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03/23/2015
«Heroes from the Shadows»
Georg Friedrich Händel : Poro, HWV 28: Sinfonia – Ariodante, HWV 33: «Dover, giustizia, amor» – Orlando, HWV 31: Sinfonia – Amadigi di Gaula, HWV 11: «Pena tiranna» & «Ballo di pastori e pastorelle» – Alessandro, HWV 21: «Sarò qual vento» – Serse, HWV 40: «Non so se sia la speme» & Sinfonia – Partenope, HWV 27: Sinfonia & «Io seguo sol fiero» – Radamisto, HWV 12: «Son contenta di morire» – Agrippina, HWV 6: «Voi che udite il mio lamento» – Tamerlano, HWV 18: «Par me mi nasca in seno» – Scipione, HWV 20: Sinfonia – Giulio Cesare, HWV 17: «L’aure che spira» & «Son nata a lagrimar» – Arianna in Creta, HWV 32: «Son qual stanco pellegrino» – Rodelinda, HWV 19: «Se fiera belva ha cinto» – Silla, HWV 10: «Senti, bell’idol moi»

Philippe Jaroussky (contre-ténor), Patrick Langot (violoncelle piccolo), Michele Pasotti (luth),
Orfeo 55, Nathalie Stutzmann (contralto et direction)
Enregistré en l’église du Bon Secours, Paris (19-23 mai 2014) – 79’41
Erato 08256 462317 7 5 (distribué par Warner Classics) – Notice exemplaire (en anglais, français et allemand) de David Vickers et Nathalie Stutzmann, et traduction des textes chantés


 Sélectionné par la rédaction





En regardant cette compilation d’airs tirés de divers opéras de Georg Friedrich Händel, on pourrait être tenté de se dire «Un disque de plus!» consacré au grand compositeur saxon sans y jeter ni oreille, ni regard. Quelle erreur! Car nous avons là, osons le dire, un réel joyau qui consacre la grande händelienne qu’est Nathalie Stutzmann.


Doit-on s’en étonner car, après avoir chanté avec maestria (tout en dirigeant son ensemble Orfeo 55) aussi bien Vivaldi que Bach (dans un programme intitulé «Une cantate imaginaire»), n’était-il pas normal, voire attendu, que Händel figurât également un jour au programme, qui plus est avec la même réussite? Sans remonter à son enregistrement déjà ancien d’Amadigi di Gaula (chez Erato, sous la baguette de Marc Minkowski), force est de constater que Händel n’a jamais disparu du répertoire protéiforme de Nathalie Stutzmann, qu’il s’agisse de chanter le rôle de la Désillusion dans Il trionfo del tempo e del disinganno ou de diriger son ensemble dans un concert entièrement dédié aux opéras du grand compositeur baroque, comme ce fut le cas à Bordeaux à la fin du mois de mars 2014.


En l’espèce, loin de vouloir consacrer les étoiles händeliennes, Nathalie Stutzmann a au contraire souhaité jeter la lumière sur les seconds rôles de plusieurs opéras de Händel qui, comme elle l’explique très bien dans la notice, peuvent avoir bouleversé le public lors du concert alors qu’il les aura oubliés sitôt sorti de la salle de concert. Cette excellente idée devait se doubler d’un choix judicieux: c’est peu de le dire qu’il l’est. Puisant à la fois dans le très connu (le duo entre Cornelia et Sextus tiré de Giulio Cesare) et dans le presque inédit (Arianna in Creta ou Silla), elle a construit là un récital où la moindre note se pâme de sublime, où le moindre air est un bijou, accompagnée par un ensemble Orfeo 55 de tout premier ordre. Les personnages qu’elle incarne sont tous des «seconds rôles» mais ils ont surtout le point commun d’être souvent des personnages tiraillés par des choix qui les rendent plus perméables à l’émotion et aux atermoiements. Qu’il s’agisse de Dardanus (bien qu’étant l’ami d’Amadigi, il est amoureux de la même femme, Oriana), d’Arsamene (partagée entre la loyauté qu’elle doit à son frère, le roi Serse, et ses sentiments à l’égard de Romilda, également convoitée par Serse) ou de Zénobie (prête ici à se suicider pour mettre un terme au conflit qui oppose Tiridate, le roi d’Arménie, à son beau-père, le roi de Thrace, qui n’est autre que son beau-père), ces divers héros sont tous soumis à des pressions et des questionnements psychologiques que Händel a magnifiquement exploités pour composer quelques airs à la stupéfiante beauté.


Même si la voix de Nathalie Stutzmann trahit parfois un vibrato un brin excessif – l’air de Dardanus (Amadigi di Gaula) –, on admire aussi bien la véhémence de ses vocalises – l’air de Polinesso (Ariodante) – que ses emportements soudains – quelle vivacité dans l’air de Cleone (Alessandro)! – ou sa capacité à faire sonner des graves presque sortis d’outre-tombe. A ce titre, l’air d’Ottone (Agrippina) est un modèle: dans ce passage du deuxième acte, Otton se désespère de voir ses amis le fuir à la suite des accusations qui ont pu être portées contre lui. Nathalie Stutzmann incarne ici un personnage blessé jusqu’au plus profond de lui-même, soutenu d’abord par une légère mélopée du hautbois avant que les cordes de l’orchestre, presque fausses, presque brutales également, ne coïncident parfaitement avec le passage «che disnamina il mio cor»: c’est superbe. Dans l’air de Zénobie (Radamisto), c’est la déclamation de la chanteuse que l’on admire en premier lieu, le sens donné à chaque mot, l’intonation toujours juste, dans cet air vif où l’on remarquera le très beau jeu de l’orgue. Car l’ensemble Orfeo 55 sonne lui aussi toujours parfaitement, permettant à l’auditeur d’entendre aussi bien des clarinettes – rares chez Händel mais bel et bien présentes dans l’air d’Irène (Tamerlano) – qu’un jeu inhabituel des cordes, comme dans cette belle petite Sinfonia de l’opéra Scipione, le violoncelle (dans l’extrait d’Arianna in Creta) ou les cors (dans celui de Partenope) étant, pour leur part, plus habituels. En invité de luxe, Philippe Jaroussky est un Sextus idéal face à la voix pleine de ressentiment et de désespoir de sa mère, Cornelia (Giulio Cesare in Egitto).


Une fois encore, Nathalie Stutzmann nous démontre la chanteuse et la chef qu’elle est aujourd’hui: une artiste de premier ordre.


Le site de Nathalie Stutzmann
Le site de l’ensemble Orfeo 55


Sébastien Gauthier

 

 

 

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