissant du chœur à l’orchestre ou au ténor. Le choix de celui-ci est de première importance puisqu’il représente le peuple hongrois par la voix de David, qui lance un violent appel à Dieu dans une plaidoirie désespérée et amère selon la glose du Psaume LV du poète Mihály Kecskemméti Veg (XVle siècle). Le style slave d’Endre Rösler accentue le caractère hongrois de la cantate, sa voix sauvage ou tendre en distillant l’émotion profonde.


Le deux cent cinquantième anniversaire de la libération du Château de Buda, alors sous occupation turque, donna lieu en 1936 au Budavári Te Deum pour quatre solistes, chœur, orgue et grand orchestre, qui respecte le texte liturgique. Le climat dominant n’est plus à la douleur mais à la liesse, que souligne en triomphe une orchestration riche en salves de cuivres alors que les cordes en suggèrent l’apaisement à venir. L’ensemble polyphonique dépend moins de la tradition populaire dont la fragrance tout hongroise est pourtant fermement rappelée lors du solo pentatonique final de la soprano, la voix douce et aérienne d’Irén Szecsódy un pur délice. Les chœurs répondent avec ferveur à la direction engagée de Kodály et le bel équilibre entre les voix des solistes ajoute au caractère touchant des quatuors vocaux.


La création de la Missa brevis («in tempore belli»), officiellement un cadeau d’anniversaire de mariage pour son épouse, eut lieu en 1945 dans les sous-sols de l’Opéra dans une Budapest occupée par les Allemands et encerclée par les Russes. Chef-d’œuvre pour trois solistes, chœurs, orgue et orchestre, la grandeur et la noblesse tragique en ressortent pleinement sous la baguette du compositeur, son souvenir sans doute encore vif et son attachement à la partition manifestement entier. L’«Introïtus» pour orchestre seul, hymne noir et déchirant, prépare à l’angoisse et à l’espérance exprimées au cours des cinq volets liturgiques et du «Ite, missa est» conclusif. L’ensemble se construit en palindrome habile autour d’un poignant «Sanctus» lumineux. Le «Kyrie» correspond ainsi à l’«Agnus» et c’est au cours de ces deux parties qu’intervient l’une des touches les plus délicates du compositeur, bien réussie ici, qui oppose l’éthéré de trois sopranos solos au chœur entier en répons, l’orchestration décantée en conséquence.


Kodály mène avec allant les deux œuvres pour orchestre. Composé en 1906 et révisé en 1929, le charmant Soir d’été aux allures pastorales évoque les senteurs de certaines œuvres de Frank Bridge ou de Frederick Delius. Le Concerto pour orchestre (1939-1940) aux sonorités indéniablement hongroises renvoie à l’esprit du concerto grosso tout en gardant son originalité propre. En cinq mouvements enchaînés, élégant, lyrique, tendre ou quasi-rhapsodique, le Concerto offre des passages solistes et de fins alliages de timbres aux différents instrumentistes de l’Orchestre (de la Société) philharmonique de Budapest. Leur phrasé est à tout moment impeccable.


La remastérisation manque parfois de spatialisation et de clarté, peut-être parce qu’elle passe de prises de son monophoniques à la stéréophonie, ce qui implique un choix d’esthétique, mais le but de cette compilation n’est pas de remplacer les versions de référence. L’intérêt, c’est bien la direction éloquente de Kodály, qui obtient des interprètes une efficacité de tout instant grâce à l’attention concentrée qu’ils lui accordent.


Christine Labroche

 

 

 

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